L'auberge de l'étoilière

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Sous le capuchon de ma cape, mes yeux bougeaient en tous sens et observaient les environs tel un lapin en territoire inconnu. Les visages ne cessaient de changer, et les bâtiments étaient toujours différents lorsque j'entamai une rue. Tous se tenaient là où ils devaient être, tous étaient à leur place. Alors que moi, ma place était bien loin d'ici.

- Venez faire affaire ici ! Les plus beaux bijoux fraîchement sortis des mines naines !

La voix geignarde m'enleva de ma stupeur. Elle provenait d'un nain attelé à un stand où reposait tout un tas de bijoux et breloques aux pierres précieuses plus scintillantes les unes que les autres. Son menton dans les mains, il examinait patiemment les passant d'un œil de pie et plus particulièrement ceux aux grandes capes de velours et ornements exagérés. Son visage était vieilli par sa barbe grisâtre qui touchait presque le sol et ses mains salis sans doute par le dur labeur.

- N'importe quoi, Rikk. Tes machins ne valent même pas un cristal de fée, intervint une voix rocailleuse.

Mon regard se reporta à sa source : un autre joaillier posté au côté opposé de la ruelle. Lui aussi un nain, il semblait plus jeune et était plutôt enrobé.

- Ils sont bien plus sophistiqués et éclatant que tes petites fibules qui se cassent à peine touchées, se défendit le barbu. Même un troll saurait que tes bricoles sont de mauvaise qualité.

J'observai les bijoux de son opposant et approuvai qu'en effet, ils n'avaient pas l'air solides, quoique que jolies aussi.

- Arrête de dire des bêtises ! s'écria le bien portant, furieux. Tu es juste jaloux de mon succès.

- Quel succès ? rétorqua Rikk avec un sourire narquois presque caché par sa barbe.

Tandis qu'ils se chamaillaient, les passants les regardaient étrangement : certains d'un mauvais œil, d'autres ne purent s'empêcher de laisser échapper un rire timide. Pour ma part, je m'engageai dans une ruelle un peu plus calme avec moins de monde. Plus aucun joaillier à l'horizon.

À présent, je pouvais chercher une auberge tranquillement. Avant de me laisser à mon propre sort, Alfen m'avait recommandé l'auberge de l'étoilière. Pour m'aider, il m'avait précisé que sa pancarte représentait une feuille évasée d'étoilière. Je n'avais aucune idée à quoi cela ressemblait ni ce que c'était mais j'en avais plus qu'assez de faire ma difficile qui posait toujours plein de question alors je n'avais rien demander de plus et était partis à l'aventure.

Le temps était long et la Forteresse immense. Peut-être allais-je devoir une fois de plus dormir à la belle étoile ce soir finalement. Rien de mieux que de l'écorce dure qui vous irrite le dos et de la terre qui tâche vos vêtements pour passer la meilleure nuit de votre vie.

Soudain, j'entendis un boucan de plus en plus fort. Il venait d'une des maisons de la ruelle. Je m'y approchai, curieuse et je crus rêver : au-dessus de la porte était accrochée une pancarte en forme de feuille ressemblant vaguement à celles des érables. La porte, elle, était grande ouverte et laissait entrevoir l'intérieur : des faunes, des gnomes, des nains et quelques sorciers dansaient et chantaient en chœur, un verre à la main, qui manquait plusieurs fois de perdre son contenu.

J'y entrai timidement, voulant demander une chambre pour la nuit. Cependant, à peine entrée, quelqu'un me prit par le bras et m'entraîna dans la danse. Ils tournaient en rond, tapaient des mains... j'essayai de suivre le pas même si j'avais plus l'impression d'être bousculée que de danser vraiment. L'ambiance me faisait penser aux fêtes entre fermiers du coin où j'allais toujours avec mon oncle.

Debout sur une table, jouait du luth un sorcier l'air déjà bien euphorique. Malgré son état d'ivresse, il jouait encore drôlement bien. Tout le monde bougeait et chantait sur son rythme.

Les yeux ciel, Tome 1 : Mon origine cachéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant