En ce jour ensoleillé, la capitale de Higaterra semblait s'être levée d'humeur plutôt impatiente. Le fourmillement habituel plus actif, plus rapide, laissait présager un évènement prochain. Dans les cuisines du palais, Keïth était déjà debout depuis plusieurs heures et la journée s'annonçait interminable et rude. Aujourd'hui, le Roi recevait le Gouverneur des Îles de l'Est et sa venue était attendue pour dans une ou deux heures, tout au plus. Aussi, depuis l'aube, Keïth n'avait pas eu un moment à lui en cuisine. Il vidait des poissons, plumait des volailles et épluchait des légumes. Les banquets du Roi étaient réputés pour la finesse des mets qu'on y servait mais aussi pour leur abondance. Le personnel du palais n'aimait donc pas vraiment les jours de banquets, de cérémonies officielles ou de fêtes car cela les épuisait.
Keïth était sur le point d'éplucher une énième pomme de terre lorsque des doigts fins la lui retirèrent des mains. La jeune femme lui sourit.
- J'ai prit de l'avance, je vais t'aider. Tu devrais aller voir Vénéa mais ne traîne pas trop s'il te plaît, nous avons encore du pain sur la planche.
Keïth se contenta de sourire et se leva. Pas besoin de remerciements à n'en plus finir, ceux qui travaillaient au palais se comprenaient, ils vivaient le même quotidien et se connaissaient tous ou presque. Il lui rendrait service à son tour un autre jour, elle le savait, l'entraide était courante parmi les Manariens, même nécessaire.
La chaleur lui fit du bien. La douce caresse du soleil sur son visage n'avait rien à voir avec les fumées et la chaleur des fourneaux. Les yeux fermés et le visage levé vers le ciel, Keïth prit le temps d'essuyer la sueur qui perlait de son front et se mit en route vers le marché, d'un pas assez rapide. Vénéa était sûrement réveillée depuis peu mais malgré son grand âge, elle travaillait toujours au château et c'était son devoir de s'assurer qu'elle se nourrissait correctement.
Keïth était orphelin, chose courante chez les Manariens. Lorsqu'il n'avait que cinq ans, son, père était tombé gravement malade mais comme sa famille était Manarienne, il succomba. Il y avait deux classes de gens sur Higaterra : les Manariens et les Higariens. Les Higariens vivaient sur le continent d'Higaterra depuis toujours, les Manariens, eux, vivaient à l'origine sur le continent de Manaterra, à l'ouest. Mais le Grand Cataclysme les avait forcés à s'enfuir et le peu de survivants n'avaient que Higaterra pour se réfugier. Les Higariens les accueillirent mais sous certaines conditions. Depuis, les Manariens étaient au fil du temps devenus la classe des pauvres et de ceux qui travaillaient pour les Higariens, les riches qui prospéraient.
Les Manariens n'étaient pas en mesure de payer les guérisseurs, notamment parce qu'ils travaillaient pour rembourser la Dette de leurs ancêtres, dette qui augmentait de génération en génération. Les parents de Keïth avaient donc demandé de l'aide au seigneur Higarien qu'ils servaient, qui n'avait accepté de leur avancer qu'une somme modique. Mais le père de Keïth mourut quand même sa mère se tua en travaillant pour rembourser les quelques pièces qu'il avait daigné leur accorder. Ainsi, à l'âge de onze ans et il ne lui restait d'eux qu'un portrait au fusain et la chaîne en or de sa mère, ainsi que ses souvenirs qui parfois, commençaient à devenir flous. Quand sa mère mourut à son tour, le seigneur envoya Keïth pour travailler au palais où Vénéa, qui était chargée de veiller sur lui et de le faire travailler quand viendrait l'âge, le recueillit. Elle était la doyenne, tout le personnel du palais la connaissait et la respectait. Aujourd'hui, Keïth avait dix-neuf ans et c'était à lui de prendre soin de Vénéa alors qu'elle vieillissait.
Il flâna un peu entre les étales, pas trop longtemps car le temps pressait, mais juste assez pour pouvoir admirer les couleurs, sentir les bonnes odeurs et écouter les rires des marchands. Il aimait se promener au marché et rêver qu'il goûtait toutes ces choses qu'il ne pouvait payer. Il prit un morceau de viande séchée pour Vénéa et fila vers les quartiers Manariens. La vieille femme était déjà réveillée et tentait tant bien que mal de ne pas laisser la chaleur étouffante rentrer dans la petite bicoque. Les quartiers Manariens étaient souvent très peuplés, étroits et étriqués ce qui rendait la chaleur plus pesante en été. Quand le soleil était à son zénith, leurs tâches n'en devenaient que plus pénibles. Vénéa avait masqué les ouvertures qui servaient de fenêtres avec des linges humides, aussi la petite baraque était plus sombre qu'à l'habitué. Les deux chiens, des bâtards, sautèrent sur Keïth comme à leur habitude, réclamant des caresses mais aussi quelque chose à se mettre sous la dent. Sans être affamés, ils étaient un peu maigres, quoique robustes.

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La Source Perdue
Fantasía(Merci de lire l'avant propos!) Alma 17 ans, Keïth 19 ans. Elle Higarienne, lui Manarien. Tout les oppose, ils ne se supportent même pas et pourtant, chacun pour des raisons différentes, ils vont se retrouver dans la même quête, à la recherche de la...