L'abbé Francis était occupé à descendre l'estrade des jurés quand il repéra Lady Meredith et un membre de sa garde s'éclipser de la salle de procès.
Qu'allait devenir cette femme et sa fille ? C'était une bonne question. Il fit la moue, songeant à plusieurs hypothèses, puis se tourna en entendant des pas derrière lui.- Abbé Francis, fit soudain une voix.
Il s'agissait de l'abbé Gerardus. L'homme était grand et mince, avait les cheveux bouclés, un nez aquilin et de grands yeux verts qui faisaient penser à ceux d'un rapace. Sa peau était légèrement mate, signe qu'il travaillait certainement la terre de son monastère, et ses joues creuses, sans doute le résultat de jeûnes fréquents, bien que son corps semblât assez athlétique.
"Bel homme, mais quelle aura sinistre" songea l'abbé tout en adressant un sourire au nouveau venu.- Oui, Monsieur l'Abbé ? demanda-t-il d'une voix posée.
Il ne le connaissait que depuis le procès, mais avait déjà entendu parlé de lui. De ce qu'il savait, l'homme portait un cilice, et avait une conception extrêmement stricte de la foi qui le poussait souvent au jeûne et aux punitions corporelles.
L'abbé Francis était à l'opposé de cette conception. Et de fait, l'interprétation qu'il faisait des écritures saintes étaient nettement moins rudes, ce qui le faisait souvent passer pour laxiste.- J'ai quelque chose à vous demander, fit Gerardus.
- Je vous écoute, mon cher ami.Le religieux s'approcha de lui, comme s'il cherchait à faire une confidence.
- Je voulais savoir si vous connaissiez Blake Westlander, fit-il.
L'abbé plongea ses mains dans les manches de sa coule. Il s'était attendu à une telle question.
- Pas personnellement, répondit-il. Mais je reconnais que nos chemins se sont croisés à plusieurs reprises.
- Je vois, répondit Gerardus.
- Pourquoi cette question ?L'intéressé esquissa un sourire.
- J'ai remarqué votre acharnement à vouloir sortir l'Exécuteur de ce mauvais pas. Je m'interrogeais sur la nature de vos relations.
Ce fut à l'abbé Francis de lui rendre son sourire.
- Ne vous fourvoyez pas, Abbé Gerardus. Blake Westlander et moi ne nous connaissons que professionnellement parlant. Mon monastère se situe dans une zone particulièrement appréciée des créatures de l'Obscur. Ses hommes et lui viennent régulièrement régler des incidents se produisant dans les alentours.
Il marqua une pause, puis fronça les sourcils:
- Dites-moi, Abbé Gerardus. Seriez-vous entrain d'insinuer que mon jugement dans cette affaire eusse été biaisée par une quelconque entente entre moi et l'Exécuteur ?
Gerardus soupira.
- Loin de moi cette idée. J'essayais juste de comprendre.
- Je vois, répondit l'abbé Francis. Néanmoins, ce serait mentir que de dire que mon intervention n'eusse été totalement dépourvue d'intérêt.Les yeux de Gerardus s'animèrent.
- Vraiment ? demanda-t-il.
- Mmh, acquiesça l'autre. Fort heureusement pour vous, votre monastère ne connaît pas les tourments du mien. Il est à l'abri de créatures répugnantes. Ce n'est malheureusement pas mon cas. Dans ces circonstances, il n'était donc pas dans mon intérêt, ni celles de mes religieux, de voir l'Exécuteur partir en fumée sans avoir la preuve formelle qu'il était au courant de la nature de son épouse. S'il y avait un doute, je me devais d'intervenir. Non seulement pour la protection des habitants des terres du monastère, mais aussi par principe de justice: on ne peut condamner quelqu'un dans le doute.
VOUS LISEZ
Maleficarum I La main du Diable (terminée)
FantasyEn raison de ses liens avec l'Obscur, Swan se voit être la bête noire du village. Accusée des pires atrocités et menacée par l'Inquisition, elle vit reclue dans la ferme de ses parents quand ceux-ci decident de la vendre à une riche famille seigneur...