Chapitre 8 : " Frustration verticale d'un désir horizontal "

2.2K 204 38
                                    

Quand je les rejoins à la table ils sont en grande discussion animée et je dirais même qu'ils semblent se disputer. Je prends tout mon temps pour aller jusqu'à eux. Quand ils m'aperçoivent ils se taisent instantanément.

— Maïa il faut qu'on parle de David.

Émy a le visage grave et je n'aime pas du tout ça. Je ne sais pas ce qu'elle va m'annoncer mais je sais d'avance que ça ne va pas me plaire. Alors j'ai deux options, soit elle me dit ce qu'elle a à me dire maintenant et cela risque de gâcher ma bonne humeur et la fin de mes vacances soit je préfère attendre demain. La jolie proie d'Émy s'approche d'elle et lui demande quand elles s'en vont. Ma meilleure amie va pour lui répondre mais je la coupe avant qu'elle n'ouvre la bouche.

— Émy va s'y - je m'approche d'elle - va sauter cette magnifique blonde et on en parle demain, Émy je passe une soirée magnifique je ne veux pas la gâcher maintenant.

Elle ne va pas lâcher l'affaire je la connais alors je l'implore du regard.

— Je t'en prie Emy.

Elle souffle bruyamment, se tourne vers Marlon et lui dit :

— Ramène-la s'il te plait et prend soin de ma meilleure amie.

Ils se jettent un regard entendu avant qu'elle ne me prenne dans ses bras.

— Je rentre demain matin, je t'aime ma sœur.

Je la regarde s'éloigne et demande à Marlon :

— On y va nous aussi ?

Il acquiesce de la tête et m'attrape par la main pour me guider à travers la foule vers la sortie. Sa main dans la mienne m'électrise, je suis encore en feu de cette danse et de ce baiser torride. Une fois dans son van, je me peux m'empêcher de m'inventer des tas de scénarios. Émy est partie avec mon téléphone et ça m'angoisse. David a dû m'envoyer un sms. Il veut rompre ? Ou alors il me demande en mariage parce qu'il s'est rendu compte qu'il ne peut pas vivre sans moi. Ou encore elle veut juste me dire qu'elle ne l'aime pas, qu'elle me trouve plus heureuse depuis que je suis de nouveau auprès d'elle. Et ce baiser ? Je lui ai dit que ça ne voulait rien dire mais quel mensonge ! Putain c'était juste exceptionnel ! Jamais je n'avais ressenti cela auparavant. Mon cerveau mouline à toute allure et c'est une main sur ma cuisse nue qui me ramène à la réalité.

- Ça va ?

- Oui.

Je me reconcentre sur le paysage qui défile et plus on avance plus je sens cette tension sexuelle entre nous. Je suis frustrée parce que j'ai aimé qu'il m'embrasse et j'en voulais plus. Beaucoup plus. Parce que dans ses bras, je me suis sentie désirée. Avec David c'est le désert sexuel depuis quelques mois et entre nous ça n'a jamais été non plus le feu d'artifice. Il a été mon premier et unique amant donc cela me convenait bien que parfois j'étais frustrée. David c'est un conventionnel, lit, lumière éteinte 3 fois par semaine le soir. Voilà. Pas de fantaisie. Pas de suspense. Une fois j'ai acheté des sous-vêtements très sexy et j'ai débarqué dans la chambre un mardi soir. Malheureuse !!! Je me suis faite renvoyée dans la salle de bain sous prétexte que j'étais vulgaire et qu'en plus il avait une réunion tôt le lendemain. J'ai envie de Marlon. Vraiment. Et j'ai bu, beaucoup trop pour me battre au nom de mes valeurs. Parce que pour la première fois de ma vie j'ai envie de vivre l'instant présent. J'ai envie de ne rien planifier, de ne rien calculer, d'agir comme ça sur une pulsion, une envie. Et plus cette litanie résonne dans ma tête et plus mon désir pour le sexy spécimen à mes côtés s'accroit. Il doit lui aussi sentir cette tension qui règne dans l'habitacle car ses mains serrent davantage le volant. J'ai de plus en plus des mal à détacher mes yeux de lui, de ses muscles qui se bandent quand il resserre ses mains sur le volant, sur sa mâchoire carrée qui se contracte de temps en temps, de sa poitrine qui se soulève au fur et à mesure que sa respiration s'intensifie. Le bruit du frein à main me ramène à la réalité. J'ai à peine défait ma ceinture de sécurité qu'il est déjà devant la porte de l'immeuble. Je le rejoins rapidement et lorsqu'il ouvre la porte pour me laisser passer nos corps se frôlent presque. C'est quasiment imperceptible pourtant ma respiration se coupe. Je suis en feu. Je m'engage dans la cage d'escalier et le savoir derrière moi n'arrange en rien mon problème. Lorsqu'il déverrouille la porte de chez mon amie j'ai à peine le temps de m'y engager que je me retrouve bloqué entre le mur et le corps d'apollon. Il hésite, il est perdu, je le vois. Il ne me lâche pas des yeux, il m'interroge du regard. Et pour la première fois de ma vie, je cède à une impulsion. Parce que de toute façon mon monde est en train de s'effondrer. Quoiqu'Emy va m'annoncer demain marquera un tournant. Je le sens. Mon couple piétine, il faut être réaliste et quand je vois ce que Marlon déclenche en moi, il est évident qu'il y a un problème entre David et moi. Parce que, jamais, je n'ai ressenti pareil désir pour lui. Et j'ai la curiosité d'une enfant. Je veux savoir pourquoi j'ai autant envie de Marlon. Je sens que ça doit être quelque chose d'extraordinaire. Quelque chose que je n'ai jamais connu. Et j'ai besoin de savoir. Je suis comme ça moi. « Tester avant d'acheter » ou « le meilleur moyen de résister à la tentation c'est d'y céder ». Ça me correspond tout à fait. Alors je lâche prise et je suis mon instinct. J'attrape sa nuque et l'approche de moi. Je me surprends à être entreprenante et j'aime ça. Je ne me sens pas jugée par le cubain. Nos lèvres ne sont plus qu'à quelques millimètres. Le regard taquin je lui dis :

La danse est la frustration verticale d'un désir horizontal *, le savais-tu Marlon ?

Devant son incompréhension je termine ma phrase en chuchotant :

— Alors montre-moi si tu es aussi bon en mouvements horizontaux que tu l'es en danse sur tes deux pieds.

Ses lèvres s'étirent le temps d'un instant de réflexion. Il en a envie au moins autant que moi. La bosse déformant son short en jean en témoigne. Pourtant, son hésitation ne colle pas à l'idée que je m'étais faite de lui. Je l'imaginais plutôt prenant tout sans réfléchir aux conséquences. Je suis tirée de mes pensées quand brusquement, il me jette sur son épaule en prenant la direction de ma chambre.

*Pierre Desproges

LA DANSE DE L'AMOUR Où les histoires vivent. Découvrez maintenant