2 ans plus tard.
Plage de Marseille.Allongée sur ma serviette, je tourne la tête en souriant. À mes côtés, Émy et Maho se pelotent comme des adolescentes. Le temps n'a pas eu d'emprise sur leur amour et leur passion. Elles sont magnifiques tant elles rayonnent de bonheur.
Émy a toujours cette folie extrême en elle. Mais rarement quand sa moitié est dans les parages. Clairement, c'est Maho qui porte la culotte. Sous ses airs de dominatrice, comme aime l'appeler Émy dans son dos, elle est certainement la meilleure chose qui pouvait arriver à ma sœur de cœur. Elle est pleinement heureuse et je ne pourrais jamais assez remercier Maho pour ça. Égoïstement, je me sens moins coupable de l'enfer que je lui ai fait vivre il y a plusieurs années maintenant. Bien qu'elle ne m'ait jamais reproché cette sombre période, je me suis toujours sentie fautive. Depuis, je fais tout mon possible pour contribuer à son bien-être.
Il y a six mois, Maho est venue dans mon bureau pour m'annoncer qu'elle avait la ferme intention de demander Émy en mariage. Je n'avais pas pu contenir une grimace qui voulait dire quelque chose du genre « Oh merde, c'est pas gagné ». Sur ce sujet, nous étions pareilles. Totalement terrorisées par l'engagement que représente le mariage. Et pour être tout à fait honnête, Émy détestait l'idée de s'appeler un jour Madame Yuan. Mais ça c'était un petit secret entre elle et moi.
Néanmoins, il était hors de question que ma meilleure amie passe à côté de la femme de sa vie pour une ridicule peur de l'engagement. J'ai donc promis à Maho de me dévouer corps et âme pour l'aider à organiser la demande en mariage la plus extraordinaire possible. Et secrètement, je m'étais également jurée de tout mettre en œuvre pour que cette tête de mule dise oui et ne se barre pas à l'autre bout du monde.
J'ai passé des jours entiers à me creuser la cervelle. Et puis une nuit, un souvenir d'une discussion avec Émy m'était revenue. À trois heures du matin, j'avais bondi hors de mon lit et je m'étais ruée en pyjama chez les filles. Par chance, elles avaient acheté quelques mois en arrière un superbe loft deux étages plus bas que mon appartement, dans le même immeuble. Émy étant à l'étranger pour la promotion de la nouvelle collection Cappeone, nous pouvions mettre au point notre demande en mariage tranquillement. Maho m'avait ouvert la porte encore endormie et dans l'incompréhension la plus totale. J'étais tellement sûre de mon idée que j'étais excitée comme une puce. Ce qui a passablement énervé Maho mais qui a eu le mérite de la réveiller. Je lui avais donc confié que, étant plus jeunes, Émy et moi avions eu une discussion sur le mariage. Elle, comme moi, était contre. Mais elle d'autant plus en sachant qu'un couple homosexuel ne possédait pas ce droit. Mais, en bonne amie qu'elle est, elle s'était prêtée au jeu en me disant quelque chose comme « Celle qui me passera la bague au doigt n'est pas encore née. Mais, si éventuellement, j'ai une demande à la hauteur de ma grande folie, il se pourrait que je dise oui ».
Alors j'avais eu une idée démentielle. J'imaginais déjà la scène. Une Émy attachée dans ce terrifiant manège à sensations plus communément appelé « La Boule ». Je voyais Maho faire sa demande juste avant que le manège ne propulse Émy à plusieurs mètres dans les airs. Je pensais même à la renvoyer plusieurs fois dans le ciel jusqu'à ce qu'elle dise oui. Je me souviens encore de la mine déconfite de Maho. Elle m'avait répondu que j'étais complètement folle et que ça ne marcherait jamais. Mais, au fur et à mesure qu'elle me parlait, elle semblait comprendre et faire le rapprochement avec mon souvenir. Émy voulait une demande déjantée, elle allait l'avoir. La veille, Maho paniquait. Elle n'arrêtait pas de répéter « Ça passe ou ça casse ». Il avait fallu que je m'énerve en lui disant que de toute manière vouloir l'épouser était déjà un risque, pour qu'elle se calme.
Et ça a marché.
Émy est partie dans les airs avec un merveilleux « veux-tu m'épouser ? » elle a atterri en criant un grand « Oui ».Ce jour-là, comme le jour de son mariage, restera dans mon top dix des plus beaux jours de ma vie.
*
Depuis deux ans, la vie est belle. Remplie de moments de bonheur comme ceux-là. Le passé est définitivement enterré même si quelques questions restent en suspens. J'ai mis du temps à comprendre que le passé est et restera derrière moi. Trop de temps pour comprendre que le futur se décide maintenant alors que le passé est immuable. Que d'où je viens ne détermine pas qui je suis.
Il m'a fallu, pour prendre conscience de cela, un coup de pied au cul phénoménal. Au sens propre comme au sens figuré.
Parce qu'il y a deux ans, je laissai planté sur la plage l'homme de ma vie.
Il y a deux ans, je l'ai fui comme si j'avais le feu aux trousses.
Il y a deux ans, je rentrai dans mon appartement, totalement paniquée.
Il y a deux ans, je tombai sur Émy, les yeux brillants d'excitation qui me suppliait de lui montrer ma bague. Et qui avait très vite compris que j'avais encore pris la fuite.
Il y a deux ans, je me faisais botter les fesses comme jamais. J'avais eu droit à un remontage de bretelles dans les règles.
Il y a deux ans, Émy me donnait une leçon de vie, la Leçon de ma vie. Le meilleur psychothérapeute de la planète n'aurait jamais eu de mots aussi forts, aussi justes et aussi pénétrants que les siens.
Il y a deux ans, ma meilleure amie me foutait à la porte de mon appartement à coup de pieds aux fesses, en m'intimant d'aller dire oui à Marlon.
Il y a deux ans, je courrai comme une dingue sur cette même plage en espérant que l'amour de ma vie y soit toujours.
Il y a deux ans, assis dans le sable se trouvait l'homme le plus beau de l'univers. Il était assis face à la mer, les yeux fixés sur l'horizon. La lumière diffuse de la lune le magnifiait. Et moi je remerciai le ciel qu'il soit toujours là.
Il y a deux ans, je me ruai sur lui, nous faisant tomber dans le sable.
Il y a deux ans, je m'asseyais à califourchon sur Marlon, parsemant son beau visage de mille petits baisers en lui demandant pardon.
Il y a deux ans, je me jetai à l'eau, sans bouée de sauvetage. Après d'innombrables « pardon » je le suppliais « Épouse-moi, Marlon ».
Aujourd'hui, quand je regarde mon merveilleux mari sortant de l'eau, sexy comme ce n'est pas permis, n'ayant d'yeux que pour moi, avec son sourire dévastateur qui m'a toujours fait craquer, je sais que j'ai fait le bon choix.
J'ai dansé avec l'amour et l'amour a fait danser mon cœur qui bat enfin aux rythmes réguliers de chaque moment de bonheur.
« Parce que l'amour ne se résume pas à un sentiment. L'amour c'est une chorégraphie d'émotions. Il faut ressentir la passion et la destruction. L'euphorie et la déception. La joie et la tristesse. L'amour nous fait du bien. L'amour nous fait du mal. Et c'est avec ce bonheur malheureux que l'on vit. Que l'on aime. Toujours. »
FIN
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LA DANSE DE L'AMOUR
Storie d'amore" De l'amour de la danse à l'amour il n'y a qu'un pas". Jane Austen Jusqu'à aujourd'hui je n'avais pas compris ce que cette phrase voulait dire. Le grand Amour je l'avais déjà trouvé. Le grand Amour amical aussi. La passion vive pour la danse aussi...