Chapitre 6: Projection (CORRIGÉ)

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Ne sachant que faire d'autre que noircir des cahiers durant le restant de l'après-midi, je m'interromps soudainement. Le silence perpétuel qui règne me rend curieuse. Il n'y a eu aucun signe de vie de sa part depuis l'heure du repas, ni aucuns autres bruits également. Il m'intrigue. J'ai bonnement l'impression de croire qu'il cache sa véritable identité. Gothier semble tout connaître, savoir comment ça se passe, savoir la manière dont je réfléchie. C'est littéralement angoissant.

Je suis là, moi Eva, à concevoir l'identité de cet étranger, éperdument dangereux et dérangé sur les bords. Ce n'est certainement pas ce qu'il y a de plus utile, j'aurai bien mieux à faire. Seulement, une simple question m'accable sans répit; pourquoi suis-je là ? Dans quel but ? Est-ce le fruit de la malchance ?

Mon cerveau se compresse doucement, signe qu'il est bon pour moi d'arrêter de me tourmenter et de chercher des réponses qui, je le sais, ne pourront que me consterner.

Je me suis toujours interrogée sur un tas d'affaires et de sujets, sur tout et rien, malheureusement à mon grand désavantage.

J'aimerais pouvoir tout oublier, m'abandonner au cinéma. J'ai toujours aimé aller au cinéma, il est pour moi une source de liberté, de détachement de mes problèmes, d'interruption de ma vie. Mais, c'est également un moment captivant, saisissant, impressionnant. L'ingénieux du script, la prestation des acteurs, et pouvoir surtout, m'imprégner du moment présent comme si je participais au film, je ne m'en délaisserai jamais.

Je tourne la tête en direction du petit cadran qui indique 20h12. Je soupire longuement, n'en pouvant plus d'être confinée dans cette pièce, il faut que je bouge un peu.

Sachant pertinemment que la porte sera fermée, je m'active à chercher quelque chose qui pourra m'aider à déverrouiller la poignée. Mon attention se porte finalement sur un trombone que j'ai récupéré dans l'un des tiroirs du bureau.

Je m'empresse de l'introduire dans la serrure de métal gris, qui finit par céder à ma lutte acharnée. C'est avec effarement que je découvre Gothier au pied de la porte, droit comme un jalon. Il a dû tout comprendre et il doit penser que j'essayais de m'enfuir. J'ai la mauvaise impression que cela va m'être cher.

Malgré l'appréhension, une nouvelle question envahit mon esprit, écoute-t-il secrètement ce que je fais ou suis-je juste trop bruyante?

— Tu veux regarder un film ? me demande-t-il à mon plus grand étonnement.

— Euh... suis-je prise de court, les mots ne me venant pas tant la situation est étrange.

Pourquoi m'a-t-il proposé cela ? Il parait si détendu, complètement détendu. Je m'attendais plutôt à ce qu'il me pose des questions. Je tente de refermer la porte, agacée de son attitude et de sa double personnalité. En même temps tu ne le connais pas, pourquoi réagir de la sorte ? M'interpose Constance avant que Gothier ne retienne l'issue, de son bras. C'était si prévisible.

Cependant, je ne peux m'empêcher d'y songer. Il est le blanc et le noir, une phase bienveillante et cordiale, un jeune adulte à qui tu pourrais te confier, avouer tous tes secrets les plus profonds. Et puis cet autre côté, désespéramment sombre, énigmatique et abruti.

Pourquoi souhaite-il regarder un film ? Et en ma compagnie ? Ne peut-il le voir seul ? Il n'a pas besoin de moi pour ça. Je le fixe alors, les sourcils abaissés, les pupilles plongées dans un néant et les lèvres cousues.

Quant à lui, il sourit comme un ange, semblant quelque peu hébété.

Sachant que je n'arriverais pas à refermer la porte, je recule et me dirige vers la fenêtre pour contempler ce triste ciel gris.  

Eva Casson (EN CORRECTION)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant