Chapitre 19

43.8K 4K 226
                                    

(Angelia)

-Tu choisis parmi eux. Dépêche-toi. Murmure-t-il contre mon oreille, menaçant.

     Je frissonne de peur quand je sens son souffle chaud s'abattre dans mon cou.

-D'accord papa.

     Depuis ce matin je souris comme une idiote. Papa a décidé de m'emmener m'acheter un cadeau. Je ne sais pas pourquoi. Peut-être pour se faire pardonner de la veille. Il m'a frappé à la tête avec une bouteille de bière et depuis j'ai un petit trou dans le crâne qui ne s'est arrêté que durant la nuit de saigner.

-Aller Angelia, on a pas toute la journée!

     Il commence à s'impatienter alors je regarde tous les bonnets qui sont devant moi. Et un attire mon attention. Il est noir, simplement noir. Mais voilà toute sa particularité, il est vide de sens, tout comme moi et ma vie. Je tends la main et l'enfile pour l'essayer, faisant attention de ne pas le frotter contre ma blessure

-Il est encore un peu grand pour toi. Tu n'as que dix ans. Intervient mon père.

     Déçue, je m'apprête à le reposer lorsque sa main intercepte la mienne. Surprise et n'aimant pas son contact, je recule légèrement.

-Tu sais quoi? Garde-le. Comme ça tu pourras le mettre pour plusieurs années.

     Mon sourire revient immédiatement. C'est la première fois qu'il m'offre un vêtement. Je suis vraiment heureuse. Et j'ai espoir que cela continue!

-Et puis il va protéger ta plaie au crâne.

     Par protéger, il voulait dire la cacher aux yeux de tous. Je me remémore mes souvenirs d'hier. Il était si énervé, j'avais fait tomber un verre, en préparant le repas, qui s'était brisé bruyamment. Et papa n'a pas apprécié. En essayant de le fuir, une bouteille de bière est tombée en se brisant également. Il l'a attrapé par le goulot et me l'a abattue sur la tête. Le verre s'est douloureusement enfoncé dans ma peau, faisant couler du sang immédiatement. Un frisson de terreur me parcourt quand je me remémore cette scène.

     On se dirige vers la caisse et étonnement, il met son bras autour de mes épaules. Je le vois sourire à une jeune femme qui semble attendrie par la scène qu'elle voit.
     Un père et sa fille, n'est-ce pas magnifique?
     Oh si seulement tu savais à quel point il est hypocrite. Délicatement j'essaie de m'écarter de lui. Son toucher m'angoisse plus qu'autre chose, il m'est presque impossible de le supporter...

-Merci papa. Murmurais-je timidement pour le bonnet qu'il m'offre, espérant que ça le fasse reculer.

-De rien ma puce.

     Je sursaute de surprise. Vient-il de m'appeler ma puce? Mais que lui arrive-t-il?

     La femme continue de nous sourire et fait un petit signe aguicheur à mon père. Celui-ci me rapproche de lui malgré mes protestations inutiles.

-Ferme-la. Chuchote-t-il d'un ton plus dur que la pierre entre ses dents.

     Une fois le numéro de la jolie brune en poche, on sort du magasin et j'ai espoir que mon père garde sa bonne humeur. Mais à quoi pensais-je? Il restera mon père, cet homme violent, cruel et détruit par la vie.

     On s'installe dans la voiture et avant même que j'ai le temps d'enfiler mon bonnet, je sens une main m'agripper l'arrière de la tête et me la projeter en avant. Mon front s'écrase violemment sur le tableau de bord. Un cri de douleur m'échappe et des larmes commencent à couler. Même après les années, la douleur est toujours aussi présente.

-Mais papa... sanglotais-je, la peur me serrant la gorge.

-Ta gueule! Tu m'as ridiculisé devant elle!

-Je suis désolée...

     Il frappe plusieurs fois contre le volant pour évacuer sa colère en jurant. Face à sa violence je ne peux empêcher des petits gémissements de peur sortir de ma bouche, je me recroqueville le plus loin possible de lui, contre la fenêtre. Pour une fois qu'il ne s'est pas défoulé entièrement sur moi.
     Il souffle le temps de se calmer légèrement, puis se tourne vers moi. Il prend mon bonnet des mains et me l'écrase sur la tête sans délicatesse. Je sens un peu de sang couler de mon front et le frottement du tissu sur ma nouvelle blessure me fais grimacer.

-Avec ça tu pourras aussi cacher ton front. Crache-t-il.

     Je ne réponds rien et baisse la tête. Il démarre et nous rentrons chez nous. Oui, il m'a à nouveau frappée, et pourtant ça ne me choque pas le moins du monde. Il est comme ça, c'est mon père et je n'ai que lui dans ma vie. Plus tard je pourrai m'en aller, mais pour l'instant je dois serrer les dents et continuer à vivre, du moins survivre.

     Je regarde mon reflet dans le rétroviseur et souris pour la dernière fois. Mon père m'a acheté ce bonnet pour cacher mes blessures, certes, mais c'est le seul cadeau qu'il ne m'ai jamais fait.

     J'ouvre difficilement les yeux et une douleur à l'abdomen m'accueille froidement. Une forte lumière m'oblige à refermer mes paupières aussi vite qu'elles se sont ouvertes. Bon sang mais je suis où?

-Salut.

     Je tourne lentement la tête et croise ces yeux plus noirs que le charbon. Ses lèvres pleines se forment en un petit sourire faisant ressortir une jolie fossette et je le vois se rapprocher de moi.     
      Zachary.

Take Me Away [ÉDITÉ EN VERSION PAPIER] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant