Les yeux ciel, Tome 1 : Mon origine cachée

Une berceuse qui attise la mort

Trigger Warning !!! Des sujets sensibles tels que la violence sont évoqués dans ce chapitre et peuvent heurter la sensibilité des plus jeunes ou des âmes fragiles.

* * *

- Sais-tu quelque chose à propos du Maître des Sombreux ? 

J'espérais que Jwen m'explique pourquoi il tressaillit à son nom. Toutefois, il n'en fit rien.

- Non, se contenta-t-il de dire en esquivant mon expression inquisitrice. Je reviens.

Il s'était levé pour entamer son énième promenade dans la forêt. Qui savait ce qu'il faisait-il ? Il était hors de question de le suivre : s'il allait au petit coin, j'aurais bien l'air stupide.

À son retour, il portait sur ses épaules un gimbend fraîchement tué. Cela allait nous remplir un peu le ventre. Il le dépeça - tandis que j'évitais de le regarder - et le fit cuire au dessus du feu : il tailla une broche et je plaçai quatre bâtons, deux de chaque coté du feu de camp de manière à soutenir le gibier embroché. Jeanne se réveilla à temps pour le dîner. Je dus la forcer à manger car elle n'avait plus goût à rien. Les espoirs que je lui susurrai ne l'aida pas à avoir le moral. Elle s'en faisait trop pour son compagnon. 

Moi même, je ne comprenais pourquoi ils avaient capturé le gnome et craignais qu'ils ne lui fassent subir les pires tourments. Bien sûr, je gardai mes pensées pour moi. 

Chaque mâchement de la viande que ma mâchoire contorsionnait paraissaient se faire entendre à des mètres à la ronde tellement le silence demeurait palpant. Au travers de la cime des arbres, le soleil de midi brillait de son éclat. Une de mes pensées s'envola tout a coup vers le château : comment réagissaient la famille royale à ma disparition ?

Je jetai un coup d'oeil vers Jwen : il mangeais le regard dans le vague puis vers Jeanne et...

- Vous vous êtes brûlée au bras ? remarquai-je alors que sa manche était remontée et laissait entrevoir une peau rouge.

Elle examina sa blessure, elle n'était même pas au courant de son existence.

- Oh, ce n'est pas grand-chose, déclara-t-elle d'un ton nonchalant.

Cela semblait tout de même douloureux.

Le jeune homme sortit de sa transe : 

- Ne bougez pas, nous intima-t-il - à moins que ce ne soit qu'à Jeanne -. J'arrive.

Il finit rapidement son bout de viande et s'enfonça dans la forêt...encore une fois. Décidément...J'en étais certaine à présent : il n'allait pas au petit coin ! Mais que faisait-il, nom d'une crotte de lapin ?

J'engloutis également mon repas en moins de deux.

- Je reviens, dis-je à Jeanne bien qu'elle ne semblait pas m'écouter. Restez ici, surtout.

Je pris la direction du jeune homme à pas discrets sur la pointe des pieds. Ce ne fut pas difficile de le trouver : il était accroupis face à un brin d'herbe. Du fait qu'il était dos à moi, je ne pouvais voir ce qu'il trifouillait par terre. Je m'approchai le plus silencieusement possible, et étais assez fière de ma discrétion d'ailleurs, afin de pouvoir regarder par dessus son épaule.

- Qu'est-ce que tu fais ? demanda-t-il sans se retourner.

Mon corps s'immobilisa sur l'instant. Mon regard balaya les environs, il n'y avait qu'à moi qu'il puisse poser cette question. J'étais à trois mètres de lui, comment avait-il pu me repérer sans me voir ?! Je repris contenance avant de ma racler la gorge.

- Je...je...

Je galère.

- Je...suis venue...t'aider à faire ce que tu...fais, lui bredouillai-je sans plus oser avancer vers lui.