Chapitre 2

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(Zachary)

     Durant au moins une minute elle me fixe, je ne rigole pas! Et une minute c'est long croyez-moi. Ma mère se racle la gorge et s'approche d'Angelia pour lui tendre la main. Celle-ci la regarde longuement sans pour autant la toucher. Voyant le trouble de tout le monde, Mme Talier rigole nerveusement et propose à Angelia d'aller installer ses affaires pendant qu'elle nous parle.

-Ecoutez, il faut que vous sachiez quelques petites choses sur elle. Elle est... Comment dire? Introvertie. Lors de son hospitalisation la semaine dernière on lui a diagnostiqué un... Trouble du comportement en quelques sortes.

-Un trouble du comportement? C'est-à-dire? Demande ma mère.

-Et bien premièrement elle parle très peu, c'est quasiment impossible d'avoir une vraie conversation avec elle. Les médecins ont dit qu'elle était enfermée dans une sorte de mutisme. Dans sa bulle vous voyez, probablement dû à son enfance. Elle serait comme ça depuis longtemps alors il va lui falloir énormément de temps pour se réadapter à une vie normale et un quotidien tranquille. Deuxièmement elle n'est pas tactile, mais alors vraiment pas, ça a été un enfer pour l'examiner la semaine dernière, elle hurlait dès qu'on la touchait. Voilà pourquoi elle n'a pas répondu à votre poignet de main Rachel.

-Je vois... Souffle ma mère. A-t-elle des penchants suicidaires?

-Pas pour l'instant, non. C'est difficile à remarquer en une semaine mais elle n'a rien fait pouvant mettre sa vie en danger.

-Très bien. C'est un gros cas que vous nous amenez là, Mme Talier. Commente mon père.

-Je sais bien Quentin, et bien-sûr vous pouvez toujours refuser, mais pensez au bien-être de cette jeune fille. Si cela devient trop difficile dans les mois à venir, nous la changerons alors de famille. Mais, très sincèrement, essayez.

-Nous allons faire tout notre possible je vous le promet. Même quand ça sera dur, nous ne la laisserons pas tomber, comptez sur nous.

-Ouais enfin pas trop sur moi. Marmonnais-je.

-Zachary! Siffle ma mère. Je te préviens, cette fille n'est pas comme les autres enfants. Si tu ne la respecte pas nous t'enverrons dans le pensionnat dont nous avons parlé.

-C'est une blague? Si cette fille n'arrive pas à s'adapter elle changera de famille tout simplement. M'emportais-je.

-Ce n'est pas à toi de décider! Elle a plus besoin de notre soutien que toi.

-Elle a pas besoin de soutien, elle a besoin d'un psy, putain! Hurlais-je.

-Je te conseille de baisser d'un ton jeune homme. Tu as interêt à t'adapter à sa présence et à ne pas l'énerver. Commença Mme Talier. Car crois-moi tu ne l'as jamais vu en colère et tu ne le veux surtout pas.

-Elle ne doit pas être si terrible que ça puisqu'elle ne parle pas.

     Oui je suis un véritable emmerdeur de première. Certains me considèrent même comme monstrueux au lycée. Mais honnêtement, je n'en ai rien à foutre. Je suis comme je suis et personne n'a intérêt à me frustrer. Ils sont au courant d'ailleurs, j'ai déjà eu plusieurs fois l'occasion de leur prouver.

-Ne parle pas trop vite mon garçon, face à elle, même toi pourrais prendre la fuite.

     Je ricane face à sa menace inutile.

-Je ne prendrai la fuite devant personne Mme Talier. Et surtout pas devant une pauvre fille traumatisée qui débarque dans ma vie sans ma permission.

     Je sais que si je continue je vais dire la phrase de trop, mais bon, con comme je suis, je ne peux pas m'en empêcher.

-Si elle est si horrible que ça, pourquoi n'est-elle pas restée chez son père?

     Je sens tout le monde retenir son souffle face à mes paroles. Je me demande d'ailleurs pourquoi ma mère ne m'a toujours pas claqué. C'est rare mais je dois avouer que parfois je le mérite réellement. Comme aujourd'hui.

     Je suis leurs regards et tombe sur le plus beau qu'il m'ai été donné de voir.

     ... Merde. Je suppose qu'elle a tout entendu.

     Comme d'habitude, j'attends qu'elle éclate en sanglots et aille se réfugier dans sa chambre. Comme tous les autres gosses que j'ai pu vexer dans cette foutue maison.

     Mais étrangement elle n'en fait rien. Elle me regarde une dizaine de secondes puis va s'asseoir sur le canapé. Elle se tient aussi droite qu'un piquet et sort ses écouteurs de sa poche ainsi que son portable.

     Ma petite sœur l'observe quelque temps au pied du canapé, puis retourne à son occupation. Elle met en route sa musique et tourne son regard vers elle. Elle la regarde jouer et ne bouge plus depuis.

     Je me retourne stupéfait de sa réaction. Rien. Nada. Pas même une once de colère. Juste un visage neutre, inexpressif.

     En revanche celui de ma mère, lui, exprime beaucoup. Elle me foudroie du regard et je vois bien qu'elle se retient de me gifler seulement pour Angelia.

-... Je ne savais pas qu'elle pouvait m'entendre. Chuchotais-je.

-Oh vraiment? Pourtant tu ne t'es pas gêné pour hurler.

-Allons allons mes chéris, tout va bien, ne vous disputez pas devant elle. Toi Zachary, tu devras faire plus attention à tes paroles, elle ne le montre pas mais ce n'est pas pour autant que ça ne l'atteint pas. Et vous, dit-elle en regardant mes parents, évitez toutes prises de tête dans cette maison. Montrez lui ce qu'est un foyer chaleureux et accueillant. Tout cela lui est inconnu. Finit-elle avec une once de tristesse dans la voix.

     Elle nous regarde les uns après les autres dans l'attente d'une réponse. On finit par opiner, moi moins enthousiaste que les autres, et elle sourit, satisfaite.

-Bien, il est tant pour moi de vous quitter, si vous avez le moindre soucis, appelez-moi. Je fais de cette petite ma priorité. D'ailleurs, elle a un rendez-vous toutes les semaines chez sa psychiatre. Toutes les informations dont vous avez besoin sont dans son dossier.

-Aucun problème, nous l'y emmènerons. Assure ma mère.

     Sur-ce elle se dirige vers Angelia et s'agenouille devant elle, lui faisant signe d'enlever son écouteur. Ce qu'elle fait.

-Je m'en vais. Je te laisse avec ta nouvelle famille, tu vas voir, ils vont bien s'occuper de toi. Si tu as le moindre soucis appelle-moi d'accord? Aller à bientôt mon ange, tu vas me manquer.

     Angelia la regarde sans laisser une seule expression passer sur son visage. Mais comment fait-elle? Ce n'est pas possible d'être aussi neutre à ce point. Mme Talier se relève et se stoppe soudain dans son élan, les yeux écarquillés. Je baisse mon regard et comprends pourquoi. Angelia a posé son doigt sur celui de son assistante sociale. Elle ne le laisse qu'une seule seconde, mais rien que ce geste paraît être un miracle aux yeux de tous.

     Bon je vais paraître sans cœur mais personnellement, moi, je m'en fous. Enfin je veux dire, ce n'est qu'un doigt... Un minuscule contact, pas de quoi en faire tout un plat. Mais apparemment c'est tellement rare qu'on doit en être impressionné. Honnêtement je ne comprends pas.

     Mme Talier lui sourit avec tout l'amour maternelle qu'elle peut fournir.

-Je reviens très vite te voir! Promet-elle.

     Elle se dirige vers la porte d'entrée et sort dehors. Une fois arrivée à la portière de sa voiture, elle se retourne et fait un geste de la main. C'est à moi qu'elle parle? Je regarde autour de moi et sursaute en voyant Angelia à mes côtés. Celle-ci ne lui répond pas mais cela ne semble affecter Mme Talier, sûrement habituée.

     Mais comment fait-elle pour arriver jusque là sans que je ne l'entende? Normalement j'arrive toujours à ressentir les présences autour de moi.

     Mon Dieu... Mais qui est cette fille?

Take Me Away [ÉDITÉ EN VERSION PAPIER] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant