Les falaises de la puissance

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Les pavés de la route glissaient quelque peu car ils n'avaient pas eu le temps de sécher avec l'air humide des environs. D'ailleurs, cette humidité commençait sérieusement à me taper sur le haricot : je ne sentais presque plus mes pieds tellement ils étaient froids. Et la brise fraîche n'aidait pas à souffler comme ça ! Je réchauffai mes mains en les frottant l'une sur l'autre.

L'heure du dîner se rapprochait, mon ventre me le faisait savoir. Quand est-ce que ce chemin allait s'arrêter ? Il n'en finissait pas, nom d'un poireau cuit ! Je soufflai : mon esprit divaguait. Il fallait dire que dormir à même la roche ne procurait pas un de ces merveilleux sommeil dont on n'en revenait pas indemne. J'étais épuisée, fatiguée. Ce qui donnait une occasion parfaite à la mauvaise humeur de monter. Une heure était passée depuis que j'avais fait mes adieux à Erji.

Tout à coup, alors que j'allais m'asseoir sur une souche d'arbre pour une pause bien méritée, quelque chose attira mon attention au loin, par-delà la route. Je soutins la bandoulière de ma sacoche par réflexe tout en continuant d'avancer sur les pavés. A condition que mes yeux ne me jouaient pas de tours, l'orée de la forêt ne se trouvait qu'à quelques mètres. L'absence d'arbre ainsi que l'abondance de lumière me le confirmait. Alors, j'y étais enfin arrivée ?

Sur place, mon corps tout entier se revigora : en face de moi, s'étirait de tout son long une plaine d'un vert vif clair avec à l'horizon, des montagnes perçant les nuages. Le vent soufflait plus que jamais et faillit m'emporter avec lui. Là n'était pas le plus impressionnant. Ce qui me plaqua un tel sourire sur le visage fut cette forteresse lointaine construite à même la roche des montagnes. D'ici, nous pouvions distinguer son énorme mur de pierre ainsi qu'une gigantesque tour qui sortait de l'intérieur de l'enceinte. La Forteresse... J'y étais enfin arrivée.

* * *

Au plus je me rapprochais des remparts en pierre forgé, au plus je me sentais rétrécir devant leur immensité. Ils ressemblaient drôlement à ceux de mon monde à l'époque du Moyen Âge. À un point près : leur finesse. En effet, il y résidait quelques gravures élégantes à même la roche çà et là. Devant moi, se dressait sur toute sa hauteur une porte en bois foncé, fortifiée, dont je ne doutais pas de la lourdeur. Elle était ouverte et laissait entrevoir l'intérieur des remparts.

Deux gardes postaient à chacun de ses cotés et en ouvrant un peu les yeux, j'en aperçu plusieurs en haut des remparts ainsi que sur les tours de garde. Ils étaient partout ! Ils ne m'adressèrent aucun regard lorsque j'entrai enfin dans la Forteresse

La rue dans laquelle je m'engageais débordait de monde où des marchands tentaient le tout pour le tout de vendre leurs produits.

Je rabattus le capuchon de ma cape afin de ne pas paraître suspecte avec mes "drôles" de vêtements. Pourtant, ce que je trouvais étrange n'était pas moi mais tout ce qui m'entourait. Faunes, personnes élégantes en cape, gnome et nains se baladaient comme si manger des pommes violettes était la chose la plus banal au monde. En espérant qu'elle n'était pas empoisonnée. Je me promis de ne jamais manger de ces trucs-là.

Les gens faisaient leurs courses, parlaient, riaient comme des gens normaux.

Je restais plantée là, à les fixer avec des yeux écarquillés.

Soudain, une femme me bouscula, me faisant revenir à moi. Elle portait une cape noire et avait le visage caché par son capuchon.

- Pa... pardon, bafouillai-je.

La femme continua son chemin sans se soucier de mon existence. Je la regardais partir : elle avait l'air pressée. Puis, je décidai enfin de faire avancer mes jambes, lourdes après ce voyage, pour trouver le château royal. Encore un petit effort.

Les yeux ciel, Tome 1 : Mon origine cachéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant