Mai 2021.
Locaux de Cappeone.Assise sur la chaise de mon bureau, je m'octroie une pause. Déchaussée, je me laisse glisser confortablement dans mon fauteuil. Comme depuis près de cinq mois et demi, mes mains se posent avec une délicatesse infinie sur mon ventre. Tendrement, mes paumes caressent sa surface désormais bien rebondie. Un fils. Je vais être maman. Je ne réalise toujours pas.
Cela faisait des mois que mon cher mari me bassinait avec un bébé. Son horloge biologique avait sonné. À trente-six ans, c'était, disait-il, le moment idéal. Mais je n'étais pas prête. J'en avais envie. Mais j'étais terrorisée. Je n'avais pas eu de mère, pas de modèle. Je ne savais même pas ce qu'était une maman. Je ne serai pas une bonne figure maternelle.
Et puis, à force de persuasion, je me suis laissée convaincre. Il faut dire que Marlon est un négociateur hors pair. Il est fort. Très fort. Il a su avancer de bons arguments. Notamment, le plaisir que nous allions prendre à essayer de le faire. Ce bébé. Et comme un peu trop souvent à mon goût, il avait raison. Malgré mes craintes, je vis plutôt bien ma grossesse. Le soutien sans faille de ma famille y est pour beaucoup.
Émy et Maho sont toutes excitées et impatientes de l'arrivée de ce petit d'homme. D'ailleurs, elles ne cessent de se disputer, chacune voulant être la marraine de mon fils. Et elles aussi, ne lésinent pas sur les arguments, chacune défendant sa cause. Le pire, c'est qu'elles sont sérieuses. Elles se livrent une guerre sans merci, où tous les coups sont permis pour obtenir mes faveurs. Encore plus depuis que nous connaissons le sexe. Cadeaux, vêtements et peluches envahissent notre appartement.
Marlon et moi trouvons ça tellement amusants que nous les laissons faire. Elles sont vraiment dingues. Et sans pitié.
En me remémorant un souvenir, j'éclate de rire. Je me souviens d'une fois. Émy, Marlon et moi étions en train de discuter, à la maison, devant un apéritif dinatoire quand Maho nous avait rejoint. Ni bonjour, ni merde, elle s'était plantée devant nous, sûre d'elle, un rouleau de plastique blanc entre les mains. Surpris, nous avions cessé toute discussion et la regardions, dans la plus grande incompréhension.
— Je dois être la marraine de ce bébé, avait-elle affirmé, pleine de confiance.
Il n'avait pas fallu une seconde pour que ma meilleure amie se lève d'un bond, pour se placer face à elle, les poings sur les hanches.
— Ah oui ? Et pourquoi donc ?
Son ton était sans appel et elle l'a toisée du regard.
— Parce que tu n'es pas digne de cet enfant. Tu es ma femme, et je t'aime. Mais tu n'es pas faite pour ce rôle.
Je voyais le sang d'Émy bouillir dans ses veines. La colère montait en elle en même temps que le rouge qui envahissait son visage. Mon mari et moi tentions tant bien que mal de ne pas éclater de rire face à cette scène de ménage surprenante. D'ailleurs, discrètement, nous mimions manger du pop-corn, comme si nous étions en plein spectacle. Très divertissant au demeurant.
— Parce que toi, tu penses être à la hauteur de mon neveu peut-être ? avait interrogé Émy, doigt accusateur pointé sur sa femme, et insistant sur le possessif « mon ».
— Parfaitement, oui.
Maho était définitivement convaincue de sa capacité supérieure à endosser ce rôle.
— Dois-je te rappeler que tu n'es qu'une pièce rapportée ? Que tu fais partie de ma famille parce que j'ai bien voulu t'épouser ?
— Outch. Je constate que tous les coups sont permis. Tu ne m'en voudras donc pas pour ceci, avait rétorqué Maho, la main sur la poitrine, mimant le cœur brisé.
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LA DANSE DE L'AMOUR
Romance" De l'amour de la danse à l'amour il n'y a qu'un pas". Jane Austen Jusqu'à aujourd'hui je n'avais pas compris ce que cette phrase voulait dire. Le grand Amour je l'avais déjà trouvé. Le grand Amour amical aussi. La passion vive pour la danse aussi...