Le lendemain, Greg, comme tous les jours, se rendit au cimetière. Il venait se recueillir devant la tombe d'Alyzabeth. Il lui parlait même. Il se disait que si quelqu'un le voyait parler à une tombe, on le prendrait pour un fou, mais il s'en fichait. Il savait qu'elle l'entendait. Ce jour-là, il pleuvait. Il se tenait donc sous un parapluie, face à la tombe de celle qu'il aimait.
- Aly... J'aimerais tellement que tu sois là...
Elle lui manquait énormément. Alors que ses pensées dérivaient, il se mit à penser à la dispute que ses deux amis avaient eu la veille. Ils auraient été près à se battre. Si Alyzabeth avait encore été là, elle aurait sûrement trouvé la bonne idée pour les réconcilier. Elle avait toujours de bonnes idées... À part la dernière qu'elle avait eu... Une dame d'un certain âge s'arrêta à côté de Greg, face à la tombe voisine. Le jeune homme n'y fit pas attention. Il souffla:
- Si seulement tu étais là, pour trouver un moyen de les réconcilier...
Comme une réponse à sa remarque, un brise souffla dans l'allée du cimetière, caressant le visage du jeune homme. Il dût tenir fermement son parapluie pour que celui-ci ne s'envole pas. Mais la femme, à côté de lui, eut moins de chance et son parapluie se retourna. Elle maugréa une plainte, qui fit se tourner Greg vers elle. Il s'avança et se plaça tel que lui ainsi que la femme pouvaient être à l'abri sous son parapluie.
- Merci, jeune homme, sourit la femme d'une voix tremblante.
- Je vous en prie, c'est tout à fait normal.
Après un léger silence, la femme expliqua:
- Mon mari est enterré ici.
Greg la regarda. Elle avait l'air d'une de ses vieilles femmes qui vivent seule et à qui aime parler de leur jeunesse à ceux qui le veulent bien. Parler devait leur faire du bien. Greg demanda donc, pour entretenir la conversation:
- C'était un homme bien?
- Si c'était un homme bien? Mais bien sûr, que c'était un homme bien, ou je ne l'aurait pas épousé! Vous me croyez assez vieille pour avoir vécu à l'époque des mariages arrangés?
- Excusez-moi, je ne voulais pas...
- Je vous taquine, sourit la femme. Vous savez, vous me faites un peu pensé à lui... Vous aussi, vous êtes un gentleman. Il a fait la guerre, vous savez. Je n'ai jamais vu un homme si dévoué à son pays. Et il y a survécu! Et en très bon état. Il a vécu pas mal de temps. Moins que la vieille carcasse que je suis.
- Vous n'êtes pas si âgée que ça, madame. Ou vous faites alors très jeune.
- Vous êtes un vrai gentleman, vous, hein. Mais j'ai conscience de mon âge. Lui, le pauvre, n'a pas eu la chance de tant vieillir. Il s'est fait tué durant un braquage de banque.
- Vous m'en voyez désolé...
- Ne le soyez pas, il est sûrement mieux là-haut! Et il doit veiller sur moi. Vous savez, je n'ai pas la chance de pouvoir lui rendre visite souvent. J'habite seulement à quelques rues d'ici, mais je ne peux pas vraiment sortir seule, ce sont mes petits enfants qui m'amène ici environ une fois par mois, quand ils le peuvent. Ils m'attendent devant le cimetière. De vrais amours. Et vous, vous venez en l'hommage d'un parent?
- De...
Dans un automatisme, il plongea sa main dans sa poche, empoignant la boîte de velours qu'il ne quittait plus. Elle contenait une bague. Celle qu'il voulait offrir à Alyzabeth. Il lui aurait demandé sa main, à cette heure-ci, si tout n'avait pas dégénéré. Il lui aurait dit à quel point il l'aimait, à quel point elle était importante pour lui... Une nouvelle brise, bien plus légère, vint caresser à nouveau son visage. Il répondit:
- Ma femme est enterré ici.
- Votre femme? Mon Dieu, elle devait encore être une enfant! Elle ne devait pas dépasser la trentaine, non?
- 28 ans... confirma-t-il, la gorge serrée.
- Elle était malade?
- Elle aussi, elle a été assassinée...
- Il y a tellement de cinglés, dans ce bas monde... Je peux comprendre que certain deviennent fous après une existence de souffrance, mais bon... Si on leur expliquait la joie qui les entoure au lieu de les enfoncer dans leur malheur, peut-être que chacun irait mieux.
Sa remarque fit naître une idée dans l'esprit de Greg. Ils n'avaient fait que rabaisser Julien, lui dire qu'il n'avait pas été le meilleur et qu'il devait faire avec. Souffrir en silence. Ils avaient eu faux sur toute la ligne. Pour l'aider, il fallait lui montrer la joie qui l'entourait, la joie à laquelle il pouvait profiter. Ce n'était pas un hasard si, ce jour-là, cette femme qui ne venait pourtant pas souvent était présente. Si son parapluie avait été retourné. Si elle avait confié ses pensées. Et tout ça, après la plainte que Greg avait adressé à Alyzabeth. Certains diraient qu'il s'agit d'une simple coïncidence. Pas pour Greg.
- Madame, vous êtes un ange descendu du Ciel! s'exclama-t-il. Tenez, et merci beaucoup.
Il donna son parapluie à la femme, à qui il serait sûrement plus favorable. Enthousiaste, il déposa un baisé sur la joue de la femme, qui rit:
- Je ne sais pas ce que je vous ai dit, mais je suis heureuse de vous avoir donné un tel sourire.
- Vous avez fait beaucoup, madame. En espérant vous revoir. Non, j'ai une autre idée!
Sur un papier qui traînait dans sa poche, il griffonna son numéro de téléphone et le tendit à la femme.
- Dès que vous voudrez voir votre mari, vous n'avez qu'à m'appeler, je vous amènerai si je le peux.
- Merci, jeune homme...
Il se tourna vers la tombe d'Alyzabeth.
- Merci pour tout, mon cœur.
Il fila hors du cimetière, déterminé à faire voir à Julien le côté positif de la situation.
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Intérêt dangereux
Fiksi PenggemarElle n'avait jamais rêver mieux ! Elle crut que le plus beau jour de sa vie arrivait. D'abord ressemblant à un rêve, les conséquences vont devenir cauchemardesques...