Le lien féerique - 1 -

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Des étoiles enflammées tombent du firmament en traînant derrière elles des panaches de fumée.

Le pas des géants fait trembler la terre et l'horizon. Les arbres s'effondrent sur leur passage.

Accrochés aux collines, des milliers d'étendards claquent au vent de la destruction. Sur le bronze des cimiers brillent autant d'éclats brûlants. Tant de pointes et de lames rutilantes brandies dans la nuit qu'elle s'en confond avec le jour.

Depuis le plus haut sommet, Ruz respire la cendre et le feu, la peur et la folie. À son côté, une entité coiffée d'une ramure d'andouillers observe la scène, impassible. Au son des cors et des tambours de guerre, mille lucioles zèbrent le ciel en sifflant. Mille chants de terreur.

Un rocher rebondit contre le flanc de la colline, roule en projetant un nuage de terre et de cailloux. Ruz sent l'onde jusque dans ses jambes. La poussière l'enveloppe. La silhouette démesurée d'un géant s'élève au-dessus de lui, un arbre déraciné dans une main, le regard fou de rage, les yeux injectés de foudre. Quand il pousse son hurlement de guerre, insensible aux dizaines de traits qui se fichent dans son armure, l'horizon bascule.


Ruz revint à lui dans la pénombre du dolmen. Dehors, le coassement des grenouilles disputait la nuit au hululement d'une chouette. Un calme surprenant. Son esprit était encore empli du tumulte de son rêve.

Dans un angle de la pièce, des braises mourantes diffusaient un halo ténu. La silhouette du druide se découpait dans les faibles rougeoiements de l'âtre. Ses prunelles brillaient.

— Tu ne dors pas ? demanda Ruz.

— Pas à côté d'un loup-garou qui fait des cauchemars.

Ruz étira ses membres engourdis.

— Ce ne sont pas des cauchemars. Ça ressemble plus à des voyages. Mon corps n'est plus un obstacle. Alors, je me déplace vite, loin.

— Et où vas-tu ?

— Parfois, ce sont des lieux que je connais. Parfois non.

— Et ça t'arrive souvent ?

— Non. Ça ne m'était jamais arrivé en dehors de l'Arbre-songe. C'est toujours très perturbant. Parfois, je rencontre une fée. Elle me chante une chanson dont je ne comprends pas le sens. Elle me dit que j'ai répondu à son appel. Elle parle par énigmes.

Myrdhin l'observait avec attention.

— Mais peut-être que ce ne sont que des rêves... enchaîna l'androloup, soudain inquiet du sérieux avec lequel son ami accueillait son histoire.

— Non. Tu as bien défini ces visions : ce sont des voyages. Te souviens-tu d'un lieu précis ?

Ruz réfléchit. Il se souvenait de tout, mais ne savait que répondre. Décrire la colline aux géants ? Parler de la cité au bord de la falaise ?

— Lors de mon tout premier voyage, j'ai survolé les Montagnes Noires. La fée m'appelait depuis le bosquet sacré.

— Elle n'a jamais dit son nom ?

Ruz secoua la tête.

— Est-ce qu'elle aurait un rapport avec ma transformation ?

Myrdhin étendit ses jambes et s'adossa à la paroi.

Le Tombeau des Géants - 2 - La Cour des PoussièresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant