Beverly. Juste Beverly.

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2015


Ce matin là, rien ne s'était passé comme prévu.

Pour commencer, je m'étais réveillée en retard et j'avais cette étrange sensation... comment dire ?

J'avais un mauvais pressentiment. Un très mauvais pressentiment.

A cette époque, j'étais le genre de fille banale qui ne se prenait pas la tête et qui ne prenais pas la peine de devenir quelqu'un d'autre sitôt elle passait le seuil de la porte de chez elle.

Qui ne devenais pas une cruche habillée en poupée Barbie.

Donc, les mauvais pressentiments, ça me passait au dessus !

J'étais simple.

Heureuse.

Puis il y a eut cette journée, où tout s'est enchaîné très vite.

Et plus rien n'a jamais été pareil.


****


De nos jours.


Mes yeux s'étaient ouverts sur un magnifique plafond que Craig et moi avions tagué la nuit dernière, durant la soirée de son frère Chad.

Il devait être 10h, peut être même 11, et j'empestais encore l'alcool de la veille, alors que je devais m'être couchée vers 3h du matin, trop bourrée pour faire quoique ce soit d'autre.

J'étais allongée sur le lit, au milieu de plumes d'oreillers (très cliché, comme scène, vraiment. Je crois que Craig a voulu me faire une mauvaise blague...) et le tee-shirt en moins.

Après un regard furtif dans la pièce, je vis qu'il était sur le bureau, à l'autre bout de la salle.

Je n'avais rien fait.

Ça, j'en étais certaine, et c'était déjà une plutôt bonne nouvelle, bien que tout le lycée allait sans doute croire le contraire.

Mes cheveux étaient emmêlés et mon maquillage avait tellement coulé que je ressemblais à une fille de films d'horreurs. J'avais pleuré, je crois.

J'espérais simplement ne pas avoir dit trop de conneries.

Je n'étais pourtant pas du genre à pleurer en présence des autres, encore moins à une soirée comme celle-ci.

C'était l'anniversaire du plus grand, Chad, hier, et c'était sa soirée. Celle de Craig se déroulerait la semaine prochaine, à la même heure, sans doute.

Les deux frères étaient en compétition pour savoir lequel des deux organisaient les meilleures soirées. Et moi, la fille la plus populaire du lycée, je me devais d'y être. Question de réputation.

Quoiqu'il en soit, la peinture du plafond n'était pas encore sèche lorsque je me suis endormie ici. Il y a des tâches de rose sur mon ventre, et ça, ce n'est clairement pas ma peau qui mute en espèce de Mystique rose-violette.

Mon top était toujours là-bas, loin, si loin...

Je n'avais pas encore la force de me lever pour le récupérer.

Il me fallait un doliprane.

Donnez-moi du paracétamol, viiite...

Ma voix refusait de me laisser parler.

J'étais bien trop fatiguée. A la place, un gémissement bien trop aigu sortit de ma bouche, ce qui interpella Craig, qui monta les escaliers pour venir me voir.

- Alors, Aurore ?, demanda-t-il en faisant référence à La Belle Au Bois Dormant., On se réveille enfin ?

Il avait le sourire au lèvre et oh ! Miracle ! Un verre d'eau et une gélule de doliprane à la main !

- J'taime, toi, tu sais ?

Mes lèvres étaient gercés et je n'avais qu'une envie : me recoucher. Mais il fallait que je reste éveillée. Alors, j'avalai d'une traite mon remède à la gueule de bois.

- Regarde-moi ça ! Tu as vu dans quel état tu es ? Heureusement que tu as mis le feu à la soirée, sinon, tu n'aurais vraiment aucune excuse, ma belle...

- La ferme.

Il se mit à rire, puis m'apporta mon haut.

- Tiens, met ça. Je n'aimerais pas que ma mère te voit dans cet état.

Il observa mes cheveux blond vénitien avec un air déçu (ils étaient tachés de peinture verte) et m'apporta du démaquillant pour les yeux.

- J'ai pleuré ?

- Seulement en dormant. Tu n'as rien dit. Mais tu avais l'air de faire des cauchemars.

- Hum.

On entendit quelqu'un monter les escaliers puis s'arrêter, comme si la personne hésitait un instant. Craig la regarda, sans que je puisse la voir et, après avoir remis mon tee-shirt et m'être démaquillée, sa mère entra, avec un plateau-repas.

- Le petit dej' au lit ? Il ne fallait pas, Madame Rosebury !

Elle m'observa, le regard triste, et hocha la tête en se forçant à sourire.

Craig lui fit quelques signes avec ses mains et elle repartit en mimant un "au revoir".

- Merci, en fait, pour ma chambre. J'ai un super plafond.

- Ta mère m'en veut ?

- Non. Elle savait ce que j'avais prévu de faire. Par contre...

Il hésita un instant, alors je soutins son regard tant que je peux, les oreilles sifflant et le cœur battant à un rythme très irrégulier.

- ... Elle a demandé à Chad d'appeler tes parents... Pour les prévenir.

Ma tête sembla exploser d'un coup. Les prévenir ? De quoi ? Je n'avais rien fait ! Je... Non. Non. Non.

- Qu'est-ce que...? (J'avalai ma salive avec difficulté) Qu'est-ce que j'ai fais ? Qu'est-ce que j'ai fais encore !?

- Rien, rassure-toi. Juste pour leur dire que tu es ici... C'est tout.

J'ai senti tout mon être se détendre d'un coup. Quel soulagement ! Mes parents auraient fait un scandale. Je veux dire, ils vont déjà m'en faire un. Je n'en ai pas besoin d'un second.

- Je te laisse. Tu sais où se trouve la salle de bains.

Il est partit, me laissant là. Seule. Je détestais être seule. J'avais l'impression d'être vulnérable, alors qu'en groupe, je me sentais invincible. Puissante.

Peut-être même un peu trop.

Mais, de toutes les personnes que je connaissais, il n'y avait qu'à la famille Rosebury que je pouvais faire confiance.

Eux, ils savaient tout.

Mais, de toute façon, cela importait peu.

Car, tôt ou tard, la vérité ressurgit. Toujours.

Et c'est bien ce qui me fais peur.


Les secrets de Beverly AbbottOù les histoires vivent. Découvrez maintenant