Le 24 janvier 1988.
Italie.
Une jolie petite fille pousse son premier cri dans la petite ville proche de Vérone, Legnago. Un accouchement non sans douleur, à domicile, sans assistance et dans la précipitation. Les cris de la petite s'apaisent lorsqu'elle se retrouve au creux des bras de sa mère. La jeune maman pleure de joie et de chagrin. Les yeux rivés sur la beauté quasi parfaite de l'enfant qu'elle vient de mettre au monde et la main caressant ce visage angélique elle souffle - Maïa - dérivée de Marie, l'être aimé. Je t'aime ma petite fille, pardonne-moi. Malheureusement ce moment de plénitude sera de courte durée.
26 janvier 1988.
Italie.
La petite Maïa est déposée au couvent de San Domenico. Emmitouflée dans une couverture de laine multicolore elle est recueillie par la sœur Marie qui promit alors à la jeune maman en larmes de bien s'occuper de sa fille.
Courant de l'année 1993.
Les sœurs sont de moins en moins nombreuses et les abandons d'enfants de plus en plus fréquents. Enfant illégitime ou malade, famille trop nombreuse, plusieurs raisons expliquent les séparations de ces petits de plus en plus jeunes. La mère supérieure, appuyée par l'état, prend la décision de rediriger ces enfants vers d'autres foyers. Maïa a 5 ans et elle ne comprend pas pourquoi elle doit quitter Marie, celle qui l'a élevé, celle qu'elle appelle maman malgré les tentatives d'explication de la douce sœur.
Été 1993.
Entre Italie et France.
Maïa, cette petite fille aux longs cheveux bouclés bruns arrive en France. Elle est perdue, elle est la seule du couvent à être envoyée ici et malgré son jeune âge elle est très intelligente. Elle pense d'abord que c'est une punition, il faut dire que si elle est loin d'être bête cela n'empêche qu'elle cumule les bêtises ! Mais non, sœur Clémence avait dit vrai, elle allait vivre ici désormais. C'est ici, dans le sud de la France, à Montpellier plus précisément, dans cet orphelinat froid et austère que l'on appelle Établissement des Orphelins, où elle ne connaît pas la langue qu'elle va grandir.
Année 2001.
Montpellier, France.
Le monde a passé l'an 2000 sans problème contrairement aux craintes. Ce qui n'est pas le cas de Maïa. Elle a désormais 13 ans et la petite fille au sourire angélique et aux boucles parfaites a cédé sa place à une pré adolescente paumée. Il faut dire que les autres enfants de l'orphelinat ne lui ont pas fait de cadeau ! Une fillette qui débarque seule et qui en plus ne parle pas français c'était le bouc émissaire parfait ! Si au début elle encaissait sans broncher, elle a vite compris que si elle voulait survivre ici elle allait devoir s'endurcir. Alors ses longs cheveux ont fait place à un carré brouillon, son sourire d'ange a disparu au profit d'un rictus narquois qui vient égayer trop peu souvent un visage fermé. Si son intelligence lui a permis de très vite acquérir la maîtrise parfaite écrire et orale du français, cela n'a pas empêché les moqueries et autres tumultes.
Année 2002.
Maïa vient d'avoir 14 ans. En ce mois de janvier elle s'apprête à entrer dans un nouveau lycée. Elle a toujours été une enfant studieuse et a sauté une classe malgré un comportement catastrophique. Mais depuis peu, elle se bat. Elle a très vite compris que pour faire taire les pestes et les médisants elle devrait livrer sa propre bataille dans tous les sens du terme. Elle rencontre des jeunes comme elles. Des paumés, des rejetés de la vie ou encore des fils à papa en quête de frissons. Maïa a 14 ans, elle sèche le lycée, de toute façon elle s'ennuie. Elle est en colère, tout le temps. Ce n'est plus une petite fille, elle comprend des choses, elle se pose des questions qui restent sans réponse. Pourtant, elle sait que quelque part dans cet orphelinat pourri, une enveloppe kraft contient un bout de son passé. Mais c'est confidentiel paraît-il. Comme si, un jour, un être sans cœur avait décidé que tu ne pouvais même pas disposer toi-même de ton passé, de ton histoire. Et pour cela elle enrage. Elle est très légèrement typée physiquement, mais pourtant elle n'a aucun souvenir de sa petite enfance. Et puis, il semblerait que le bâtiment qui l'accueille depuis des années connaît tous les fantômes du passé et pourtant personne ne semble disposé à parler. C'est la devise de l'établissement. Pas de questions. Contentez-vous de grandir et de dégager. Comment se construire quand on ne connaît pas les bases de sa vie ? Comment grandir quand on ne sait pas d'où l'on vient ? Si certains pensionnaires semblent s'en accommoder ce n'est pas le cas de Maïa. Ce trou béant qu'est son passé l'empêche d'avancer. Et tandis qu'elle grandit, sa colère, son incompréhension et sa peur s'accroissent. Elle l'exprime simplement, non pas par des mots mais par des gestes. Elle crie, elle frappe, elle vole. Comme si tout ceci interpellerait une puissance supérieure qui viendrait répondre à ses questions. Mais les réponses ne viennent jamais. Alors avec ceux qu'elle considère comme ces amis, elle vit, ou plutôt elle survit. A cause de cette absence de repères, elle essaye de s'en faire de nouveaux. A cause de cette austérité dans lequel elle évolue depuis toujours, elle brave les interdits. Elle boit et elle fume parce qu'elle croit ainsi être importante. Elle est virée du lycée, les employés de son lieu de vie ne veulent plus d'elle. Le seul soutien qu'elle a c'est celui de Madame Andras, directrice de l'établissement des Orphelins.
Année 2003.
Maïa vient tout juste d'avoir 15 ans et pourtant elle change de lycée pour la troisième fois. C'est la dernière, Madame Andras l'a prévenu. Cette quinquagénaire adore Maïa. Elle a toujours essayé de la protéger au mieux et elle était les bras de substitution d'une mère. Mais elle s'inquiète beaucoup désormais parce que Maïa n'a pas d'amis, Maïa se bat, Maïa s'habille comme un garçon pour cacher ce corps qui devient femme un peu trop rapidement. Alors ce lycée privé c'est sa dernière chance.
La révolution Emy.
Et il sera sa libération, sa renaissance, le début d'une nouvelle vie. Une tornade qui déboule dans la vie solitaire de Maïa et qui va tout retourner sur son passage, mais qui surtout va s'ancrer définitivement, qui va s'accrocher telle une moule sur son rocher, cette force de la nature c'est Émy.
Émy, c'est la révolution, c'est l'ère du changement, c'est l'heure de la reprise en main. Émy, c'est celle que tu rejettes parce qu'elle est belle, parce que son papa la dépose au lycée tous les matins, parce qu'elle a une bande d'amis qui l'attendent le matin avant d'aller en cours. Elle représente un idéal d'une vie parfaite que Maïa déteste autant qu'elle envie. Émy est attirée par Maïa. Attirée dans tous les sens du terme. Émy semble heureuse avec une vie parfaite pourtant elle sait depuis 2 ans que quelque chose ne va pas. Ou plutôt que quelque chose est différent chez elle et cela personne ne le sait. Elle porte ce lourd secret comme un fardeau par crainte des qu'en dira-t-on. Parce qu'à l'heure où les filles commencent à regarder les garçons, elle, elle ne voit que les filles. Et cette petite nouvelle qui arrive dans sa classe lui plaît. Et pas seulement sa beauté brute et son côté rebelle mais aussi la souffrance dans ses yeux noirs. Émy sait qu'elle est différente, mais elle est surtout unique parce qu'elle voit ce que les autres ignorent, parce qu'elle a une sensibilité à fleur de peau. Tel un aimant Émy la blonde aux yeux océan est attirée par cette brune aux yeux corbeau. Et tel un pot de glue elle va s'accrocher à Maïa pour ne plus jamais s'en défaire. C'est le début d'une histoire d'amour, pour l'une au départ un amour physique, pour l'autre un amour haineux alors que la vérité c'est un amour fraternel véritable indéfectible. Émy est son salut, sa sauveuse. Leur amitié a sauvé Maïa. Elle s'est assagie, à travailler dur à l'école et à trouver une famille dans celle d'Emy. Ses parents l'ont accueilli comme leur fille, sa mère l'a soigné, l'a rassuré, l'a bercé des chansons enfantines quand, même à 16 ans, elle faisait des cauchemars. Elle a trouvé sa voie professionnelle très rapidement et à 19 ans elle a trouvé l'amour de sa vie, David. Le premier amour, un véritable coup de foudre sur un slow rythmé par la valse à mille temps de Brel, une seule danse, la danse de l'amour.
Cette histoire c'est la mienne, Maïa fille paumée qui, à 29 ans, lorsqu'elle fait le bilan, sait qu'elle s'est enfin trouvée. Au moins en apparence.
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LA DANSE DE L'AMOUR
Romance" De l'amour de la danse à l'amour il n'y a qu'un pas". Jane Austen Jusqu'à aujourd'hui je n'avais pas compris ce que cette phrase voulait dire. Le grand Amour je l'avais déjà trouvé. Le grand Amour amical aussi. La passion vive pour la danse aussi...