Les âges sombres 4.

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Chapitre 4

Neville avait relu les inscriptions du parchemin avant de se coucher. A présent il reconnaissait certains mots mais le sens général lui demeurait hermétique. Quant au message original d'Albus, il n'avait pas non plus révélé tous ses secrets : « dans la réserve des maures, la géographie prouvera les pratiques du dragon jaune ». Quel était ce dragon ? Celui qu'avait combattu saint Georges ? Une référence à la légende arthurienne ?

Frère Binns s'était approché d'un pas fantomatique.

- Soufflez cette bougie, frère Neville ! Il est temps de dormir.

Binns était le responsable du dortoir et il semblait toujours perdu dans ses pensées, comme s'il ne savait ni où il était ni ce qu'il faisait. Voir Neville plongé dans de vieux parchemins, alors que ceux-ci devaient rester confinés strictement dans l'enceinte du scriptorium, n'avait pas l'air de le perturber le moins du monde. Probablement la vision d'un dragon traversant la cour de l'abbaye ne lui ferait-elle pas bouger un cil. Quand Seamus était encore un novice, il avait lancé les paris sur la nature de frère Binns : était-il un homme ou une entité spectrale ? Frère Severus l'avait pris sur le fait et l'avait envoyé récurer les chaudrons de la cuisine, pour lui apprendre à parier comme un soudard.

La nuit portait parfois conseil, mais celle des frères était passablement agitée, puisque entrecoupée d'offices. La cloche sonnait à deux heures pour la première messe de la journée tout le monde était contraint de s'y rendre, avant de pouvoir à nouveau s'écrouler pour quelques heures de sommeil. Neville songea que si Binns était un fantôme, alors lui-même pouvait l'être. Il se sentait comme tel, en tout cas.

La deuxième messe le tira à nouveau du lit alors que l'aube pointait juste sa lumière froide. Neville avait rêvé de dragons et de maures et il se sentait troublé. Il espérait que la prière lui apporterait du réconfort. C'était généralement le cas. Pour tous les frères, elle apportait une forme de sérénité, la satisfaction d'accomplir un bienfait, l'impression que Dieu veillait sur eux cela faisait que chacun d'entre eux se sentait moins seul. Il était en effet possible de se sentir seul au milieu d'une bâtisse remplie de dizaines de personnes. Neville en savait quelque chose.

Alors que les frères marchaient en direction de l'église en se frottant les yeux, un carrosse traversa devant eux, brinquebalant sur la terre battue de la cour, cahotant sur une pierre.

- Qui vient ? demanda Dean, dont la voix ensommeillée provenait de la droite de Neville.

- Personne. C'est au contraire quelqu'un qui part, objecta frère Filius qui menait la troupe jusqu'à l'office du matin.

- Qui donc ? insista Dean.

- C'est notre père abbé qui s'en va en visite.

Les frères en restèrent bouche bée. Albus n'avait jamais, au grand jamais, quitté l'abbaye. C'était interdit. Les laïcs qui voulaient s'entretenir avec lui et profiter de ses lumières devaient venir jusqu'ici.

- Mais... mais... balbutia Colin, qui était encore un novice facile à impressionner, est-ce que c'est correct ? Il faut rester dans l'enceinte, c'est bien spécifié dans la Règle, je croyais...

- Lucius a décidé de procéder à quelques changements, mais uniquement pour lui-même, dit froidement Filius, la voix lourde de désapprobation.

- Mais où va-t-il ? s'enquit Neville avec curiosité.

- Rejoindre un château quelconque, probablement. La société ici ne lui convient guère, c'est bien connu. Il va vivre comme un noble, à présent qu'il est le seul maître à bord, fréquenter les seigneurs locaux, assister à des banquets...

Cloîtré.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant