La tristesse qui m'enflamme

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Notre entrée tapageuse dans le village ne passa pas inaperçue, un passant qui rentrait chez lui cria dans tout le quartier notre arrivée. Nous eûmes pas le temps de nous poser que l'affluence nous envahit. Les gardes se chargèrent de stopper les bêtes de somme. Celles-ci grognèrent et arrêtèrent de marcher en secouant légèrement leur fourrure. Ce qui étendit de la poussière partout dans l'air environ. Cependant, cela ne semblait incommoder les faunes, dont la gaieté était contagieuse, qui s'amassaient toujours plus nombreux autour des carrioles.
Les gardes leur distribuèrent les réserves. Des hommes, des femmes et même des enfants attrapaient leur bien tout sourire en nous saluant.
Je commençai aussi à donner des aliments, dont la plupart me paraissait venir d'un autre monde ( ce qui était le cas, d'ailleurs ).
Une petite fille se fraya un chemin parmi la meute et tendit les mains vers moi. Ses gros yeux marrons et ses cheveux châtains courts ne pouvaient pas laisser insensible. Elle avait une magnifique petite bouille !
Je pris un gros légume bleu de la carriole et le posai dans ses petites mains. Il était presque aussi grand qu'elle.

- S'il te plaît, lui dis-je. Déguste-le bien.
- Merci ! Me dit-elle avant de courir vers le village.

Après ça, nous nourrîmes les corneux puis laissâmes les charrettes pour promener à travers Boison. Le doyen se trouvait être notre guide. C'était un homme d'une soixantaine d'années, qui paraissait bon et cultivé.
Les maisons que nous parcourions vite fait, jamais à côté l'une de l'autre, comme si on les avait placées au hasard dans le village, étaient faites d'une sorte de torchis avec un toit en paille épaisse.

Les habitants, eux, semblaient être des gens simples et généreux. Ils se baladaient en nous saluant chaleureusement, des enfants passèrent devant nous en courant, jouant et riant. Leur bonheur me fit sourire bêtement tandis que je les regardais. Ils me rappelaient Thomas et moi.
Jusque là, je ne voyais aucun dommage causé par les gobelins.
Pourtant, le doyen nous informa que cinq personnes avaient perdu la vie suite à l'incendie et qu'une vingtaine de blessés souffraient au moment même dans l'auberge. C'était plus grave que ce que j'imaginais.

Nous prîmes un virage et là, je réalisai la situation. Devant moi, s'étalait des bâtisses décomposées, prêtes à s'écrouler d'une minute à l'autre et où le bois étaient complètement noirci de l'embrasement. Le sol était blanc de cendre tandis que nous marchâmes dessus en regardant les ruines. Sous nos pas, elles voletaient avant de retomber comme de la neige. En les contemplant, je ne pouvais m'empêcher de penser que ces maisons étaient le chez-soi de personnes autrefois.
Des habitants passaient en pleurant tel que je dus retenir mes propres larmes. Seulement, ce n'était pas à moi de pleurer mais à moi de les aider.

Le doyen nous fit entrer dans un bâtiment plus ou moins en bonne état pas loin des tas de ruines. C'était l'auberge où reposaient les blessés.
Pour être honnête, je n'avais pas vraiment envie d'entrer. Non que j'étais sensible à la vue de sang, tout ça mais ce n'était pas mon truc. C'était toujours mon oncle qui tuait les bêtes de la ferme.
Je jetai un coup d'oeil discret vers Mintio pour voir sa réaction et fus surprise de la détermination qui brillait dans son regard. Il ne semblait pas du tout intimidé, au contraire, il avait l'air sacrement remontée. De même pour les autres gardes. Je me sentais terriblement inutile. Cependant...je devais être plus forte ! Faire comme eux et ne pas ignorer la souffrance des autres.

Ce fut ainsi que je montai avec Mintio et quelques gardes à l'étage pour voir les blessés. Plusieurs brownies qui travaillaient dans ce lieu nous dépassèrent pour rejoindre également l'étage, de grosses piles de linge propre dans leur petits bras.
D'autres personnes, les bras chargés de tissus, cotons et baumes, rentraient et sortaient d'une pièce à l'autre du couloir dans lequel nous y marchions. Le propriétaire nous guida dans l'une de ces pièces dont la porte était ouverte et...je détournai les yeux. Aventurière qui accomplira de grandes choses, hein. Tu parles ! Je fixai mes pieds tandis que les bruits et gémissements des blessés qui grognaient emplirent l'air.
Je lançai un regard vers Mintio et constatai qu'il avait beaucoup plus de courage que moi. Il saluait les blessés les moins gravement atteints tout naturellement, tout les autres soldats qui semblaient serrés dans cette petite pièce faisaient de même. Je devais faire pareil.

Les yeux ciel, Tome 1 : Mon origine cachéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant