Chapitre 7
Harry sentit que le sang se retirait de son visage. Un étau de fer se referma brutalement autour de sa poitrine, le faisant suffoquer d'angoisse. Sa première réaction fut d'avouer la vérité à Severus, de lui demander pardon, d'implorer son aide contre Lucius... Mais il repoussa fermement cette vague de panique. Il était fier d'avoir parlé au comte, il se réjouissait d'avoir obéi à son instinct. Il n'allait pas se rétracter, pas même pour faire plaisir à Severus !
- Je n'arrive pas à y croire, jeta-t-il avec fougue. Vous me demandez de me taire ou de mentir ? De faire comme si tout était normal dans cette abbaye ? Vous considérez que Lucius a le droit de faire du chantage pour obtenir ce qu'il veut ? Vous savez ce que vous êtes ? Un hypocrite ! Et vous êtes un moine, vous avez juré de vous conduire mieux que les autres hommes pour la gloire de Dieu ! Vous ne valez pas mieux que le Prieur. Votre fausseté me rend malade !
Severus accusa le coup. Son visage prit une laide couleur brique, si grande était sa colère et son dépit. Il eut un geste brusque qui fit se recroqueviller Harry dans la peur d'une gifle.
- N'ayez crainte, je ne vous frapperai pas, siffla-t-il, quand bien même j'en aurais l'envie. Les manières brutales ne me ressemblent pas.
Il passa la main dans ses cheveux noirs, un geste révélant qu'il était désemparé. Harry avait fait mouche.
- Vous avez raison, murmura finalement Severus. Je suis un hypocrite. Je n'ai pas le courage de mettre en application ce à quoi je crois.
Harry fut stupéfait par cet aveu auquel il ne s'attendait pas.
- Maître...
- Ecoutez-moi. Laissez parler votre confesseur pour une fois, persifla Severus non sans amertume. C'est vrai, je fais preuve de fausseté, je ne respecte pas mon engagement monacal. Je suis un vil pécheur. Je l'avoue.
Il lança un regard à Harry et murmura plus bas encore :
- Et vous ignorez à quel point... Cependant je n'ai pas le motif de faire le mal pour le mal, à l'instar de Lucius. Vous n'avez nulle confiance en moi et je n'ai rien fait pour mériter cette confiance, c'est bien ce que vous pensez ? Je ne vous en empêcherai pas. Mais je vous adjure de faire ce que je vous dis sur ce point précis : dans votre propre intérêt, vous devez oublier ce qui s'est passé.
Harry, ébranlé malgré lui, dit avec rancœur :
- C'est dans mon intérêt ou dans l'intérêt de vos combinaisons avec Lucius ? De toute manière il est trop tard. J'ai tout raconté au comte Cornelius et j'ai bon espoir qu'il choisira un autre abbé.
Ne pouvant affronter le regard intense de Severus, Harry se détourna. Alors qu'il retournait au réfectoire, Severus le rattrapa une nouvelle fois. Harry fut violemment saisi par le bras ; la voix rauque résonna tout contre son oreille :
- Encore une chose, petit présomptueux : dorénavant ne restez jamais seul avec Lucius, sous aucun prétexte. Même s'il vous en donne l'ordre. Restez toujours avec vos camarades et évitez les moments de solitude. Obéissez-moi en cela au moins !
Et Severus le lâcha tout aussi brusquement et disparut dans un froissement d'étoffe.
HPHPHPHP
Cette conversation troubla profondément Harry. Il se raccrochait au sentiment qu'il avait bien fait d'agir en suivant sa conscience mais il craignait d'avoir commis un acte impulsif qui se retournerait contre lui. Il suivit le conseil (ou l'ordre ?) de Severus et évita de rester seul. Malgré cela, son angoisse était patente et troubla une nouvelle fois son sommeil. Il se réveilla en sursaut, mordant sa main pour retenir ses cris de terreur, transpirant et tremblant. Cela ne pouvait plus durer.