Chapitre 3
Cela avait été une curieuse célébration dominicale. La présentation officielle des inquisiteurs avait jeté un froid palpable. Harry et Severus ne s'attardèrent pas parmi les groupes qui se formaient pour bavarder de choses et d'autres. Le temps d'après la messe était souvent dévolu à la socialisation, mais Severus n'en voulait pour rien au monde. Particulièrement aujourd'hui. Il se dirigea fermement vers leur demeure, Harry marchant avec lenteur derrière lui.
Quand le bruit des conversations s'estompa derrière eux, Harry se rapprocha et glissa sa main dans celle de Severus.
- Sev, si nous allions nous réchauffer dans notre lit ?
Severus eut un haut-le-corps et s'arracha à lui comme si le contact l'avait brûlé.
- Tu as perdu la tête ? Me prendre la main ici, et justement aujourd'hui ? siffla-t-il entre ses dents serrées.
- Mais il n'y a personne, se défendit Harry en regardant tout autour de lui.
- Tu as vérifié aussi dans les coins sombres et derrière les fenêtres, bien entendu ? Tu ne réfléchis jamais à rien !
Harry, dont l'orgueil était mortifié, prit un air hautain.
- Je réfléchis bien assez. Mais toi, tu réfléchis trop ! Tu n'oses jamais rien faire, tu t'interdis tout. C'est insupportable !
- Je ne suis plus un enfant immature, rétorqua Severus.
- C'est ce que je suis, d'après toi ? J'ai trouvé un métier, je gagne ma vie, notre vie je devrais ajouter. Je sais ce que je veux, moi au moins. Crois-moi, Severus, je ne suis plus en enfant !
Severus le regarda sans rien dire. Harry, furieux, tourna les talons.
- Je rentre. Toi, fais ce que bon te semble !
Severus ne revint que plusieurs heures après, ce dont il eut le temps de se repentir amèrement plus tard. Il avait vagabondé dans les bois, avait croisé des bûcherons, et aussi quelques braconniers qui s'étaient dissimulés à son approche. Ces hommes savaient qu'il travaillait pour le baron Sirius Black et craignaient qu'il ne les dénonce. Mais rien n'était plus éloigné de son esprit.
Le froid qui régnait n'était rien à côté du froid glacial qui régnait dans son esprit. Il avait l'impression d'être engourdi et de ne rien ressentir, si ce n'était un vide tragique.
A quoi servait donc son existence ?
Il n'avait plus de réponse à donner à cette question.
Il finit par se résigner à rentrer, parce qu'il n'avait rien d'autre à faire. Mais c'était bien à contre-cœur.
Quand il approcha de leur maison, il entendit une voix provenant de l'intérieur qui n'appartenait pas à Harry. C'était une voix masculine plus âgée et plus grave, qu'il ne parvenait pas à identifier.
Harry n'avait pas été stupide au point d'inviter chez eux les deux inquisiteurs, quand même ? Severus, toutefois, n'aurait juré de rien. Il s'approcha lentement du mur de bois, qui laissait filtrer les sons, et y appliqua son oreille.
- Vous reconnaîtrez que son enseignement est original. Personne n'a vu un professeur tel que lui avant, disait la voix inconnue. Pourquoi étudier les anciens Grecs ?
- Pourquoi les passer sous silence ? rétorqua la voix claire de Harry. Ils ont fait l'histoire, ils ont été la civilisation la plus en avance de leur temps.
Severus fronça les sourcils depuis sa cachette. L'homme était-il quelqu'un de la suite du baron Sirius Black ? Il semblait évoquer l'éducation que Severus délivrait aux enfants du baron. Pourquoi s'en occuperait-il ? Et pourquoi en parlerait-il à Harry ? Severus se rapprocha du mur, débattant avec l'idée de faire irruption dans la pièce. Mais alors il n'apprendrait rien de plus.