4. Er

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Je devais m'imposer en tant que chef dès le repas, mon intuition me disait que le nouveau allait mettre mon statut en danger. Depuis que j'étais petite, j'avais toujours naturellement été la chef. Je me rappelais encore de la première fois où j'étais devenue chef, il s'agissait alors d'une bande dans mon quartier. C'était deux ans auparavant, durant un hiver trop rude, notre famille n'avait alors malheureusement plus rien à se mettre sous la dent, cela faisait deux jours que nous n'avions rien mangé, pas même un rat mort ou un morceau de pain gelé. La dernière solution qu'il me restait alors pour nourrir ma famille était de voler et les seules personnes de mon quartier qui avaient de la nourriture en abondance était une bande dont le racket et le commerce avec la police était le train de vie quotidien. La police qui fermait gentiment les yeux sur leurs affaires tant qu'elle recevait sa part du gâteau. Bien sûr notre bien aimé HOPE était au courant de tout ça mais il n'y faisait rien. Au bout de 30 minutes de marche dans la neige et la nuit noire -j'avais choisi la nuit car les lampadaires ne marchaient plus depuis HOPE, j'étais arrivée en vue de l'entrepôt. J'étais entrée dans le bâtiment par un trou dans la clôture. Une barre de métal rouillé à la main, plus pour me rassurer moi-même que pour m'en servir, je laissai mes yeux bleu gris s'habituer aux lumières de l'entrepôt. Cinq minutes plus tard, je m'étais dit que mes yeux s'étaient assez habitués à la luminosité du lieu que je devais dévaliser pour survivre un hiver de plus. Je me trouvais derrière un des containers qui se trouvaient dans la salle. Cette vue m'avait surpris car je n'en avais plus revu depuis HOPE. J'analysai la pièce qui était pleine de choses que je n'avais plus vues depuis longtemps. Des tours de containers  pleins de richesses à en faire baver neuf dixièmes de la population de Believer, là-bas des smartphones, ici des ordinateurs, de l'autre côté des télés et surtout, le plus important, des tonnes de nourriture étaient entassées dans une salle à part. Seulement une chose obstruait le chemin entre moi et le pêché de gourmandise, des soldats faisaient la ronde dans la pièce, cela ne m'aurait point dérangée s'il n'y avait eu deux brutes épaisses dont l'on pouvait d'où je me trouvais admirer les détails dans leurs musculatures telles des collines qui sillonnaient un paysage de campagne. Tous les soldats étaient équipés d'une matraque et d'un fusil. D'habitude je serais rentrée dans le tas sans me poser de question. Mais vu l'état dans lequel je me trouvais grâce à mon amie famine -j'avais vu mes muscles fondre telle neige au soleil, je ne pouvais malheureusement appliquer ma technique habituelle. J'avais réfléchi et j'en avais conclu que la meilleure chose à faire était de fouiller les containers  en espérant y trouver une arme digne de ce nom. J'avais fouillé tous les containers  à part un, mais le soleil caressant de ses rayons mes cheveux de la même couleur me prévient qu'il était l'heure où j'étais censée aller travailler, lorsque je me trouvais devant le dernier container. Le soleil était venu caresser mes cheveux d'or, comme un rappel qu'il était l'heure d'aller travailler. J'ai dû alors choisir entre rentrer pour aller travailler ou prier pour que la solution à mon problème se trouve dans le dernier container. Une voix chantante avait brisé tous mes doutes en me soufflant ceci: "Si le travail ne te tue pas, famine s'en chargera". J'avais obéi tout en me demandant si ce n'était pas mon estomac qui m'avait soufflé ces mots. J'étais entrée dans le container tout en me disant que j'étais devenue folle, mon estomac avait grogné à ce moment comme pour confirmer mes pensées. Mais au fur et à mesure que j'approchais du fameux container j'avais sentis une présence et je sus que ce container était "le bon". Je ne savais pas ce que cela voulait dire mais je savais que j'allais bientôt avoir des réponses à mes questions. J'avais ouvert la porte du container et elle avait été la première à ne pas grincer, j'avais vu cela comme un signe. La pénombre du container m'avait engloutie au moment où j'avais pénétré dans le ventre de la bête. Je m'étais avancée en raclant le sol de mes pieds pour ne pas trébucher, l'espace et le temps m'avait semblé figés à mesure que je m'étais approchée, le seul bruit qui atteignait encore mes tympans était le bruit de vieilles godasses raclant un sol tapissé de poussière. Une fois que mes yeux s'étaient habitués au noir charbon, je vis que des caisses étaient empilées à l'intérieur, et que les caisses en question portaient toutes un caducée. Je m'étais dit qu'il y avait sans doute quelque chose d'intéressant dans les caisses et qu'il fallait que je les ouvre. Je n'avais pas été surprise, quand j'avais trouvé des seringues dans la premiere caisse ouverte. Les seringues étaient marquées d'une couronne de lierre sous laquelle était inscrite en latin : "Patentia fixi deos". Le seul mot que j'avais compris à ce charabia était "deos" qui devait certainement vouloir dire dieux, ce qui m'avait paru bizarre pour un nom de "médicament", je m'était rendu compte que je tenais là une arme.

Une fois que j'avais trouvé cette clé pour la survie, je n'avait plus qu'à trouver le bon trou où l'insérer. Je m'étais jetée d'un coup derrière la caisse ouverte, surprise par un bruit de bottes raclant le sol derrière moi. De derrière ma protection, j'avait aperçu un homme qui s'avançait tel un bulldozer dans le container. Il m'avait entendu toucher le sol. Je sus qu'il ne m'avait pas vue à ses yeux incrustés telles deux balles de golfes dans ses orbites, ses deux balles avaient scruté la salle telles deux cameras rayon x.                                                                                                                                     

-"Je sais que tu es là et le container n'est pas très grand, je ne tarderai pas à te trouver."Sa voix avait grondé telle un orage qui n'avait osé éclater. J'avais été surprise par ce qui avait été sa bouche, une fente qui traversait sa mâchoire de part en part et quand il ouvert cette chose bizarre qui lui servait de bouche, on pouvait voir des rangées de dents brillantes et pointues, deux trous de chaque côté de la tête lui servaient d'oreille, il ressemblait plus à un requin qu'à un humain. Un frisson me parcourut alors que je pensais aux images de blessés attaqués par la bande -morsures, morceaux de chair arrachés-  j'avais fait le lien et mon imagination termina le travail. 

-"Épargne-nous de précieuses minutes de nos deux vies et sors de ta cachette les mains sur la tête en tenant le bout de métal qui te sert d'arme, Er." Il prononça mon nom en roulant le "RRRR", ce qui me fit frissonner à nouveau. Comment avait-il su comment je m'appelais, ce que j'avais comme arme, je ne le savais pas, mais j'avais remarqué qu'il ne savait pas tout: je tenais toujours la seringue dans la main droite. Ignorant ma nausée, j'avais échafaudé un plan dans ma tête.

Je m'étais levée la tête haute. Je ne pensais alors plus tant mon esprit était concentré sur un seul objectif. 

-"Je suis ici, le poisson!" Avais-je dit en plongeant mon regard dans le sien, repoussant mon estomac protestant et mon envie de vomir. Je lui avais montré la seringue que je tenais en main et à toute vitesse, ne lui laissant pas le temps de réagir, je m'étais injecté la seringue entière dans le bras.   

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