Chapitre XVIII

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    Il se tenait là, devant eux, trônant majestueusement au centre de la vaste clairière. Bien qu'ils furent sous le choc, Keïth se demanda pourquoi aucun d'eux ne l'avait vu plus tôt. L'écorce dessinait d'étranges motifs qui partaient des racines jusqu'aux branches et le feuillage épais semblait donner cet éclat de couleur verte à toute la clairière, lui conférant ainsi son aspect presque surnaturel.


     Keïth se leva, comme hypnotisé, imité par Alma qui contemplait l'arbre avec admiration. Même les arbres plusieurs fois centenaires du jardin du palais n'était pas aussi immenses. Aucun n'inspirait le respect, aucun ne dégageait cette aura paisible et étrange à la fois. C'était comme si tous les événements récents avaient déserté leurs pensées. Sans pouvoir l'expliquer, Keïth se sentait fort mais faible à la fois, heureux mais un peu nostalgique. Il était serein, il était bien et ni ses blessures, ni son ami étendu à terre ne pouvaient lui enlever ce sentiment de plénitude.

 Comme attiré par une force invisible, il s'approcha doucement et, d'une main tremblante, effleura l'écorce irrégulière. Keïth sursauta, traversé par une décharge d'énergie. Cela ne lui avait pas fait mal, au contraire. Pendant un instant, c'était comme si toutes les forces de la terre s'étaient retrouvées en lui. Comme si le temps s'était arrêté, comme s'il pouvait percevoir chaque être, chaque chose. Mais cela avait cessé aussitôt qu'il avait rompu le contact. Traversé par tant d'émotions et d'énergies, Keïth ne s'aperçut pas que ses joues étaient mouillées de larmes. Il toucha machinalement ses joues.  Il ne s'expliquait pas cette réaction et fit quelques pas en arrière. 

 Mais l'atmosphère était emplie d'énergie, elle était là tout autour d'eux.

-Il est... magnifique, souffla Alma en rejoignant son ami et posant à son tour la main sur l'écorce.

Keïth tourna la tête vers elle. Elle avait parlé mais il avait aussi entendu quelqu'un d'autre.

C'était une voix qui avait parlé en eux. Elle n'était ni féminine ni masculine, mais plutôt les deux. Elle n'était qu'une et pourtant on y percevait plusieurs intonations différentes à la fois, comme si plusieurs personnes parlaient à l'unisson, ou comme si une seule personne parlait avec des milliers de voix.


- Rare sont ceux qui ont foulé l'herbe de cette clairière. Que faites vous ici ?

Alma et Keïth se regardèrent.

- On cherche la Source de magie. C'est... vous?

Seul le souffle d'une brise répondit à Alma. Aucune feuille ni aucune branche ne frémit.

- Et qu'avez vous trouvé pendant votre quête ?

- Eh bien... vous ? 

Alma et Keïth échangèrent un regard bref.

- Et pourquoi me cherchiez vous ?

- Je veux rentrer chez moi, dit Alma. Je veux retrouver mon père et ma vie d'avant, avant tout ça et avant Bankshi.

- Je voulais une autre vie, ajouta Keïth, encouragé par l'honnêteté d'Alma. Changer la condition des manariens ou même... ramener mes parents.

Il y eut un silence. Il dura quelques secondes qui parurent une éternité aux deux amis. Mais la voix repris alors que Keïth s'apprêtait à l'appeler.

- Venir jusqu'ici n'a pas été chose aisée. Aussi seuls ceux qui le méritent vraiment arrivent aussi loin que vous.

Keïth fronça les sourcils.


- Vous dites "ceux" mais personne n'est jamais revenu de Manaterra.

- Parce que repartir d'ici est une toute autre épreuve. Je vous accorde un souhait chacun. Choisissez bien.

- D'abord, le souhait de Markus, est-ce que...

- Non. Votre ami n'est plus en mesure d'exprimer sa volonté. Il n'a pas de souhait. Maintenant dites moi le vôtre. Choisissez bien.


Les épaules d'Alma s'affaissèrent de découragement. Elle regarda la broche de sa mère, dernier vestige de sa vie et de son rang d'autre fois, puis regarda Markus avant de relever les yeux vers Keïth d'un air désolé.

- Ramenez Markus, s 'il vous plaît.

Elle n'eut pour réponse que le silence.

- Hey, appela t-elle. Vous acceptez ?

- Keïth ? demanda la voix, ignorant la question.

- J'aimerais que les m...non. Je veux que vous redonniez à Alma sa vie d'avant.

Il eut à peine le temps de terminer sa phrase que la lumière s'intensifia. En quelques instants, tout devint blanc.

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