Chapitre 3

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(Angelia)

     Une heure, trente-trois minutes et douze secondes que je suis arrivée dans cette maison.

     Depuis que je suis entrée je ne fais que les observer. Ces êtres vivants, ces humains, ces personnes... C'est ma nouvelle famille. Du moins c'est ce que n'a cessé de me répéter Mme Talier. Je l'aime bien, c'est la première personne à être gentille avec moi depuis très longtemps. J'ai soudain eu envie de la toucher tout à l'heure, pour la remercier de s'être occupée de moi durant cette semaine. A l'hôpital elle m'apportait toujours un muffin à la vanille. Je n'en avait jamais mangé avant aujourd'hui. En fait je n'avais jamais mangé de gâteaux. Papa me l'a toujours interdit.

     Elle va me manquer. J'étais triste qu'elle parte. Mais je n'ai pas réussi à l'exprimer. Je n'arrive plus depuis longtemps. J'ai appris à camoufler mes émotions. C'est pour ma sécurité. Alors je ne ressens plus rien, ce ne sont que des effleurements. J'ai dit que j'étais triste? C'est vrai... Mais ça n'a pas duré plus de cinq secondes. Et je préfère ça.

     Je suis dans ma nouvelle chambre. J'écoute le bruit de l'horloge en me balançant en rythme. J'aime bien. Ca me calme. Cette chambre est différente de l'ancienne. Elle paraît plus chaleureuse et plus lumineuse. Dans la mienne il y avait du sang séché sur les murs et de la moisissure. Je n'avais pas de fenêtre. Papa disait qu'il avait peur que je parte sinon. Et j'avoue que je l'aurai fait depuis bien longtemps. Des images me viennent encore et encore. Depuis que je suis arrivée à l'hôpital je ne cesse de les voir. Comme un film de ma misérable vie.

     Papa. Il est le seul. Le seul à me faire ressentir quelque chose, des émotions. De la peur. De la douleur. De la colère. De la tristesse. De la culpabilité. Il m'a fait oublier toutes les autres. Je ne sais plus ce qu'est l'amour, la joie et le bonheur. Ces mots me sont inconnus.

     Je continue de penser jusqu'à ce que j'entende quelqu'un toquer à ma porte. Je me lève et ouvre lentement celle-ci.

     Oh... C'est lui, ce garçon. Zachary. Je ne le connais pas, je l'ai juste entendu dire du mal de moi. Et très honnêtement ça ne m'a rien fait. Bon peut-être un petit pique au cœur, mais tellement vite camouflé que je l'ai à peine senti. A quoi ça sert de montrer qu'on est blessé? Puisque de toute façon je sais déjà que tout le monde me déteste. Papa me le répétait tous les soirs avant que je ne m'endorme.

     " N'oublie jamais ça Angelia, tu n'es pas un ange, tu es un horrible démon. Et la terre entière te déteste pour le crime que tu as commis. "

     Je ne l'oublie pas papa, rassure-toi. Tu me l'as tellement répété que jamais je ne l'oublierai.

-Angelia! Hé! Tu m'entends?

     Je reviens dans le présent avec une telle force que je trébuche en arrière. Il avance soudainement ses mains pour me rattraper, mais mon expression horrifiée à dû le faire renoncer à cette idée. Je finis par me rééquilibrer seule et je le regarde à nouveau. Je ne sais faire que ça. Fixer les gens. Ces êtres étranges qui ont des besoins étranges. Comme communiquer. Se toucher. Je ne sais faire aucun des deux. Peut-être qu'avant je le faisais. Je ne me rappelle plus. Mais ce qui est sûr, c'est que j'ai bien changée.

     Ah! A chaque fois que j'essaie de me concentrer sur ce qui m'entoure, je replonge dans mes pensées. Parce que ma petite bulle que je me suis construite est si confortable.

     Pour rester concentrée sur lui, je le détaille dans ma tête. Grand, plutôt mince avec une carrure musclée. Quelques mèches de ses cheveux noirs tombent sur son front, juste au-dessus de ses yeux de couleurs ébène, s'accordant parfaitement avec sa chevelure sombre. Une bouche légèrement charnue révélant des fossettes lorsqu'il parle. Il me rappelle tous ces garçons dans les livres que j'ai lu. Ceux qui sont arrogants et qui profite de leur beauté charnelle. Ils font souffrir les filles et jouent avec elles pour leur plaisir personnel. Serait-il comme ça?

-Je disais, si tu t'attends à ce que je m'excuse, ça n'arrivera jamais. Tu ferais mieux de faire comme-ci je n'existais pas car c'est ce que je compte faire pour toi. Le prend pas personnellement mais...

     Apparemment oui il le serai, autant ignorer ce qu'il me dit alors, c'est tellement inintéressant. Tout le long je le fixe sans prononcer un mot. Il remarque mon manque d'attention et s'arrête sur sa lancée.

-Tu m'écoutes au moins? Crache-t-il.

-Non.

     J'entends Rachel m'appeler au rez-de-chaussé, alors je le dépasse en prenant bien soin de ne pas le toucher. Il ne veut pas me connaître? Tant mieux car moi non plus. Mes premières impressions sur lui sont très mauvaises et je n'ai aucunement envie de les approfondir. Qu'il reste dans sa prétention, je suis très bien seule.

Take Me Away [ÉDITÉ EN VERSION PAPIER] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant