Chapitre V - ... vivent une nuit agitée.

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En rentrant dans ma chambre, je trouvai une feuille. C'était une fable d'Ésope : le garçon qui criait au loup. En bas du poème, il y avait une note manuscrite : Pour une fois qu'on est innocent ! Cela venait-il d'un sans-visage ? Peut-être disait-il vraiment la vérité. Mais aussitôt, un frisson s'empara de moi. Un sans-visage avait pu rentrer dans ma chambre.

Qu'il y en ait au palais, infiltré, je pouvais le concevoir. Mais là, ils étaient entrés dans notre intimité. Hors l'accès à nos pièces privées étaient limités aux personnes qui en avaient l'autorisation. À part des gardes et domestiques personne ne pouvait y entrer sans moi. Et prendre mon apparence ne suffisait pas. Il fallait posséder mon pass et mon code génétique prélever discrètement à l'entrée. J'avais donc sans doute des sans-visages dans mon entourage. Ou alors, ils étaient vraiment très forts. Je regardais autour de moi. Je ne pouvais pas rester ici. L'idée qu'ils puissent débarquer si facilement me fit paniquer.

Je courus hors de ma suite. Pour aller où ? Ils étaient partout et mes amis occupés.

La réponse m'apparut comme une évidence : Chez Kaïa. Après tout, je voulais lui parler.

Sur le chemin je m'interrogeais sur comment les sans-visages avaient pu pénétrer chez moi et chez Hélène. Les deux suites les plus protégés.

Je pensai à Corentin Kerr, le conseiller de la Grande Reine. J'avais découvert l'an dernier qu'il était un sans-visage. Il jurait que c'était sans doute une manipulation. Hélène l'avait écarté quelques mois. Mais elle avait fini par se ranger de son côté en fouillant dans sa vie. Même moi, j'avais fini par le croire. À l'époque, les sans-visages auraient fait n'importe quoi pour trouver la pierre. Or, me forcer à l'utiliser, la dévoilait. Le sans-visage qui l'avait envoûté, n'avait-il jamais quitté la cour ? Parce qu'il y avait une place privilégiée et qu'il était insoupçonnable ? En tout cas on n'avait jamais retrouvé le responsable. Mais qui cela pouvait-il être ? Sans doute pas Hélène. Thibault, qui avait épousé une fée, encore moins. Mais Mathias, que je connaissais si peu, ou Yves, que je n'aimais pas, se pouvait-il qu'ils servent d'autres intérêts que ceux de la cité ? Après tout, leur ancien chef était membre de la Grande famille royale. Ou peut-être était-ce un garde. Paul même. On ne s'appréciait pas beaucoup lui et moi, pourtant il m'obéissait.

Je rentrai dans la suite attribuée à Kaïa (c'était une membre de famille royale, pour elle on sortait le grand jeu). Je vis son père en image 3D sortant de son communiqueur. Je lui fis un signe de tête. Il me sourit. Nils et moi avions de bons rapports. C'était même un bon ami à Yves. Il passait donc assez souvent ici. Surtout qu'il n'avait pas encore était délégué à un nouveau poste d'ambassadeur et qu'il n'appréciait pas spécialement la vie à Haldar. Ils se quittèrent et mon amie se tourna vers moi.

Sa beauté me serra le cœur. Elle n'était certainement pas la femme la plus belle au monde, mais elle était vraiment sublime. Je devais me concentrer sur ses défauts : sa paranoïa, son style vestimentaire et capillaire, ses bavardages incessants, son goût pour des futilités.

- Qu'est-ce qui t'amène ? finit-elle par demander.

- Comment tu peux me poser cette question ? N'as-tu donc pas de cœur ?

- Je ne comprends pas. Bien sûre que j'en ai un.

- Alors pourquoi tu as ramené ton petit ami chez moi ?

- Mais je n'ai pas...

- Je vois bien comme tu es avec Marius. Pas la peine de le nier.

Elle éclata de rire.

- Tu penses que Marius et moi...

Elle s'esclaffa plus fort encore.

La fée perfideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant