Le Tombeau des Géants - 2 - La Cour des Poussières

L'appel de la montagne - 3 -

Korem la dévisagea avec défiance.

— Elle nous a vus. Elle a assisté à vos métamorphoses. Désormais, elle sait... dit-il.

La plus âgée des deux femmes avança.

— Vous ne voyez pas que vous la terrorisez. Avons-nous oublié nos principes ?

Elle fit quelques pas en direction de la changeline. Sa nudité la nimbait d'un halo surnaturel.

— Je suis Aenor. Personne ici ne te fera de mal. Nous ne sommes pas des monstres.

Dérycée avala sa salive.

— Je m'appelle Dérycée... et Ruz était mon ami.

Korem exulta.

— Je vous l'avais dit ! Personne n'a voulu m'écouter ! Un an ! Un an à supporter ce traître qui côtoyait les hommes à notre insu !

— Silence ! cria la plus jeune des trois androloups.

Elle s'avança aux côtés d'Aenor.

— Bonjour, Dérycée. On m'appelle Gaurwelle.

— Cette humaine est complice ! cria Korem, au comble de l'excitation. Elle a perverti Ruz !

Le plus vieux claqua de la langue, agacé.

— Korem, tu outrepasses les limites. Gaurwelle t'a enjoint le silence. Ne nous oblige pas à nous faire respecter par la force !

— La force ? Quelle force, vieux Houarf ?

L'insinuation fit tiquer l'aîné des androloups.

— Korem, je ne te reconnais plus. Ton comportement et tes agissements éveillent en moi de nombreuses questions.

Il se tourna vers la meute. Les loups attendaient en silence, attentifs à tout ce qui se produisait.

— Garel, Irayz, emmenez Korem à Fendhel et ne lui permettez pas d'en sortir avant notre retour.

Deux loups sortirent du rang et se placèrent lentement aux côtés de Korem, assis, oreilles basses. Houarf fronça les sourcils.

— Eh bien ?

— Tu ne comprends pas, vieux Houarf ? jubila Korem. Je ne souhaitais pas en arriver là, du moins, pas aussi vite. J'espérais que vous me laisseriez le temps de vous expliquer, de vous convaincre...

— Qu'est-ce que tu racontes ? Tu perds la raison ? s'indigna Aenor.

La main de Gaurwelle se posa sur le bras de la doyenne. Elle lui glissa un message à l'oreille.

— Partir ? Mais pourquoi ?

Korem fixa la jeune androlouve. Dérycée crut y déceler une pointe de concupiscence. Sans le vouloir, par sa seule présence, elle venait de déclencher des événements dont l'issue lui paraissait imprévisible. Au milieu du calme apparent de la lande, dans cette plaine baignée de lune, une tension sinistre s'était installée.

— Gaurwelle a compris, au moins, reprit Korem.

— Compris quoi ? s'emporta le vieux Houarf.

— Compris que je ne retournerai pas à Fendhel, pas comme un prisonnier, mais comme seul et unique alpha de la meute.

Il se tourna vers l'assemblée des androloups.

— Voyez à quoi nous ont réduit les choix du Conseil ! Nous n'avons plus de Veilleur. Ogmios nous a abandonnés. Des rebelles tels que Ruz se sont acoquinés avec des humains pour nous refuser le droit de vivre sur cette terre. Bientôt, les hommes nous chasseront comme de vulgaires nuisibles.