Chapitre XX - Celui où je discute avec un mort ...

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Élodie et moi avons fini par atteindre la colline.

L'arbre que mon ami avait vu était un immense saule pleureur qui vous donnait envie de pleurer dès que vous posiez les yeux dessus. Son tronc et ses feuilles étaient blancs comme neige, blancs comme l'hiver, blancs comme la solitude. Quant aux hautes herbes autour de nous elles étaient noires comme la nuit, noires comme les ténèbres, noires comme la mort. Quand à ce qui brillait d'aussi loin, c'était l'immense gemme en forme de cœur enfoncé dans le tronc. Elle scintillait effectivement. Mais en s'approchant, son éclat diminuait pour nous montrer son dégradé de rouge allant jusqu'au bleu mais surtout les deux lettres inscrites à l'intérieur : un A et un E entremêlés, gravés en argent, un argent qui semblait être une rivière poursuivant sa boucle inlassablement.

À l'ombre de cet arbre, se trouvait un petit mausolée entièrement doré si ce n'était la coupole qui était couleur garance. Nous y entrâmes avec hésitation. Il n'y avait qu'un feu, couleur azur, brûlant au centre, sans pour autant dégagé ni fumé, ni chaleur. À chaque colonne était accrochée un bouquet de trois cyclamens, deux violettes et une rose. Les liens d'argent qui les accrochaient aux colonnes portaient le symbole de l'éternité. Le sol blanc sous nos pieds étaient quant à lui couvert de mosaïque romaines au centre de laquelle se trouvait représenté un anneau dans lequel se trouvait gravé en lettre violette un petit nom : Apolline.

Je voulus en parler à Élodie, lui demander si elle pensait que c'était l'Apolline de mon père. Mais mon regard se posa sur le feu bleu. Il n'émanait que du froid de lui et pourtant je ne pouvais lâcher mon regard de ces flammes. Il m'attirait. Il fallait que je le touche, m'y avance.

Ce fut la main d'Élodie sur la mienne qui me réveilla. Ma folle passion reprit le dessus et je la suivis à l'extérieur.

- Allons voir par où aller, suggéra-t-elle.

Elle admira la vue pendant que je la contemplais en l'admirant elle. Je finis par glisser et me rééquilibra en appuyant ma main sur le cœur. Une immense peine coula alors en moi. Une douleur infini me déchirait le cœur, je voulais hurler mon désespoir au monde entier, m'enfuir sous terre, au pied de cet arbre et ne plus bouger, m'y laisser mourir. Mais je sentis aussi une magie, immense, d'une grande puissance. Bien plus que je n'avais jamais pu en faire. Encore une fois, ce fut Élodie qui me tira de ma léthargie. En voyant son regard sur moi mon bonheur refit surface.

- Tout cela n'est que de la magie ! expliquais-je à ma compagne.

- Vraiment ?

- Oui. On doit pouvoir l'utiliser et faire ce qu'on en veut.

Mais je ne pus en tirer quoi que ce soit. C'était bien magique, pourtant c'était insensible à la magie.

- Ce n'est pas grave, conclut Élodie. Le soleil va bientôt se coucher je crois.

Le ciel se teintait de multiples couleurs. Cependant j'y prêtais à peine attention.

- J'espère que ta beauté pourra encore être vu de tous. Ce serait un énorme gâchis que seul des yeux bien entraîné puissent l'apercevoir

Elle me sourit amusé.

- Rentrons là-bas ! dit-elle en indiquant le mausolée. On a besoin de repos.

Je la suivis. Elle s'éloigna du feu, je me mis près d'elle. Le dessous de la coupole était couleur parme, couleur du deuil chez nous. De fine lettre rouge traçait un poème. Il parlait d'un amour perdu mais qui serait à jamais éternel, le poète exprimant son impatience de mourir à son tour et être unie à celle qu'il aimait.

La fée perfideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant