Chapitre 23 : "C'est le jour J, promis cette fois je lui dis"

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Un mois plus tard

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Un mois plus tard...


Point de vue d'Alice


Je claque la porte de mon bureau et descends les marches de l'escalier de pierre quatre à quatre. Je bouscule des avocats, percute des procureurs. Je leur baragouine des excuses et continue ma course folle. Il faut absolument que je trouve Fred. Lorsque j'arrive dans le hall, j'aperçois celui-ci à côté de la machine à café. J'accélère l'allure et lui fais de grands gestes.

-Moi: Marquand! Marquand!
-Fred Marquand (sirotant son café): Ah, madame la juge! Qu'est-ce-qui vous arrive pour courir comme ça avec vos talons aiguilles?
-Moi: J'ai convoqué Edouard demain à 11h00!
-Fred Marquand: Dans votre bureau?
-Moi: Non. En salle d'interrogatoire. Je pense que ce sera plus facile de lui faire avouer dans ces conditions, avec la pression de la caméra et l'impression d'être désigné comme coupable. Il vient dans mon bureau trop régulièrement. Il se sentirait trop à l'aise.
-Fred Marquand: Vous avez raison, Alice.
-Moi: Je peux compter sur vous?
-Fred Marquand: Bien entendu! Je serais là! Vous avez oublié ou quoi? (il lève le poing) Alice un jour, Alice toujours!
-Moi: Merci, Fred.


Il me sourit et je le regarde s'éloigner, son verre de café à la main.


Le lendemain...


-Fred Marquand (s'adressant à la caméra): Affaire Fortuny, première prise. Commandant Marquand et juge Nevers. Allez Edouard, dis bonjour à la caméra!
-Le légiste: Mais qu'est-ce-que vous me voulez à la fin?! J'y suis pour rien dans cette histoire, moi! Pour rien, vous m'entendez!!!
-Moi: Monsieur Salmon, nous avons fait des recherches au sujet du compte-rendu de l'état des lieux de la voiture. Celle dans laquelle sont décédés monsieur et madame Fortuny. Vous avez en effet rédigé ce compte-rendu mais vous ne l'avez pas fourni aux enquêteurs. Pourquoi?
-Le légiste: Je ne dirais rien. Je n'ai rien à me reprocher.
-Fred Marquand: Edouard, vous savez ce que vous risquez pour refus de témoignage? La garde à vue. C'est pas très gratifiant pour votre réputation, non?
-Le légiste: Mais c'est rien comparaît à ce que je risque si je parle!!
-Moi: Ah! Donc vous avouez être en tort?

L'accusé baisse les yeux.

-Moi: Parlez, Edouard. Je vous assure, ce sera tout en votre honneur!


Il nous balai du regard. Ses yeux font des aller-retours entre Fred et moi. Je sens qu'il hésite. Il est à deux doigts de parler, je le sens! Je lui lance un regard compatissant afin de l'encourager. Il ouvre la bouche, mais la referme aussitôt. Les minutes défilent et il continue à se murer dans son silence.


-Moi: Bon. Ça suffit, on arrête-là! (je m'adresse aux policiers) Amenez-le en garde à vue.
-Le légiste: Non, attendez! Quand Aurélien m'a parlé de son idée, jamais je n'aurais cru qu'il irait jusqu'au bout. Il était impulsif et rempli de haine, mais delà à tuer cette femme! Jamais je n'aurais pensé qu'il ferait ça. Jamais! Et pourtant, il est allé au bout de ses actes.
-Moi: Attendez... vous connaissez Aurélien Delâage?!
-Le légiste: Oui. On s'est rencontré dans une fête quand on avait 19 ans. On a sympathisé et on a gardé contact. On était tout le temps ensemble ; on est devenu très amis. Lors d'une soirée, il m'a présenté Julien et Maeva, respectivement son meilleur ami et sa compagne. J'ai tout de suite senti qu'il se passait quelque chose entre Julien et Maeva mais il n'a rien voulu entendre. Sauf que quelques mois plus tard, Aurélien m'a téléphoné pour m'annoncer que cette fille l'avait plaqué pour son meilleur pote. Et là, il m'a juré qu'il allait lui faire payer comme jamais. Je ne l'ai pas pris au mot. Je me disais qu'il était encore sous le choc mais qu'il ne serait jamais capable de faire une chose pareille. Et il l'a fait. Il a préparé sa vengeance sur plusieurs années, jusqu'à son apothéose cette nuit de janvier. Quelques semaines auparavant, il m'a demandé de lui prêter des outils...
-Moi (le coupant brusquement): Attendez!


"Outils". Ce dernier mot vient de faire "tilt" dans ma tête. Ni une ni deux, je fourre ma main dans la poche de mon manteau et déniche une liste d'outils que m'a remise Camille lors d'un de nos entretiens.


-Moi: C'est de ces outils dont vous parlez?
-Le légiste: Oui oui, c'est ça.
-Moi: Comment vous êtes-vous procuré ces outils, monsieur Salmon?
-Le légiste: Mon père est garagiste. Je lui ai emprunté les outils et je les lui ai rendu lorsqu'Aurélien me les a rendu.
-Moi: Et vous ne lui avez pas demandé ce qu'il avait fait avec?!
-Le légiste: Non. Parce que j'ai eu l'effroyable surprise de l'apprendre moi-même. Quand j'ai vu les noms des victimes de cet accident du 22 janvier 2001 et quand j'ai effectué l'état des lieux de leur voiture, j'ai compris qu'Aurélien était passé à l'acte. Et que je l'avais aidé sans le savoir. Je devenais le suspect numéro un. Je m'en suis voulu à mort et je m'en veux encore et toujours de ne rien lui avoir demandé. De ne pas avoir posé de questions quand il m'a demandé ces outils. De ne pas avoir pensé une seule seconde qu'il allait s'en servir pour tuer ces pauvres gens ! En fournissant ce compte-rendu, non seulement vos collègues chargés de l'enquête allaient découvrir qu'Aurélien était coupable mais aussi que j'avais participé au meurtre. Je ne pouvais pas condamner mon meilleur ami et me faire plonger par la même occasion. C'était inconcevable. Nous avions tous les deux une famille et un métier stable. Une telle condamnation aurait sali notre réputation à tout jamais. Alors c'était hors de question.
-Moi: Nous vous remercions sincèrement pour ces aveux, Edouard. Nous avons conscience du courage qu'il vous a fallu pour nous parler mais grâce à vous, une jeune femme va pouvoir enfin ce construire sans vivre dans le passé et faire le deuil de ses parents. Cependant, vous connaissez malheureusement l'issue de cet interrogatoire. Edouard Salmon, je vous arrête pour complicité de meurtre avec préméditation.


Je jette un coup d'oeil en direction de mes collègues policiers. D'un geste rapide, je leur fais signe d'entrer dans la salle. Ils s'exécutent sans poser de questions. La suite, ils la connaissent. Je les regarde s'emparer des mains du légiste et les nouer sans ménagement dans son dos avec des menottes. C'est bizarre, mais je me rends compte à quel point cette étape est traumatisante pour les détenus. Au fond, cela m'a toujours un peu blessée de les regarder passivement se faire embarquer dans de telles conditions. Savoir que toutes ces personnes condamnées en sont là à cause de vous est troublant, vous savez. Mais jusqu'à présent, je me suis toujours fait une raison. Je me suis dit qu'ils le méritent bien, tous ces violeurs et assassins. Je me suis dit qu'il n'y a rien de plus juste que leur condamnation. Il faut qu'ils paient pour leurs crimes ; pour toutes ces vies qu'ils ont foutu en l'air! Sauf qu'aujourd'hui tout est différent. Je n'arrive pas à rester neutre parce que je connais Edouard et au fond, je l'appréciais. Mon regard se perd sur le noir carrelage de la pièce. Marquand, sensible à mon malêtre, pose une main affectueuse sur mon épaule.


-Fred Marquand: Ça va, Alice?
-Moi: Non. Je suis troublée, Marquand. Cela va vous paraître bizarre, mais sa condamnation m'affecte.
-Fred Marquand: Je vous comprends. Ça fait dix ans qu'on travaillait ensemble. C'est normal que ça vous choque. Mais vous avez pris la bonne décision. Il a participé à un crime, Alice. Et même si c'est dur à croire, deux vies sont parties en l'air à cause de sa collaboration aux magouilles du père Delâage. Vous n'avez fait qu'appliquer la loi, et ce en vous efforçant de rester dans une complète neutralité. Vous pouvez être fière de vous, madame la juge.
-Moi: Merci, Fred. Merci d'être toujours là pour moi.


Touchée, je dépose un bisou furtif sur sa joue.


-Fred Marquand: Oh, arrêtez, je vais rougir!


Nous nous sourions, puis sortons de la salle. Fred et moi nous attendons à merveille. Il est à la fois mon collègue, mon frère, mon ami, mon amant, mon confident. J'ai vraiment beaucoup de chance de travailler avec une personne aussi formidable. Nous faisons un bout de chemin ensemble puis nous nous séparons à l'intersection d'un couloir. Je rejoins mon bureau. Il faut que je contacte Camille pour lui annoncer la bonne nouvelle. L'arrestation d'Edouard nous permet de passer à la phase 2 du plan : la perquisition au domaine des Delâage.


Le samedi suivant...

Camille Lou: De l'ombre à la lumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant