Swan regarda Blake Westlander disparaitre dans la pente. Une averse se mit à tomber.- Je propose que nous allions tous nous coucher, fit Boursemolle.
- Pas pour moi, répondit Gauderic. J'ai d'autres affaires à régler.
L'homme regardait une servante derrière ses longues mèches brunes. Il s'éclipsa quand elle passa la porte du personnel, les abandonnant dans la cour.
- Je vous raccompagne à l'intérieur, Mademoiselle ? fit Boursemolle en lui adressant son éternel regard endormi.
- Avec plaisir, répondit-elle.
L'homme acquiesça, et tous deux rentrèrent s'abriter au château. Lorsqu'ils pénétrèrent dans la pénombre de l'entrée, le chevalier s'inclina, prêt à s'éclipser, mais la sorcière l'en empêcha:
- Comment vous prénommez-vous ? demanda-t'elle.
Non seulement elle n'avait pas envie de le nommer « Boursemolle », mais en plus elle voulait à tout prix éviter de croiser le chemin de Katherine qui allait sans doute lui faire des remontrances pour avoir quitté la table sans permission.
- Gabin, Mademoiselle. Je conçois que « Boursemolle » ne soit guère satisfaisant.
Swan ne put s'empêcher de sourire. Effectivement, le prénom dont l'affublait Gauderic ne la ravissait pas.
Elle s'apprêtait à lui donner raison, lorsqu'elle entendit la voix de Katherine raisonner dans le couloir.- Pourriez-vous m'indiquer mes appartements ? demanda-t'elle avec hâte.
La requête était étrange. Swan n'était chaperonnée de personne, et un homme ne pouvait escorter une demoiselle sans que cela ne paraisse déplacé.
Malgré ses airs indifférents, Gabin devait penser la même chose car il fronça les sourcils, interloqué.
En vérité, Swan souhaitait simplement rentrer dans une pièce « à elle » où personne ne viendrait la déranger, en particulier Katherine dont elle entendait les pas se rapprocher.- Par ici, fit soudain Gabin.
Il emprunta des escaliers, et Swan le suivit sans concession. Il fallut trois étages pour arriver au pallier correspondant: un couloir avec une porte à chaque coin.
Essoufflée, la jeune femme se pencha par la balustrade et observa le rez-de-chaussée. Soudain, un violent courant d'air lui arracha un frisson. Elle se redressa vivement et regarda sur sa gauche. Au fond du couloir, Gabin avait ouvert une porte sur ce qui semblait être un chemin de guet.- Les appartements des dames se trouvent ici, fit il en lui désignant le chemin. Ceux des hommes sont à l'opposé.
Swan plissa les yeux, surprise de la teneur du vent. Passant la porte, elle s'aperçut qu'il ne s'agissait pas d'un tour de guet, mais d'un couloir avec de grandes alcôves en guise de fenêtres. Il n'y avait aucun artifice permettant de stopper les courants d'air. Sur sa droite, des portes fermées se suivaient en rang.
- S'agit-il des chambres ? demanda-t'elle.
Gabin acquiesça.
Ignorant les appartements, la sorcière préféra s'approcher des alcôves avec précaution. Quand elle s'appuya au muret de pierre, seule barrière entre le couloir et le vide, elle fut prise d'un vertige: jamais elle n'avait été aussi en hauteur. Il fallait dire que, pendant le moment qui l'avait séparée de l'extérieur, la jeune femme avait oublié que la forteresse était encastrée à un pic, et non bêtement posée sur le plateau des vaches. La cour n'était à l'abri du vent qu'à cause des murs du château.
Swan agrippa ses mains de chaque coté de l'alcôve et regarda le sol. En contre bas, une steppe humide jonchée de ruisseaux s'étendait sur plusieurs centaines de mètres avant d'être brusquement interrompue par un épais brouillard. Jamais elle n'avait vu d'horizon aussi opaque.
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Maleficarum I La main du Diable (terminée)
FantasyEn raison de ses liens avec l'Obscur, Swan se voit être la bête noire du village. Accusée des pires atrocités et menacée par l'Inquisition, elle vit reclue dans la ferme de ses parents quand ceux-ci decident de la vendre à une riche famille seigneur...