Take Me Away [ÉDITÉ EN VERSION PAPIER]

Chapitre 12

(Angelia)

-Bonjour Angelia. Comment vas-tu depuis la dernière fois? Me demande Mme Trempline.

     Je la regarde et ne réponds pas. A quoi bon, elle connaît déjà la réponse. Sa petite bouche, teintée de rouge, s'étire en un timide sourire et elle se lève de sa chaise pour venir s'assoir à mes côtés. C'est une personne très douce, sa voix est calme et posée ainsi que les traits de son visage, elle inspire la confiance. Peut-être un jour me laisserais-je m'ouvrir à elle.

-As-tu des choses à me raconter? Des évènements particuliers?

     Encore une fois je ne prononce pas un seul mot, mais je ne peux m'empêcher de regarder le sol en me remémorant cet après-midi.

-Moi je pense que oui. Et je vois bien que ça te perturbes.

     Comment le sait-elle? Elle est vraiment très observatrice et je dois avouer que ça m'effraie un peu. Au bout d'un petit silence elle reprend la parole.

-Ça a un rapport avec ta famille? Ou bien le lycée? Parles-moi Angelia, je peux t'aider à tout surmonter, tu le sais bien.

     Je ne relève pas les yeux, me sentant moins à nue ainsi. Je n'aime pas quand elle lit en moi comme cela. J'ai peur qu'elle puisse voir tous mes secrets, mes pensées et mes blessures encore présentes, marquées au fer rouge dans mon esprit. Et il en est hors de question. Elle soupire puis lisse sa jupe, déjà impeccable.

-Très bien, alors peut-être pouvons nous aborder le sujet de ton père. Cela va faire trois semaines que tu...

-Je l'ai touché. Murmurais-je, la voix serrée.

     Quand elle a commencé à parler de papa, j'ai tout bonnement paniquée. Je ne peux pas parler de lui, pas encore. C'est trop tôt, tout est encore bien trop douloureux. Il fallait que je change de sujet, je n'avais pas le choix.

     Je vois que mes paroles ne la laisse pas indifférente, elle se redresse, soudainement aux aguets.

-Qui as-tu touché Angelia? Demande-t-elle avec un sourire rassurant.

-Zachary. Soufflais-je tout bas.

-Pourquoi l'as-tu fait?

-...Je ne sais pas. Il se battait et... était blessé alors... Ma voix s'éteint dans ma gorge, incapable de prononcer un mot de plus.

-Alors tu t'es reconnue en lui n'est-ce pas? Les blessures qu'il avait, tu les as vu et tu les as ressenti un nombre incalculable de fois devant un miroir. Sur ton propre visage.

     À ses propos, les larmes me montent aux yeux et quelques unes s'en échappent sans que je ne puisse rien y faire. Tellement, j'ai tellement de souvenirs de ce dont elle vient de parler. Des milliers de fois j'ai vu mon visage tuméfié, tous les jours une nouvelle colère, un nouveau coup. Et je ne pouvais rien y faire, j'étais spectatrice de mon propre malheur sans pouvoir y intervenir.

     Je hoche lentement la tête, pour lui signifier qu'elle a parfaitement raison, encore une fois. Voyant que c'est un sujet difficile et que je vais très probablement me renfermer sur moi-même si on continue sur cette lancée, elle décide de reprendre sur Zachary.

-Et qu'as-tu ressentis à son contact?

-Rien.

-Rien?! Comment est-ce...

-Tout s'est éteint. C'était formidable. La coupais-je, plongée dans mon souvenir.

     Elle semble réfléchir à ce que je viens de dire puis son visage s'éclaire. A vrai dire je ne savais pas comment expliquer ce que j'avais ressentis à ce moment, c'était très complexe à déchiffrer.