Maleficarum I La main du Diable (terminée)

Chapitre 28: Que le meilleur gagne

Dernier chapitre

Il ouvrit les yeux. Dehors, l'obscurité régnait, et les animaux nocturnes remplaçaient le chant des oiseaux. Il observa le plafond de sa cellule, puis tendit l'oreille. Quelque chose venait de l'éveiller. C'était froid et désagréable, comme un mauvais courant d'air. Quelqu'un se trouvait ici, avec lui. Il sentait sa présence.
Les yeux toujours braqués sur le plafond, il évalua la situation, puis tourna la tête. Il tomba nez à nez avec elle. La sorcière était couchée à ses côtés, le regardant de ses grands yeux foncés.
Son corps entier se tendit.

- J'ai cru que jamais tu n'allais me remarquer, annonça Swan.

L'homme ne répondit pas. Couché sur le dos, il se contenta de la détailler avec distance et impassibilité.
En bon Exécuteur, il s'était douté qu'elle viendrait tôt ou tard le visiter durant son sommeil. Il n'avait simplement pas envisagé que ce serait lors de sa dernière nuit en cellule: dès demain, il prenait la route pour la retrouver.

- Ne me regarde pas comme ça, fit-elle avec calme. J'ai l'impression d'être un monstre.

Blake ne lui fit pas le plaisir de réagir à son humour macabre.

- Hors de ma vue, se contenta-t-il simplement de répondre.

Le visage de Swan se ferma.

- Je souhaite juste te parler.
- Je n'en ai aucune envie.

La sorcière sembla accuser le coup. Elle fronça les sourcils et roula sur son épaule pour se rapprocher de lui, ses longs cheveux blonds glissant dans son décolleté.

- Je ne viens pas ici pour te tourmenter, expliqua-t-elle.

Blake haussa un sourcil dédaigneux et elle sembla se satisfaire de cette réaction, comme si cela était l'objet d'un premier pas vers une discussion. Encouragée par ce geste minuscule, elle se positionna plus confortablement à côté de lui, puis approcha son visage du sien. Il reconnut instantanément son parfum, et sourcilla. Rêvait-il vraiment ? "Oui" songea-t-il. Il ne pouvait pas se faire avoir. Swan était à des milles de sa cellule, entrain de s'infiltrer dans son esprit endormi.

- Tu arrives à me faire sentir ton parfum ? questionna-t-il, méfiant.

Elle acquiesça tout en souriant légèrement.

- Je suis contente que tu aies remarqué. Cette illusion me demande une concentration particulière, mais ta mémoire est claire et limpide.

Blake comprenait ce qu'elle voulait dire. Les sorcières qui s'infiltraient dans les rêves pratiquaient une illusion complexe. Elles ne faisaient pas en sorte de se téléporter dans les songes de leurs victimes, mais simplement de les manipuler à distance. Pour cela, elles devaient s'emparer de leur mémoire et intercepter leurs souvenirs pour obtenir l'illusion parfaite.
Autrement dit, la Swan qu'il voyait là n'était que le résultat d'une image qu'il avait gardé dans sa mémoire. Son parfum, sa peau, sa voix (toutes ces choses qu'il distinguait) n'étaient que des souvenirs que la sorcière manipulait en ce moment même afin de donner l'impression du réel.
Cela signifiait deux choses: premièrement, la jeune femme demeurerait bloquée aux frontières de sa mémoire. Elle ne pouvait créer quelque chose dont il n'avait pas le souvenir. Deuxièmement, elle était douée. Détourner une image à partir de souvenirs était un jeu d'enfant. Arriver à reproduire un parfum... C'était une autre paire de manche. Cette technique nécessitait beaucoup plus d'expérience. La jeune femme avait donc quelques prédispositions.

- Je ne suis pas si douée que tu le crois, fit-elle.

Il reporta son attention sur l'intéressée. Elle le regardait avec intensité. "Pas mal pour une copie" songea-t-il.