Take Me Away [ÉDITÉ EN VERSION PAPIER]

Chapitre 15

(Zachary)

Je suis au self en guettant la foule qui se dirige vers les plats. J'attends Angelia. Et depuis un bon bout de temps déjà. En sortant de son cour, où j'étais absent bien-sûr, elle m'a envoyé un message en me disant qu'elle arrivait immédiatement. Il y a de ça quinze minutes... Et généralement, immédiatement veut dire pour elle dans la seconde.
     Déjà qu'elle ne mange pas beaucoup alors si maintenant elle ne vient carrément plus, elle ne va pas tenir longtemps.
     Je m'assieds à une table et m'affale sur celle-ci. J'espère vraiment qu'elle ne va pas tarder, je crèves la dalle.

-Zac! Zac grouille-toi, c'est super important! Hurle Kayn à travers le self.

Je me lève de ma place et rejoins mon meilleur ami.

-Je peux pas mec, j'attends Angelia. Je dois manger avec elle, pas le choix.

-Justement, ça l'a concerne Zac! Tu te rappelles que tu m'as demandé de garder un œil sur Carla juste au cas où? Et bien c'est exactement ce qui est entrain de se produire, et c'est plutôt violent. Je n'ai pas osé intervenir, je ne sais pas comment me comporter avec Angelia. Faut que tu viennes la calmer mec, et tout de suite!

Avant qu'il n'est fini sa phrase je cours déjà à travers l'école pour la retrouver. Il a dit que je devais la calmer? Mais si c'est Carla qui s'énerve, c'est plutôt dont je dois m'occuper.

J'entends les cris à travers les couloirs. Bon, j'ai juste à les suivre. Quand j'arrive sur le lieu du carnage je n'en crois pas mes yeux. Carla gît à terre alors qu'Angelia lui assène des coups de pieds au ventre. Ses yeux, si bleus d'ordinaire, sont assombris par la colère. Je ne l'avais jamais vu comme ça. Son visage est fermé, dénudé de toute compassion. Elle reproduit ce que lui a fait son père, c'est évident. Elle est complètement hors réalité, il suffit de voir ses coups pour savoir qu'elle est dans sa vision, son souvenir.

Désormais je sais ce qu'elle a ressentis lorsqu'elle m'a interrompu avec Dylan. Je suis à sa place. Les scènes se ressemblants étrangement.

Angelia se stoppe et lui envoie un dernier coup de pied si violent que Carla se cogne le dos contre les casiers. Elle laisse un cris de douleurs s'échapper et je reprends mes esprits pour intervenir. Si elle continue elle va la tuer.

- Bordel Angelia! Angelia arrête!!

Je m'approche à grands pas et fait glisser Carla vers moi afin de l'éloigner. Celle-ci se serre aussitôt contre moi pour m'enlacer. Je la rejette aussitôt et la dépose lentement au sol. Elle croit vraiment que c'est le temps pour se câliner elle? Si elle a mis Angelia dans cet état, c'est qu'elle a encore fait sa conne.

Je m'approche d'Angelia lentement, mes mains devant moi en signe d'apaisement. Celle-ci cligne plusieurs fois des yeux et je retrouve ce bleus si profond.
     Elle est de retour.
     Elle regarde autour elle et observe ses poings blessés à force d'avoir frappé. Puis serre ses bras autour d'elle comme pour se protéger. Elle tombe à terre et je la rattrape de justesse. Elle tremble tellement que je préfère ne pas trop la perturber en la touchant. Alors je me recule aussitôt, l'ayant à peine tenue plus d'une seconde.
     Je remarque soudain tout le monde qu'il y a autour de nous.

Je vois bien qu'Angelia est mal à l'aise. Elle ne se calmera jamais si on la jauge comme ça.

-Cassez-vous! Tout de suite! Y a rien à regarder. Crachais-je.

Face à mon ton dur ils s'en vont tous et des amis à Carla la portent pour l'emmener à l'infirmerie. Je dois avouer qu'elle est dans un sale état, pouvant à peine marcher.

Je me retrouve donc seul avec mon petit ange, appuyée contre les casiers, qui se balance maintenant d'avant en arrière en essayant de se calmer. Quand je me rapproche, je remarque qu'elle chantonne dans un simple murmure.

-I never conquered, rarely came. Six-teen just held such better days, days when I still felt alive. We couldn't wait to get outside, the world was wide, too late to try, the tour was over, we'd survived. I couldn't wait 'til I got home, to pass the time in my room alone.

(Je n'ai jamais vaincu, je suis rarement venu. Mes seize ans furent des jours meilleurs, des jours où je me sentais encore en vie. On avait hâte d'aller dehors, le monde était vaste, trop tard pour essayer, le voyage était terminé, on avait survécu. J'avais hâte de rentrer à la maison, pour passer du temps seul dans ma chambre.).

     Cette chanson je la connais, tout le monde la connaît. Adam's song de Blink 182, un super groupe. A vrai dire je suis même étonné qu'elle les écoute. Mais il s'agit d'Angelia, son troisième prénom c'est Imprévisible, après Tarée bien évidemment.

     Je suis un peu perdu, je la regarde continuer et je ne sais absolument pas quoi faire. Faut-il que je la touche? Ou bien que je lui parle? Que je reste debout, près d'elle? Je suis complétement paumé. Lorsqu'elle finit la chanson, elle la recommence, toujours dans un murmure des plus doux. Je dois avouer que même aussi basse, sa voix est magnifique.
     Alors je décide de me lancer, je me place à côté d'elle, a une distance raisonnable, puis m'assieds contre les casiers. Je sors mon téléphone et lance la chanson. La voix de Mark Hoppus s'élance et Angelia se stoppe immédiatement. Elle se tourne vers moi et penche légèrement la tête, comme pour mieux entendre la mélodie.

-I never thought I'd die alone,  I laughed the loudest, who'd have know? I traced the cord back to the wall. No wonder, it was never plugged in at all. I took my time, I hurried up, the choice was mine, I didn't think enough. I'm too depressed to go on, you'll be sorry when I'm gone.

(Je n'aurais jamais pensé que je mourrais seul, j'étais celui qui riait le plus fort, qui l'eût cru? J'ai suivi le câble jusqu'au mur. Pas étonnant il n'a jamais été branché. J'ai pris mon temps, je me suis dépêché, c'était mon choix, je n'ai pas assez réfléchi. Je suis trop déprimé pour continuer, vous regretterez quand je ne serai plus là.).

     Lorsque le chanteur se stoppe et que la guitare prend le dessus, Angelia se rapproche un petit peu de moi. Puis chaque seconde un peu plus, jusqu'à ce que Hoppus reprenne toute son attention. Mais entre-temps elle s'était déjà rapprochée de plusieurs centimètres, faisant en sorte que mon épaule frôle la sienne. J'essaye de ne pas bouger, pour ne pas l'effrayer, je n'ai pas envi qu'elle fasse un bond de quinze mètres juste parce que j'ai toussé.

-I never thought I'd die alone, another six months I'll be unknown. Give all my things to all my friends, you'll never step foot in my room again, you'll close it off, board it up. Remember the time that I spilled the cup of apple juice in the hall. Please tell my mom this is not her fault.

(Je n'aurais jamais pensé que je mourrais seul, dans six mois je serai un inconnu. Donne toutes mes affaires à tous mes amis, tu ne remettras plus jamais les pieds dans ma chambre, tu la fermeras, la condamneras. Rappelle-toi le jour où j'ai renversé la tasse de jus de pomme dans le couloir. S'il te plaît dis à ma maman que ce n'est pas de sa faute.).

     La chanson continue et Angelia se calme. Je suis vraiment soulagé qu'elle aille mieux, ses "crises" me font toujours paniquer, ne sachant pas comment réagir. En revanche je m'inquiète un peu pour elle, maintenant que je sais ce qu'elle écoute, c'est plutôt alertant puisqu'il s'agit d'une chanson du point vue d'un ado suicidaire. Pour moi ce n'est qu'une chanson comme les autres, mais j'ai peur que pour elle, se soit bien plus que ça.
     Elle ne se balance plus, ne chante plus. Elle est juste là, avec moi, épaule contre épaule, fixant le vide en face d'elle. En fait on a plutôt l'air cons, si quelqu'un passe et nous vois ainsi, immobiles et un air d'enterrement sur la tronche sans prononcer un seul mot et fixant un point en face de nous, je ne lui en voudrais pas si il part en courant. Mais je n'en aurai rien à faire, je voudrais que ce moment ne s'arrête pour rien au monde.

     Mais évidemment, c'était bien trop beau pour être vrai. Et c'est une petite emmerdeuse répondant au nom de Mme Medonno qui le brise.

-Melle Teissi, M.Prims. Dans mon bureau, immédiatement. S'écrit-elle d'une voix autoritaire.

     Je pousse un long soupir, tapant ma tête contre le casier de derrière, puis me lève pour la suivre, m'assurant qu'Angelia est derrière.
     Je sens qu'on va passer un joli quart d'heure.