Chapitre 25: Veux-tu vivre délicieusement ?

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Le corbeau se posa à la fenêtre. Il claqua son bec contre les barreaux, et aperçut une ombre bouger au fond de la cellule.

Assise sur le sol, la tête penchée en avant, Swan Turner grattait la pierre à l'aide d'un clou qu'elle avait trouvé au coin d'un mur. Son dos était courbé et ses genoux serrés contre elle, à croire qu'elle était transie malgré les nuits chaudes de Fontanelle.

Il ne fait pas froid, mais tu trembles, fit remarquer l'animal.

Elle haussa les épaules.

- Si c'est pour me faire remarquer ce que je sais déjà, tu peux t'en aller.

La jeune femme resserra sa cape contre elle. Le visage résolument tourné vers ses pieds, elle tentait de se cacher du volatile, en vain: attentifs, les petits yeux noirs de l'animal avait déjà repéré ses joues baignées de larmes.

Pourquoi pleures-tu, Swan Turner ? demanda-t'il.

Le silence lui répondit. Dans la pénombre, la jeune sorcière ratura le dessin qu'elle venait d'effectuer et essuya ses yeux d'un revers de manche. Sa main était fébrile et son profil étrangement livide. Seuls les contours de ses yeux indiquaient qu'elle n'était pas mourante. Rougis et marqués de cernes, ils semblaient avoir toute la peine du monde à rester encore ouverts.

-Tes cheveux sont blancs, fit l'animal.

Cette fois, la sorcière le regarda à travers ses cils, dévoilant des traits tirés. En une nuit, elle avait prit trente ans.

- Je te le répète: si c'est pour me faire remarquer ce que je sais déjà, tu peux t'en aller.

Le corbeau cligna des yeux sans bouger. Les sorcières avaient le don de changer leur apparence en fonction de leurs humeurs. Swan n'y faisait pas exception. Son corps de seize printemps en faisait actuellement quarante. Il n'y avait que dans ses yeux que l'on distinguait la fougue de la jeunesse, et les désillusions allant avec.

Veux-tu que je m'en aille ? demanda le corbeau.
- Chaque fois que je t'ai chassé, tu es revenu, répondit l'autre.
Je m'inquiète.

La sorcière eut un rire amer.

- Attention corbeau, je vais finir par croire que tu te perds.

L'oiseau secoua brièvement les ailes.

Nous sommes de la même famille. Je me préoccupe des miens.
Nous n'avons rien en commun, trancha Swan. Tu n'es qu'un stupide animal, je suis une fille.

Le corbeau montra son mécontentement d'un claquement de bec.

Allons, Swan Turner... Nous n'allons pas encore discuter des liens qui nous unissent, toi et moi...

La sorcière serra les dents, mais ne lui fit pas le plaisir de répondre. Déçu par sa résignation, le corbeau décida de s'attaquer à un autre sujet.

Où est ton cher époux ? demanda-t'il.

La jeune femme suspendit son geste.

- Je ne sais pas, murmura-t-elle.

Elle laissa quelques secondes de silence, comme si elle réfléchissait à plusieurs éventualités, puis reprit son ouvrage.

Le corbeau leva la tête vers le ciel. La lune s'abaissait, indiquant que la nuit s'achevait. Il n'avait pas beaucoup de temps.

Que comptes-tu faire, Swan Turner ? demanda l'animal.

Swan fronça les sourcils, puis mordit sa lèvre.

Maleficarum I La main du Diable (terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant