Prologue

88 9 3
                                    

La Lune accompagnée de son éclat d'argent avait déjà fait son apparition dans le ciel sombre. Cachée par les nuages, sa douce lumière blanche éclairait très faiblement la nuit. Au beau milieu de la campagne et reculée du monde, reposait une vieille ferme ayant été tenue par de nombreuses générations. Les champs et les vallées immenses qui l'entouraient s'étalaient à perte de vue.

Alors qu'un vent violent frappait les briques et les tuiles de la maison sous un son de sifflement, dans sa chambre, la fillette de six ans était bien au chaud dans son lit. Elle était enveloppée dans sa grosse couette à fleurs et ne craignait pas la tempête de dehors. Elle écoutait attentivement les dernières lignes de l'histoire que lui lisait calmement sa grand-mère, assise au bord du lit. La douceur de ce moment contrastait avec la rafale de l'extérieur.

Les yeux de la fillette se fermaient lentement mais elle essayait de résister tant bien que mal afin de connaître la fin du conte. Elle adorait cet instant : lorsque sa grand-mère prenait un livre de l'étagère qui en était remplie, se posait sur le lit en ouvrant le bouquin et commençait, de sa douce voix, son long récit. Elle articulait toujours si bien et essayait d'imiter les drôles de voix des personnages. La jeune fille rigola quand la vieille femme imita un vieux nain grincheux.

Elle lisait la dernière phrase de l'histoire :

- ... C'est ainsi que le royaume des fées fut sauvé de toute misère et retrouva le bonheur et la joie d'autrefois... Fin.

Après ces mots, elle ferma l'ouvrage et regarda sa petite fille affectueusement en remarquant que celle-ci était prête à s'endormir pour de bon. Ensuite, elle se leva et rangea le conte dans l'étagère au fond de la pièce.

- Dis-moi, grand-mère, commença la fillette d'une voix presque éteinte à cause de la fatigue. As-tu déjà vu des fées ?

- Non... mais je sais qu'elles existent, répondit-elle en rangeant le livre.

- Pour de vrai ? s'excita la petite fille, étant soudainement requinquée.

La vieille femme se tourna vers elle et hocha la tête en souriant.

- Sont-elles aussi petites et belles que dans les contes ?

- Mon petit doigt m'a dit qu'elles sont aussi petites que les champignons du jardin et sont aussi jolies que le racontent les histoires, expliqua-t-elle en s'approchant du lit.

La jeune fille sourit. Elle qui aimait tant ces petits êtres féeriques était contente de savoir qu'ils étaient comme elle le pensait.

- Pourrais-je en voir un jour, grand-mère ?

- Si tu cherches bien, se contenta de répondre celle-ci en caressant la joue de sa petite fille.

- J'espère que j'en trouverai, souhaita-t-elle pleine d'espoir.

Épuisée, elle ne put s'empêcher d'échapper un bâillement. La vieille femme sourit.

- Il est l'heure de dormir, maintenant...

- Mais je ne suis pas fatiguée, déclara la fillette en se forçant de ne pas bâiller une deuxième fois.

La grand-mère mit la couette convenablement sur les épaules de sa petite fille.

- Bonne nuit, ma petite Alissa, murmura-t-elle d'une voix tendre.

- Bonne nuit, grand-mère, répondit l'enfant en se calant sous la couette.

La vieille femme se dirigea vers la sortie et éteignit la lumière, ce qui plongea la pièce entière dans l'obscurité, puis ferma doucement la porte.

La fillette attendit un petit moment puis enleva sa couette. Elle sortit de son lit et s'avança vers la fenêtre de sa chambre en baillant. La nuit donnait une maigre clarté à la pièce mais assez pour pouvoir cheminer au travers. L'enfant s'accouda sur le rebord de la fenêtre et contempla le paysage s'offrant à elle. Les arbres bougeaient dans tous les sens sous le vent et les hautes herbes des vallées ondoyaient de droite à gauche. Pendant un court instant, un nuage épais se dégagea de la Lune et laissa ses rayons voiler la prairie face à la ferme sous une lueur blanche et spectral, telle une brume la recouvrant : un court moment de paix parmi ce monde sauvage avait trouvé place. Enfin, les ténèbres renveloppèrent l'astre d'argent et le spectacle fut fini. La petite fille se demandait si par-delà l'horizon obscure se cachaient de petits êtres scintillants qui luttaient contre cette noirceur opaque et oppressante tout comme le faisait la Lune. Et si oui, si elle allait les trouver un jour...

La veille femme descendait les escaliers lentement... "Un jour, tu verras des fées, ma petite Alissa... et j'espère que ce jour arrivera dans longtemps." pensait-elle tandis qu'une perle saline coula le long de sa joue en signe de son âme en peine.

Les yeux ciel, Tome 1 : Mon origine cachéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant