Chapitre 2
Neville regardait les étranges parchemins qui provenaient de la cachette d'Albus, quand...
- Que fais-tu là ?
La voix glaciale de Lucius, venant de derrière lui, le tira de sa songerie troublée. Neville se retourna tout en fourrant les papiers dans la poche de sa robe noire. Il fit une prière, courte mais ardente, pour que Lucius n'ait rien vu.
Le nouvel abbé le regardait en fronçant les sourcils. Il y eut un temps où Neville se serait presque évanoui, mais Albus avait raison : il avait grandi, finalement.
- Je... Je vous ai apporté le remède pour la gorge. Le remède que Remus vous envoie, je veux dire.
Lucius se plaignait de la gorge sa voix s'enrouait parfois. S'il parlait moins et priait plus, cela n'arriverait pas, persiflaient ceux qui ne l'aimaient pas.
Lucius prit la fiole que Neville avait posée sur le bureau. Se doutait-il que la table avait un compartiment caché ? Non, Albus ne lui avait certainement pas confié cela. Neville fut fier de détenir ce secret, et son courage s'en trouva augmenté.
- Cela ne m'explique pas pourquoi tu t'attardais dans cette pièce où tu n'as rien à faire...
Les mots étaient anodins, mais le ton comportait à lui seul une menace. Neville rétorqua :
- Je pensais à Albus et je faisais une prière.
Lucius grimaça comme si la seule mention de son prédécesseur était une épreuve.
- Prie donc à l'église. Elle est là pour ça !
Encore un point de divergence entre Lucius et Albus. Albus disait que l'on pouvait prier partout. Que seule comptait l'intention de s'adresser à Dieu, pas le lieu ni l'apparat avec lequel on agissait.
Neville restait là, l'air absent. Lucius se rapprocha, comme un oiseau de proie.
- Tu attends quelque chose, peut-être ? Tu voulais me demander un entretien ?
Neville sursauta. Bien qu'à lui, il ne soit jamais rien arrivé de ce genre, il avait entendu quantité d'avertissements sur Lucius, et quantité de conseils : que jamais il ne fallait rester seul avec lui, et que jamais il ne fallait solliciter d'entretien. Le prieur qu'était précédemment Lucius faisait alors immanquablement des propositions déshonnêtes aux jeunes moines.
- Euh, non, répondit précipitamment Neville.
- Alors pourquoi attends-tu ? Tu te demandais à quoi ressemblait la chambre de l'abbé, peut-être ?
Ce n'était pas si mal deviné. Lucius le lut sur son visage et sourit d'un air narquois.
- Cela ne ressemble en rien à ton dortoir, c'est certain.
- Et la règle de saint Benoît ? pointa Neville avec audace.
Lucius se permit de hausser les sourcils avec dédain.
- La foi ne se porte pas mieux quand ses représentants font étalage de leur pauvreté. Cela ne change rien, alors pourquoi s'y complaire ? Ma famille a toujours été une des premières du pays. J'ai pris certaines habitudes. Y renoncer ne fait pas de moi un meilleur chrétien, et le jugement dernier ne s'appesantira pas sur ma manière de vivre...
Neville n'aurait pas parié là-dessus, mais lui, jeune moine ayant à peine prononcé ses vœux, n'allait pas engager une discussion sur l'Evangile selon saint Jean avec l'abbé Lucius. Ce serait risible.
Lucius lui lança un regard rusé.
- Tu pourrais bénéficier d'avantages, toi aussi. Tu pourrais avoir une vie plus facile, comme rester au chaud quand les autres participent aux tâches manuelles. Tu pourrais avoir une chambre particulière au lieu de dormir au milieu des ronfleurs. Qu'en dis-tu ?