Chapitre 21 : "Pour voir dans vos regards un peu d'égard"

51 6 9
                                    

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.


J'ai remué le passé. Ça oui, j'l'ai retourné. Mais en finalité, c'est quoi la vérité?



Point de vue de Camille



-...: Entrez, je vous en prie. (elle me tend la main) Alice Nevers, juge d'instruction. Enchantée.
-Moi: Euh, Camille... Camille Houssière. De même.



Elle ferme la porte puis rejoint son bureau. Intimidée, je reste plantée au milieu de la pièce.


-Alice Nevers: Je vous en prie, asseyez-vous.


Je m'exécute. Elle trie quelques papiers sur son bureau puis engage la conversation.


-Alice Nevers: Bien. Alors dites-moi, qu'est-ce-qui vous amène? J'imagine que pour faire un scandale dans le hall d'entrée d'un Palais du Justice, il doit s'agir d'une affaire de la plus haute importance.
-Moi: En effet. (je me racle la gorge afin de m'éclaircir la voix, puis me lance dans mon récit) Alors voilà: Lorsque j'avais 4 ans, j'ai perdu mes parents dans un accident de voiture. J'ai été recueillie par mon grand-père, qui m'a caché la vérité sur la cause de leur mort jusqu'à il y a quelques mois, lorsque j'ai découvert par hasard des documents prouvant qu'ils ont été victimes d'un homicide.
-Alice Nevers: Vous avez ces papiers?
-Moi: Bien sûr! (je les sors de mon sac puis les lui tend) Tenez. Il s'agit de quelques courriers échangés entre mon grand-père et le médecin légiste de votre Palais de Justice, ainsi que d'une lettre rédigée par ma mère peu de temps avant sa mort, dans laquelle elle m'avoue qu'elle va mourir bientôt et qu'elle connaît l'identité de son assassin.


Alice saisit les papiers et les détailles avec attention. Je lis beaucoup d'intrigue dans son regard.


-Alice Nevers: C'est atroce. Une enquête a probablement été ouverte.
-Moi: Non.
-Alice Nevers: Comment pouvez-vous en être aussi sûre?
-Moi: Eh bien, comme le prouve les quelques courriers échangés entre mon grand-père et le médecin légiste de votre Palais, l'affaire est vite tombée aux oubliettes. En effet, après avoir donné son accord pour un état des lieux de la voiture, mon grand-père signalait qu'il croyait à un meurtre. Suite à cela, il n'a jamais eu de réponse de la part de votre légiste, et n'a jamais reçu le compte-rendu de l'état des lieux. Si j'étais à votre place, je dirais que votre collègue a découvert la vérité et qu'il n'a pas osé l'avouer.
-Alice Nevers: Je vois que vous vous êtes solidement documentée! Vous seriez un bon élément pour le Palais. Cependant, restez à votre place je vous prie. Nous vérifierons vos propos durant l'enquête.
-Moi: Pardonnez moi. Je ne supporte pas l'injustice. (je la regarde dans les yeux afin que cette phrase l'impacte, puis je reprends) Alors ça veut dire que vous acceptez d'ouvrir une enquête?
-Alice Nevers: Ecoutez, je n'ai pas pour habitude de remuer le passé. Mais quelque chose me dit que je peux vous faire confiance. Alors, je suis prête à faire un exception. Ne vous en faites pas, j'en fais mon affaire!
-Moi (étonnée): Oh, euh, je... enfin, je vous remercie énormément!
-Alice Nevers: Il n'y a pas de quoi. Je ne fais que mon travail... ou plutôt celui du collègue qui m'a précédé. (elle me regarde avec la même intensité que je l'ai fait quelques minutes auparavant) Et, moi non plus, je ne supporte pas l'injustice. En attendant, je vous demande de bien vouloir rester à la disposition de la justice, au cas où nous aurions besoin d'informations supplémentaires.
-Moi: Vous pouvez compter sur moi.
-Alice Nevers: Je vous remercie. (interpellant son greffier) Victor?
-Victor Lemonnier: Oui, madame la juge?
-Alice Nevers: Descendez aux archives et vérifiez s'il y a un dossier concernant Monsieur et Madame Fortuny, les victimes de l'accident du pont de pierre en janvier 2001. Et documentez-vous sur un certain Aurélien Delâage.
-Victor Lemonnier: Bien, madame la juge.
-Alice Nevers: Bon, je ne vous retiens pas plus longtemps (elle me raccompagne vers la sortie, puis me serre la main ) C'est très courageux ce que vous faites. Au revoir, mademoiselle Houssière.


Nous nous sourions, puis elle referme la lourde porte de bois. Je rejoins par la suite le métro et me rends à la FAC. J'ai manqué tous les cours de la matinée, mais ça ne change pas beaucoup de d'habitude. Entre les jours où je vais au haras (il y a des fois où je dois d'y aller en semaine) et l'affaire Delâage qui me fait courir à droite et à gauche, je n'aurais pas été des plus assidues cette année. Heureusement que Roxane est une amie en or, très compréhensive, et qui m'aide à rattraper tous les cours. Mes connaissances solides en matière équine dues à mon enfance passée au milieu des chevaux m'aident à maintenir le cap. Mais les exams sont dans un mois et j'ai bien conscience que ça ne fera pas tout. Mais qu'importe, car cette année, ma priorité, c'est de mener à bien la mission que je me suis donnée. Je pourrais redoubler ma première année de FAC. Mais une vengeance, ça vous n'avez pas de deuxième chance. Soit vous la saisissez à pleines mains, soit vous la laissez passer.


Une demi-heure plus tard...


Je sors de la station de métro et rejoins l'école d'ostéo à la hâte. Il est midi et demi. Je suis pile à l'heure pour déjeuner. J'entre dans le réfectoire et ne tarde pas à repérer Roxane, qui guette désespérément l'entrée du self dans l'espoir d'apercevoir ma silhouette. Je lui fais de grands signes, puis lui fait comprendre que je la rejoins après avoir rempli mon plateau.


-Roxane: Enfin! J'ai cru que tu ne viendrais pas!
-Moi: Je t'avais dit que j'aurais du retard. Si tu savais un peu ce qui m'est arrivé...
-Roxane (inquiète): Comment ça?! Qu'est-ce-qui s'est passé?!


Quelque peu amusée par sa réaction, je me lance dans le récit de ma matinée folklorique. Tout y passe. Mon arrivée au Palais de Justice, mon accrochage avec le lieutenant, mon scandale, puis mon entretient avec la juge. Roxane n'en revient pas.


-Roxane: Et elle a accepté d'ouvrir une enquête?
-Moi: Oui.
-Roxane: Oh, Cam! Tu es un génie! Je suis tellement contente pour toi! Tu imagines, tu vas enfin pouvoir prouver la culpabilité de Delâage!
-Moi: J'avoue que j'ai encore un peu de mal à réaliser... Mais, ne nous réjouissons pas trop tôt! L'enquête recommence à peine ; j'attends que la juge fasse ses preuves.
-Roxane: Je comprends ta méfiance. Mais j'espère de tout coeur que justice sera faite.
-Moi (lui prenant les mains) : Merci, Roxane. Vraiment.


Nous nous sourions puis je décide de la titiller sur sa vie sentimentale. En effet, chaque fois que nous nous voyons, nous parlons de moi (beaucoup!) et d'elle (très peu). Je pense donc qu'il est grand temps de mettre fin à cette terrible injustice.


-Moi: Alors dis-moi, comment ça va avec Seb?
-Roxane (qui devient toute rouge): Euh... plutôt bien.
-Moi: Plutôt bien? C'est tout?! Non mais sérieusement Rox, toi tu connais ma vie en long en large et en travers et la seule réponse à laquelle j'ai droit quand je m'intéresse à toi c'est "Plutôt bien". Tu trouves pas que t'abuses là?!
-Roxane: Bon, OK...désolée... Ça va bien entre nous, très bien même. Il m'envoie pleins de SMS trop mignons et il m'a même envoyé un bouquet de fleurs la semaine dernière!
-Moi: Je reconnais bien mon Sébastien, doux et romantique.
-Roxane: Oui, c'est tout à fait ça! Il est tellement... (tellement je ne sais quoi qu'elle en perd les mots!!) Je l'adore!


J'observe mon amie le sourire aux lèvres. Elle regarde le ciel d'un air rêveur. Elle est amoureuse. Je suis tellement heureuse qu'elle ait enfin trouvé celui qui lui correspond. Surtout que son galant est mon frère de coeur et qu'elle est donc ma belle-soeur par alliance! Etre belles-soeurs avec sa meilleure amie, que rêver de mieux?


-Roxane: Bon et toi? Comment ça va avec Côme?
-Moi: On s'aime beaucoup. On se voit peu en ce moment à cause des représentations au Palace et de mes escapades à droite à gauche et c'est vrai que ça commence à être dur. Mais, paradoxalement, mon accident nous a rapproché. Il est aux petits soins depuis avec moi.
-Roxane: C'est vrai qu'il est vraiment adorable. Et ça m'a été confirmé lorsque tu as eu ton accident. Je pense que peu de garçons seraient prêts à se barrer une heure avant la représentation du spectacle dans lequel ils jouent pour accourir auprès de leur petite amie. Et puis vous vous aimez tellement, ça crève les yeux. Y qu'à voir quand vous vous regardez! Vous avez des étoiles plein les yeux et plus personne n'existe autour de vous! C'est vraiment magnifique. (elle se stoppe quelques secondes, puis reprend) Et... tu lui a dit pour le bébé?
-Moi (la gorgé serrée): Je... non. Je n'en ai ni la force ni le courage.
-Roxane: Je ne peux pas me mettre à ta place mais je me doute que ce doit être très difficile. Mais vous êtes un vrai couple maintenant! Tu ne peux pas continuer à vivre dans le mensonge.
-Moi: Je sais, je sais. Tu as entièrement raison, Rox! Mais je ne peux pas lui avouer, c'est au-dessus de mes forces! Peut-être que je lui dirais un jour, quand l'occasion se présentera. Mais là, j'ai trop peur de le perdre.
-Roxane: Je comprends, Cam. Bon, on y va?


Je hoche la tête. Nous nous levons alors de nos chaises, plateaux-repas dans les mains, et rejoignons la sortie de la cafétéria.


La journée passe et les cours s'enchaînent... puis vers 19h30, Camille rentre chez elle.


J'ouvre la porte de mon appartement puis me stoppe net dans l'entrée, totalement lessivée. Après une longue expiration, je me débarrasse de mon sac, envoie valser chaussures et pantalon dans l'appartement puis m'affale sur le canapé, exténuée. J'ai faim, j'ai soif, j'ai chaud, je suis énervée et Côme n'est pas là pour me calmer. Alors tant pis, ce soir, je vais me lâcher. Vêtue d'un T-shirt en haut mais d'une simple culotte en bas, je compose le numéro de la pizzeria la plus proche et me commande une margarita. Un quart d'heure plus tard, un livreur sonne. Je récupère mon dîner puis me rends dans la cuisine. J'agrémente mon repas d'un verre de Coca et retourne sur mon sofa. Télécommande dans une main, pizza dans l'autre, je fais du zapping jusqu'à tomber sur une émission qui me convient. Je m'installe confortablement. La soirée peut commencer!


Trois heures plus tard...



Point de vue de Côme


Sac sur l'épaule, j'ouvre et referme très lentement la porte afin de ne pas réveiller Camille. Il est 0h30 et elle a cours demain ; je pense qu'elle est couchée depuis longtemps. Je dépose mon sac dans l'entrée puis me rend dans la cuisine afin de me servir un verre d'eau. Soudain, je remarque quelque chose qui m'avait totalement échappé jusqu'à maintenant : une paire de chaussures ainsi que plusieurs vêtements appartenant à Camille sont éparpillés dans tout le salon. Mon sang ne fait qu'un tour. Je repose mon verre en manquant de m'étouffer. Et si elle avait passé la soirée avec quelqu'un? Je suis certain que c'est encore ce Louis qui lui tourne autour et qui a bien profité de mon absence pour se la faire! Quel con****!! Mais quel con****!!! Je m'apprête à débouler comme une furie dans notre chambre mais m'aperçois que la porte est entrouverte. Je m'avance alors à pas de loup et découvre ma Camille, endormie à la place que j'occupe habituellement dans le lit. Extrêmement soulagé, je m'approche d'elle et m'assois doucement sur le lit. Je fourre ma tête dans son cou et lui caresse l'épaule du bout des doigts. Progressivement, je fais glisser ma main le long de son côté droit, puis sur sa hanche et remonte le long de son ventre jusqu'à atteindre son sein. Je la sens qui grogne puis qui se tortille pour se retourner vers moi.


-Camille (toute ensommeillée): Oh, chéri. C'est 1h00 du mat' là...
-Moi (un peu frustré): Ben sympa l'accueil! Je pensais que tu serais contente de me voir.
-Camille: Oh, mon amour, bien sûr que oui que je suis contente de te voir! Mais là c'est pas le problème. C'est 1h00 du matin!


Elle se laisse tomber sur l'oreiller et se rendort aussitôt. Je soupire et fourre ma tête une dernière fois dans son cou. Puis, je sors de la chambre et rejoins la salle de bain afin de prendre une douche. Lorsque j'ai été retenu pour camper le premier rôle dans "Le Rouge et Le Noir", je ne voyais que le côté formidable de jouer dans un spectacle ; ou plus généralement, que le côté formidable du métier d'artiste. Mais pas une seconde je n'ai pensé à tous les inconvénients qui en découlaient. Et plus les mois passent, plus je me rends compte qu'il est très difficile d'avoir une vie de couple. Camille et moi avons des horaires beaucoup trop différentes pour pouvoir espérer passer ne serait-ce qu'une soirée ensemble par mois. Il faut que je me rende à l'évidence : on se voit en coup de vent, un peu le matin avant qu'elle parte à la FAC ou chez les Delâage et un peu le soir quand je rentre du Palace (et encore, si je suis là avant 23h00 et qu'elle n'est pas au Zénith) ; on fait l'amour tous les dix ans et... on se manque terriblement. Je ne sais pas encore comment faire pour qu'on passe plus de temps ensemble mais il va vraiment falloir qu'on y réfléchisse sérieusement car je ne conçois pas mon avenir sans elle.


Je sors de la douche, enfile mon pyjama puis vais me glisser doucement dans les draps. Camille dort comme une masse à côté de moi. Mais moi je n'y parviens pas.


Point de vue de Camille


Le lendemain...


J'ouvre lentement les yeux et étire mon bras de l'autre côté du lit afin de caresser Côme. Je tâte le matelas plusieurs fois mais ma main ne caresse que le drap. Etonnée, je me tourne de l'autre côté. Rien. Les bruits de tasses provenant de la cuisine m'indiquent que Côme est déjà levé. Mince. Moi qui voulait profiter de cette matinée de repos pour rattraper le temps perdu, eh bien c'est raté! Frustrée, je repousse les draps et rejoins mon chéri dans la cuisine. Il est en train de prendre son petit-déjeuner et semble assez fatigué. Je passe derrière lui afin de glisser mes mains dans son dos puis de les nouer sur son ventre. Je pose ma tête sur son épaule et l'embrasse dans le cou.


-Moi: Excuse-moi pour hier soir. J'étais tellement crevée que je pouvais vraiment rien faire.
-Côme: T'en fais pas, t'inquiète. C'est juste qu'on se voit très peu en ce moment et qu'on a pas le même rythme de vie et... nos soirées passées ensemble me manquent terriblement. Regarde-nous, Cam! On se voit en coup de vent ; on dirait qu'on vit en colocation! On dirait un vieux couple de 70 ans! On peut pas continuer comme ça. Va vraiment falloir qu'on trouve une solution.
-Moi (m'installant sur ses genoux): Je sais, chéri. Mais je te promets que tout va s'arranger. Laisse-moi terminer ma mission avec les Delâage et je te promets que tout redeviendra comme avant. Et puis quand les représentations seront terminées, tu auras beaucoup plus de temps toi aussi.


Côme détourne les yeux. Je sais très bien qu'il souffre de nos absences mutuelles mais nous avons fait un choix de vie. Certes, en toute ignorance de cause mais nous en avons fait un. Et maintenant que nous sommes tous deux engagés dans des "projets", il faut les mener jusqu'au bout. Mais je sais qu'on va y arriver. C'est juste un moment dur à passer ; notre couple en vaut bien d'autres.


-Moi ( prenant sa tête entre mes mains): Laisse-nous juste du temps, d'accord?
-Côme (m'embrassant): D'accord. Au fait, tu en es où de ton enquête?
-Moi: Je suis allée au Palais de Justice hier. J'ai rencontré une juge d'instruction qui a accepté d'ouvrir une enquête.
-Côme: Quoi?! Mais c'est génial mon amour!! Mais, tu lui as dit que tu travailles pour les Delâage? Et que tu as la preuve qu'Aurélien est également coupable de maltraitance animale?
-Moi: Non, pas encore. J'attends que la juge fasse d'abord ses preuves avec les infos que je lui ai donné hier. Si elle est capable de retrouver l'identité d'Aurélien, alors je lui donnerai un complément d'informations.
-Côme: T'es vraiment géniale, Cam. Je t'aime.


Nous nous embrassons passionnément et décidons d'un accord commun de rattraper le temps perdu (si vous voyez ce que je veux dire...).


Quelques heures plus tard...


J'arrive au domaine du Doré vers 14h00 afin d'effectuer les séances quotidiennes d'Indigo et d'Esperanza. En arrivant chez les Delâage, je croise les jumelles. Nous nous faisons la bise et j'en profite pour glisser discrètement à l'oreille d'Aliénor que j'ai pris contact avec Madame Alice Nevers. Cette dernière, visiblement ravie, me remercie d'un sourire. Je me dirige ensuite vers l'écurie et commence mes massages.


Une fois les séances terminées, je récompense l'étalon et la jument en leur donnant une carotte chacun et je les rentre aux boxes. Puis, je rejoins la maison en quête de Fanny.

Camille Lou: De l'ombre à la lumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant