Chapitre 4
Albus fut conduit à l'infirmerie. Frère Remus vint immédiatement à son chevet et pria Harry de quitter les lieux. Le jeune homme, qui se tordait les mains, s'éloigna avec réticence. Il rejoignit les autres novices qui connaissaient déjà la nouvelle. Severus ne fit pas de commentaire sur son retard.Le malaise d'Albus relégua les investigations du Prieur au second plan. Lucius devait assurer la bonne marche de l'abbaye tant que le titulaire n'en était pas capable. Il n'était plus en mesure de perdre des heures précieuses à interroger chaque moine. Mais à la fin de l'office de none, il fit bien comprendre que ce n'était que partie remise... avant d'ordonner des prières pour l'abbé.
- Lui il doit espérer que l'abbé ne s'en tirera pas, murmura un des moines les plus cyniques. Il gouvernerait enfin à sa guise.
- Que Dieu nous en garde, répliqua un autre.
Ron, malgré ses airs de bravade, avait peur. Il rasait les murs depuis le matin.
- Si Albus meurt, que se passera-t-il ? interrogea-t-il, blême.
- Le comte Cornelius nommera quelqu'un d'autre, et on dit que le Prieur est son grand favori, répondit Filius.
Filius était à l'abbaye depuis plus longtemps que quiconque et parlait d'expérience. Ron continua, mal assuré :
- Et si l'abbé ne meurt pas mais... perd la tête par exemple ?
- Alors le Prieur dirigera l'abbaye en attendant qu'Albus soit remplacé. Aucun échappatoire, mon frère.
Filius s'éloigna en riant doucement. Ron lança une imprécation à voix basse. Harry était pâle lui aussi. L'atmosphère ici serait très différente, sous la coupe du Prieur ; et lui-même sentait la menace grandir.
A la fin de la journée, personne n'avait d'éclaircissements sur l'état de santé d'Albus. Harry décida de passer à l'infirmerie avec l'espoir que Remus le rassurerait.
Il n'y avait personne dans l'officine où Remus entreposait ses remèdes. Les alambics, les récipients de terre et de verre se côtoyaient sur un long rayonnage qui courait contre le mur. Les vases et les brocs étaient emplis de substances de différentes couleurs. Ce lieu impressionnait beaucoup Harry.
La porte qui menait à la chambre de Remus était entrouverte. Harry s'approcha sur la pointe des pieds et jeta un coup d'œil à l'intérieur. A sa grande surprise, il vit Severus assis près du lit ; la voix qui lui parlait appartenait à l'abbé. Remus avait donc cédé sa propre chambre à l'abbé, au lieu de l'installer dans le dortoir de l'infirmerie. Harry essaya de se rassurer en se disant que ce n'était pas lié à la gravité de son état mais seulement parce que l'abbé avait des privilèges.
Cependant, Albus avait une voix très faible, difficilement reconnaissable. Le cœur de Harry se serra.
- Je crains que la décision ne soit déjà plus entre mes mains, Severus...
- Vous allez vous remettre : Remus l'assure. Même si à titre personnel nous ne nous entendons guère, j'ai confiance en son habileté de médecin.
- Il ne peut rien contre le temps qui passe ni contre la décrépitude du corps humain. Mon cœur est fatigué et on ne peut pas le remplacer.
- Je m'étonne qu'avec votre optimisme forcené vous ne proclamiez pas qu'un jour la médecine saura accomplir cet exploit...
- Sûrement un jour, rétorqua Albus.
Harry pouvait se représenter les yeux de l'abbé pétiller de malice. Il se remit à espérer que le malaise ne soit qu'une fausse alerte. Mais pourquoi le Maître des novices semblait-il aussi accablé ?