Mon très cher grand-père,
Si je t'écris cette lettre, c'est pour te faire part de ma dernière sortie scolaire. Car il n'y a que toi que je connaisse qui puisses réellement comprendre ce que j'ai à te dire. Il n'y a que toi qui as été piégé dans le tourbillon de la guerre et de ses combats. Il n'y a que toi qui connaisses la souffrance du front et de la mort qui règne en ses lieux. Il n'y a donc qu'avec toi que je peux parler de cette souffrance qui imprègne les murs du village d'Oradour.
Nous nous y sommes rendus dans le cadre d'un devoir de mémoire. Honorer les âmes défuntes et torturées ne me paraissait pas particulièrement réjouissant, surtout après que je me suis renseignée sur ces tragiques événements. On ne peut rester de marbre face à une pareille cruauté. Et le mot est faible pour ces nazis SS qui ont mitraillé et brûlé des centaines de pauvres habitants, innocents de tous crimes. Ils n'ont épargné rien ni personne, et ont perpétré leurs massacres tout au long de leur chemin, semant la destruction et récoltant la peur. De telles personnes, dépourvues de toute humanité, ne trouvent de la satisfaction que dans les yeux terrorisés de leurs victimes !
Ayant connaissance de tout cela, je m'imaginais Oradour sinistre. Sinistre et oppressante. Un village de murs calcinés, dressés devant moi comme une menace m'ordonnant de repartir. Dans ce triste décor qui n'aurait pour seule musique que le vent et le croassement d'oiseaux de mauvaise augure, le ciel serait gris, délavé, chargé de la tristesse des âmes désespérées. Je m'attendais presque à entendre les plaintes lancinantes et perpétuelles de tous ces martyrs.
Un tel paysage m'aurait sûrement fait frémir, et j'aurais peut-être même été jusqu'à en laisser couler quelques larmes. Mais heureusement, cette atmosphère sinistre n'était que le fruit de mes plus sombres pensées, qui rendirent la réalité presque douce. Car au fil du temps, l'herbe a repoussé et les fleurs éclosent de nouveau. Le soleil illumine les souvenirs et les sentiments du passé, mais ne parviendra jamais à les effacer. Ces pierres sont dépourvues de cendres, mais les traces de balles sont éternelles, comme le souvenir qu'elles laisseront en moi.
Grand-père, bien que ce ne soit pas ton nom qui figure sur ces tombes, je ne peux m'empêcher d'accélérer les battements de mon cœur à leur vue. Il en est de même pour le monument dressé en leur honneur. Mais le plus touchant, ce qui m'a fait le plus de peine, c'est de voir leurs photos. Ils y apparaissent joyeux, et d'une certaine façon, insouciants. C'est leur existence qui a prit fin. Grand-père, j'ai compris une chose. Une chose qui me paraît désormais essentielle et évidente : la vie peut s'arrêter à la façon d'un rêve qui s'évapore, en plus douloureux et en plus fatal. Même si mon cœur saigne de chagrin pour eux, je suis soulagée que tu n'aies pas eu à endurer ce supplice de la mort.
J'espère que tu me répondras vite, ou que nous nous reverrons bientôt.
Je pense fort à toi,
Ta petite-fille, Lieselotte.
-Je voulais simplement vous faire partager cette rédaction, dont le sujet m'a énormément touchée. Elle participe à un concours national, et les résultats seront publiés en décembre 2017. Advienne que pourra !! ;-P -
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Poésie d'un coeur malade
ŞiirCes mots qui résonnent dans un coeur malade... Des vers, des proses, des chansons et des citations pour repeindre de mille couleurs ce monde terne et insolent...