Take Me Away [ÉDITÉ EN VERSION PAPIER]

Chapitre 4

(Zachary)

     J'entre dans la cuisine, suivant Angelia. Je suis encore un peu abasourdi par sa réaction. J'avoue que je n'avais pas prévu qu'elle soit aussi... Comment dire? Franche? Inexpressive? Oui ça doit être ça. Au moins, on a mis les choses au clair elle et moi.

     Mais ça ne change rien au fait qu'elle soit très étrange. Elle me fixait d'une manière tellement vague. Plus du tout le même regard que ce matin. Il est clair que cette fille est dans sa bulle et n'en sort que rarement.

-Ah Angelia, chérie! S'écrit ma mère. Il faut que je te parle de cette année.

     Je l'écoute aussi attentivement que je le peux. Cette année? Elle veut parler du lycée?

-Je sais que tu as été scolarisée malgré... Tout ça. Alors je t'es inscrite au lycée de la ville. Les cours commencent demain et je t'ai déjà acheté ton sac avec tes fournitures. Tu iras avec Zac, d'ailleurs tu es dans sa classe. Ca ira?

     C'est une blague? Dans la même classe qu'elle?

-Attend je vais pas me la taper vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept. J'ai autre chose à foutre. Répliquais-je, sur les nerfs.

-Fais attention à tes paroles, Zac. Tu l'aideras à s'adapter, c'est tout.

-Ouais c'est ça. Ricanais-je.

-Je suis sérieuse Zac, tu as intérêt sinon on te change d'école, tu le sais.

     Je grogne, sentant la colère monter petit à petit. Super! Je venais juste de m'en débarrasser et voilà que maintenant je vais devoir me la coltiner.

     De toutes manières, ma mère ne le saura pas puisque l'autre ne parle même pas. En parlant d'elle, elle est assise sur un tabouret du bar et nous regarde parler depuis tout à l'heure. Sérieusement, elle me fait flipper. Elle se lève et se serre un verre d'eau. Très bien, vas y, fais comme chez toi surtout. Si on oublie le fait que, techniquement, elle est chez elle. Va falloir que je m'habitue de vivre avec une tarée.

     Ma mère sourit de cette initiative de sa part. Hum... ouais. Ok. Moi je trouve rien d'extraordinaire à ce qu'elle boive.

     Je vais m'asseoir dans le canapé et allume la télé. Contre mon gré, mon regard dévie plusieurs fois vers elle et je me rends compte à quel point elle est jolie tout de même. Elle n'est pas très grande, je la dépasse d'au moins deux têtes. Elle n'a pas enlevé son bonnet et ses cheveux chocolats ondulent légèrement. Son œil au bord noir contraste avec ses yeux clairs et sa peau. Celle-ci est très pâle. D'ailleurs Angelia est vraiment fine. Peut-être que son père ne la nourrissait pas assez. Ce mec est vraiment un malade. Je n'ai pas d'autres mots. Comment peut-on faire subir ça à sa propre fille? J'espère que ce con pourri en prison.

     Elle n'a toujours pas finis de boire son verre et sa lèvre, gonflée, se rougit face à l'eau froide. Cette vision est quelque peu hypnotisante, je dois l'avouer. Je la vois se crisper légèrement et recracher soudainement l'eau dans l'évier.

      Elle commence à s'étouffer et je regarde autour, mais ma mère est partie à l'étage et personne d'autre n'est dans les parages.

     Oh c'est pas vrai. Comment je dois faire?! Déjà qu'avec une personne normale je ne sais pas alors avec... Elle. Je soupire violemment et me dirige vers la cuisine pour me placer en face d'elle.

-Angelia! Angelia regarde-moi!Inspire, expire, encore!

     Je sais, c'est nul pour sauver une personne qui s'étouffe. Mais je n'ai pas vraiment l'impression que c'est le cas pour elle. Son visage grimace, montrant pour la première fois une réelle émotion à vrai dire. Mais c'est désagréable à regarder, elle a l'air d'horriblement souffrir.

     Elle relève sa tête et me fixe soudainement. Nos yeux ne se quittent plus et... Wouah. J'ai l'impression que des larmes aussi réelles que moi, coulent dans ses iris si bleus. Ces yeux sont époustouflant. C'est le même regard que ce matin, il est... Hypnotisant, il n'y a pas d'autres mots. Je voix toutes les émotions qu'elle cache à l'intérieur. Alors c'est là? C'est ici qu'elle les camoufle pour ne pas qu'ils s'incrustent sur son visage?

     Elle commence à reprendre sa respiration et ne cesse de me regarder. Je dois dire que je fais de même.

-Tout va bien?! Crie ma mère en arrivant dans la cuisine.

     Je détourne le regard, mettant fin à une intensité que je n'avais jamais ressenti jusque là.

-... Oui. Angelia s'est étouffée avec l'eau.

-Je ne pense pas que ça soit l'eau.

     Elle s'approche d'un petit sachet et sort un cachet qu'elle tend à Angelia. Celle-ci l'attrape sans poser de question et l'avale comme si c'était normal.

-Qu'est-ce que c'est?

-Un médicament contre ses crampes d'estomac.

     Elle se penche vers moi et me chuchote discrètement.

-Son père l'a tellement mal nourri, que son estomac a besoin de temps avant de pouvoir s'en remettre.

     Je me tourne vers Angelia, et c'est à ce moment là que je me rend réellement compte de ce qu'elle a pu vivre.

     Je retourne m'asseoir dans le canapé et la surprends à m'observer curieusement.

-Quoi? Demandais-je sur un ton plus sec que je ne le voulais.

   Elle abaisse légèrement sa tête à mon égard et part dans sa chambre.

     Viendrait-elle de me... Remercier? De quoi? De l'avoir calmée? ... Possible.

     Je secoue la tête, trop chamboulé par cette journée et reste sur le canapé jusqu'à la tombée de la nuit.