Je l'aurais reconnu entre mille. Pourtant je ne l'ai croisé que quelques fois quand David n'a pas pu couper aux invitations d Émy pour ses anniversaires ou sa pendaison de crémaillère. Et à croire que plus il vieillit plus il est beau. Je dois avoir la même tête qu'il y a quelques années auparavant et je dois faire un effort surhumain pour me ressaisir. Son regard profond et son sourire carnassier en disent long, il pue le sexe a douze kilomètres. Je le sens de là et pour cause c'est sur ma personne qu'il a arrêté son regard. Quand Émy se rend compte que j'ai arrêté de bouger voir même de respirer elle se retourne brusquement et l'aperçois. Elle hurle son prénom et lui fais de grand signe. A voir son sourire retomber il n'avait pas dû me reconnaître. Il lui fait un signe de tête l'invitant à se rendre vers les fauteuils à l'écart de la piste de danse.
Elle lui saute au cou et l'embrasse. Je m'approche pour lui faire la bise et la main qui se pose dans mon dos pendant notre embrassade me met carrément mal à l'aise. Je me recule et prend place dans un fauteuil et Émy en fait de même. Marlon nous demande ce que nous voulons boire et repart vers le bar.
Un « nom de dieu » m'échappe et Émy me lâche un « Quoi ? « accompagné d'un sourcil levé. Tu sais ce sourcil qui t'interroge mieux qu'un flic. Je bafouille un « non rien » auquel elle répond par une mimique de la bouche celle qui veut dire c'est ça prend moi pour lapin de six semaines. Émy devait être Colombo dans une autre vie parce qu'elle remarque le moindre détail et à cette capacité à savoir en un coup d'œil quand tu essayes de l'embobiner. Je rends les armes et me rapproche d'elle pour lui chuchoter :— J'avais oublié à quel point il était... Intense... Ouais c'est ça...intense c'est le mot.
Elle éclate de rire et me demande.
— Après tout ce temps il te fait encore cet effet ?
Je hausse les épaules en guise de réponse. C'est les effets de l'alcool c'est tout. Alors qu'il revient je vide la moitié de ma bière en espérant noyer ma gêne. Ils discutent entre eux et cela me va très bien. Je suis un peu saoule et déjà que dans mon état normal je dis bien trop de conneries je vais éviter de trop ouvrir ma bouche. Émy balaie du regard la piste et quand elle sourit je sais. Je sais qu'elle va me planter là, à côté du dieu grec qui m'enlève toute capacité à raisonner.
— Les chéris je vous laisse je viens de rencontrer ma fin de soirée !
Si Marlon rigole gaiement, je lâche un rire jaune et lui mime un « lâcheuse » très puéril. C'est au bout de quinze longues minutes de silence effrayant qu'une chanson me sort de cette panade. Encouragée par l'alcool, je me lance seule sur la piste de danse sur une chanson au rythme très latinos. Il me fixe, je le sens et pourtant je ne peux m'arrêter de bouger. Des hommes s'approchent pour danser avec moi je joue le jeu en essayant de garder des distances parce que je ne suis pas célibataire et très fidèle. Je m'imprègne de la musique les yeux fermés quand deux mains se posent sur mes hanches.
Je ne me retourne pas je sais que c'est lui, je le sens parce que ce contact me fait le même effet que sa main dans mon dos lors de notre bise. Je dois m'éloigner je le sais mais je ne peux pas, je n'y arrive pas, je suis dans une bulle et je n'arrive pas la briser. Il me prend la main et me fait tourner et son autre main se pose au creux de mes reins. J'ouvre les yeux et l'interroge du regard. Il s'approche de mon oreille et y glisse :— Juste une danse, Maïa.
Son souffle a balayé mes dernières inhibitions et je partage cette danse avec lui comme je le ferais avec un partenaire de l'école. Enfin ça c'est ce que j'espère, seulement il danse bien, mieux que bien même, il bouge à la perfection et il m'entraîne dans les folies de cette danse. Lorsque la musique s'arrête je crois que je ne sais même plus comment je m'appelle. Je lui murmure un merci et rejoint la table d'un pas rapide. Il arrive quelques secondes après moi et de nouveau ce silence entre nous m'oppresse. Mais cette fois c'est Émy qui me sort de cette sensation désagréable.
— Les amis je vais m'envoyer en l'air chez cette charmante demoiselle, Marlon je te laisse raccompagner Maïa chez moi.
Elle m'assène le coup de grâce lorsqu'elle m embrasse et s'enfuit en sautillant. Il me demande si je veux rentrer maintenant et j'approuve d'un moment de tête. Je me lève et le suit. J'ai la tête qui tourne, je suis bourrée et saoulée de cette dernière danse ô combien érotique et sensuelle. Je suis chamboulée de l'intérieur, prise dans un tourbillon d'émotions que je n'avais pas ressenti depuis des années. Perdue dans mes pensées je ne l'avais même pas vu s'arrêter près du van noir à côté du quel nous nous sommes garés en arrivant. Un brusque fou rire me prend et quand il me regarde les yeux remplis d'étonnement je ne peux m'empêcher de lui lancer :
— Putain c'est à toi cette camionnette ? Ne me dis pas que tu as prévu d'organiser mon enlèvement ?
Je ne peux plus m'arrêter de rire quand il me lance très sérieusement :
— Ne le dis pas en rigolant.
Je m'arrête instantanément. Je monte et boucle ma ceinture sans un mot. Le trajet se fait dans le silence le plus total, c'est à la fois gênant et réconfortant. Quand il se gare dans la rue de chez Émy je suis soulagée. Il monte sans un mot, m'ouvre la porte grâce à son double de clé, m'invite à entrer et me souffle un bonne nuit Maïa en me claquant un bisou sonore sur la joue. Je n'ai pas le temps de réagir qu'il est déjà parti en refermant la porte. Il me faut quelques secondes pour me remettre en mouvement et rejoindre ma chambre. Ce n'est qu'une fois allongée dans mon lit que je regarde mon téléphone. Pas un sms de David. Tant pis on verra demain. Je m'endors rapidement sur les notes d'une samba endiablée.
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LA DANSE DE L'AMOUR
Romance" De l'amour de la danse à l'amour il n'y a qu'un pas". Jane Austen Jusqu'à aujourd'hui je n'avais pas compris ce que cette phrase voulait dire. Le grand Amour je l'avais déjà trouvé. Le grand Amour amical aussi. La passion vive pour la danse aussi...