Fleur de glace ~ Tome 1 : l'envoûtante ténébreuse

Chapitre 22

~ Chapitre 22 ~

J'abats mollement ma main sur ma table de chevet, tapotant sur la surface lisse en quête de mon téléphone dont la sonnerie m'a arraché d'un sommeil sans rêve.

Avant même que mes esprits se rassemblent, je n'ai qu'une pensée en tête : encore une journée banale, sans elle.

Je regarde fixement le plafond, et échappe un long soupir. Je ne sais où je trouve désormais la motivation de mettre chaque jour les pieds là où elle foulait le sol comme si le monde lui appartenait.

Son image m'apparaissait comme un mirage à chaque recoin de l'université. Je suis devenue un fantôme et c'est pourtant elle qui me hante.

Je pousse quelques jurons avant d'enfin me lever de mon lit que je ne lâche plus pour me vêtir – tout de noir, pour m'effacer toujours plus – et me hâte de sortir. Le froid qui m'accueille dehors m'enveloppe et me mord, si bien que mes pas se font plus pressés.

Je m'engouffre dans les rues pavées, blanchies par une fine pellicule de givre, pour rejoindre cet arrêt de bus qui devait sûrement vouloir s'effondrer chaque matin à la vue de mon faciès qui semblait en vouloir au monde entier.

Je jetais des regards dédaigneux à chaque passant qui avait le malheur d'attarder le sien sur moi, on était maintenant bien loin de ce sourire d'ordinaire plaqué sur mon visage en toute circonstance.

Je devenais mauvaise, et je me plaisais ainsi. Et ce matin-ci, j'avais envie de m'adonner à un petit jeu sur le chemin pour faire passer le temps.

« Mhh tiens, celle-là elle sourie trop, on va remédier à ça. »

Un petit écart, et je lui assène un franc coup d'épaule gratifié d'un regard noir quand nous nous croisons.

Ma prochaine victime est un jeune homme chez qui selon moi émane trop de joie de vivre, chose indécente à mes yeux. Je lui voue un rictus mauvais avant de cracher une bile remplie d'amertume à ses pieds. Je gagne une confusion évidence dans ses yeux en retour.

Je relève la tête en quête de la prochaine âme à troubler, mais c'est la mienne qui est transpercée. Marley se trouve là, à quelques pas juste devant moi, à regarder l'ardoise d'un café. En un rien de temps, la distance qui me sépare d'elle est franchie, et j'empoigne son bras, toute tremblotante, pour la contraindre à me faire face.

Ma voix empreinte de détresse ajoute à sa confusion.

- « Marley... »

Mais le ciel semble à nouveau me tomber sur la tête, la jeune femme qui me fait face et me scrute curieusement de ses yeux bruns, n'est pas Marley. Mon esprit m'a joué un sale tour, n'affamant que davantage ma rage.

Je recule en échappant des balbutiements, la déception est trop grande et me laisse bouleversée. Je m'éloigne et continue mon chemin en sillonnant les rues comme une âme errante, laissant les larmes rouler silencieusement sur mes joues. Son absence était la pire des souffrances. Je me torturais à attendre son retour qui n'arriverai jamais... je la maudissais d'avoir eu la facilité déconcertante de partir sans même déplorer mon absence, et je me haïssais encore bien plus d'être autant affectée par son départ.

Le son d'une voix chaude que je connaissais bien s'élevant à mon côté me refroidit plus que tout le givre environnant.

- « aller, aller princesse... ça va aller, je suis là... »

Les puissantes mains de mon ami à la chevelure argentée vinrent frotter mes épaules d'une manière qui se voulait réconfortante, mais mon corps d'apparence si fragile fut bientôt secoué par des sanglots.