Les gouttes d'azur

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Dix ans plus tard...

Le jour arrivait à son déclin. Le ciel et ses rares nuages se noyaient dans un alliage de rouge et d'orange. L'astre radieux touchait presque la ligne d'horizon au travers de cette peinture. Le vent doux faisait danser le sommet des arbres aux limites des champs dorés.

Au milieu de ceux-ci, deux chevaux accompagnés de leurs cavaliers galopaient à toute allure. Leurs jambes avançaient voulant aller toujours plus vite. Leur défoulement se montrait au grand jour telle une délivrance et en route vers la voie de la liberté. L'air frais leur caressait le pelage dans le sens du poil, le faisant aussi luire que le verni. Ils appuyaient sur leurs sabots avec brutalité et finesse à la fois, une élégance dont le cheval avait le secret. Ils écrasaient les blés dorés sur leur passage, ce qui laissait une trace de leur chemin vers leur salut.

L'un était d'un brun chatoyant, avait des balzanes au bout de chaque patte et une crinière blanche. L'autre avait un pelage blanc tacheté de noir et une crinière de crème.

Moi, sur ma jument brune, je profitais de cet instant. La brise me donnait des frissons et ondoyait mes cheveux marrons vers l'arrière tandis que nous progressions. Je souriais. J'aimais ce sentiment de liberté qui m'emportait vers de contrées inconnues.

Sur le cheval tacheté se trouvait Thomas, mon meilleur ami. Lui aussi aimait ce sentiment mais d'une autre manière. Il se sentait si léger qu'il avait l'impression de voler, disait-il.

- C'est tout ce qu'a Nesquik dans le ventre ? demanda-t-il assez haut pour que j'entende, son habituel sourire malicieux étirant ces lèvres.

- Tu devrais dire ça de Tonnerre. A-t-il trop mangé ce midi ? rétorquai-je d'un air innocent.

Il prit un air faussement hautain.

- Tonnerre ? Ne dis pas de bêtises. Tonnerre va vite comme l'éclair ! cita-il un poing levé au ciel.

Je cherchai rapidement une rime pour riposter :

- Et... Nesquik à une force unique ! dis-je, fière de moi bien que ma rime fût minable.

- C'est ce qu'on va voir.

Après ces paroles, Thomas donna un coup de jambe à son cheval. Ce dernier se mit à galoper plus vite et dépassa Nesquik et moi pour se diriger vers les arbres en face de nous à quelques centaines de mètre, ses cheveux frisés rebondissant sur sa tête. J'adorais les toucher et avais l'habitude de défaire sa coupe déjà en bataille, ce qui l'énervait bien sûr.

- Le dernier est un poireau violet, lança-t-il en se tournant vers nous à l'arrière avant de faire réapparaître son sourire d'enfant sur le visage.

Un poireau violet ? Il était sérieux ? Il aurait pu trouver mieux que ça tout de même... Nous nous amusions souvent à jurer ou à insulter à l'aide de noms de légumes. Thomas trouvait cela drôle du fait que j'étais une fermière.

Peu importe, je n'allais pas le laisser gagner cette fois. Il avait eu assez de victoire pour toute une vie.

- Vas-y, Nesquik ! m'exclamai-je pleine de détermination en lui donnant également un coup de jambe.

Cette dernière galopa plus rapidement mais n'arriva toujours pas à la hauteur du cheval tacheté, qui avait également pris de la vitesse. Il était vraiment puissant ce Tonnerre ! Mais ma fierté abusive ne voulait pas l'avouer devant Thomas... Ce personnage avait les chevilles bien assez enflées comme ça.

Penchée en avant et empoignant bien fort les rênes, je me concentrais. Je perdais toujours aux courses contre mon meilleur ami. C'était qu'il était fort, cet imbécile ! J'en avais par-dessus la carotte qu'il me gâchait toujours la vue en étant devant lors des courses.

Les yeux ciel, Tome 1 : Mon origine cachéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant