- Chapitre 26 -
Le fracas d'une caisse tombant sur la table me fit sursauter. Je relevais la tête, monsieur McCrédit transportait à bout de bras deux autres contenants similaires qu'il laissa tomber comme la précédente, à bout de souffle.
- Désolé pour le boucan, Arya. Haleta le vieil homme. Je ne voulais pas te déranger.
- oh mais ce n'est rien. Je ne travaillais pas, j'étais juste en train de copier quelques dessins à partir des illustrations d'un de vos bouquins.
J'avais passé la matinée à la boutique antiquaire de monsieur McCredit. J'étais tombée par hasard sur un bestiaire des animaux fantastiques poussiéreux, qui recélait d'images sublimes. Afin de ne plus penser aux derniers événements marquants, je m'étais donc adonnée à une petite séance de griffonnage.
Je fronçais des sourcils en voyant le contenu des caisses posées devant moi.
- qu'est-ce que vous faites ?
Le regard du vieil homme se balada sur chacune des caisses avant de revenir sur moi, m'accordant un chaleureux sourire.
- je fais l'inventaire de ces vieilles babioles...
Laissant tomber mon crayon et me piquant debout en un bond, je décidais qu'aider l'antiquaire ne serait pas une mauvaise chose.
- très bien, je peux vous donner un coup de main ?
Le propriétaire de la boutique hocha la tête pour toute réponse, essuyant du revers de sa manche des gouttelettes de sueur ayant perlées sur sont front.
J'inspecte le contenu des boites, très divers : des figurines en plomb, des vieilles clés, des petites boîtes à musique métalliques...
Monsieur McCrédit me tend un chiffon, et, tout en vérifiant la mécanique des petits bibelots musicaux, m'indique quoi en faire.
- tu n'as qu'à donner un petit coup d'éclat à toutes ces clés, elles ont pris la poussière en restant entassées aussi longtemps.
Je m'exécute alors, ravie de pouvoir donner un coup de main.
Je me saisi de l'une de ces clés anciennes, dont l'acier a été terni par le temps. Tout en astiquant doucement le petit ustensile, je détaille attentivement sa composition, son créateur ayant eu le souci du détail.
Je nettoie ainsi plusieurs clés, et à chaque fois que je plonge ma main pour m'en saisir d'une autre, je suis en proie à la même fascination.
Ce sont de vraies pièces de collection : chaque panneton est sculpté et finement travaillé, il en est de même pour les tiges, souvent ciselées, et l'anneau se trouve damasquiné de façon récurrente. Ces petits outils d'accoutumée ordinaires et sans valeur, sont tous ornementés de manière unique. En somme, il s'agit là d'un travail d'orfèvrerie.
Toujours en poursuivant ma tâche, je ne peux m'empêcher de faire remarquer au vieil homme mon intérêt pour ces clés rouillées.
- ces clés sont vraiment belles, ce sont des gens qui vous apportent tous ces objets ?
Le vieil antiquaire rigole doucement, restant autant concentré dans ses réparations.
- certains oui, d'autres non. Disons que ce sont plutôt des objects trouvés, ou alors que j'ai chiné dans des brocantes.
Quant à ces clés, les clavissophiles sont des collectionneurs qui se font rares de nos jours, alors, je n'en vend guère...
J'opine du chef, et observe pensivement l'amas de clés devant moi.
- je me demande quelles portes elles peuvent bien ouvrir...
Mes pensées se sont exprimées plus fort que voulu, arrachant un sourire à mon interlocuteur.
Un silence s'en suit, vite brisé par une voix vibrante de mystère.
- qui sait à quels endroits elles pourraient mener...peut-être à des lieux gardés secrets.
Je sursaute en lâchant un cri proprement féminin quand je sens un souffle murmurer ces paroles à mon oreille.
Je sens qu'on me mordille le lobe juste avant qu'un rire mélodieux que je ne connais que trop bien s'élève à mon côté.
Je pose mon regard sur la fille à la beauté ravageuse qui me toise, un sourire au coin des lèvres. Ses mains pressent affectueusement l'épaule du vieil homme, demeurant imperturbable.
- tu peux disposer princesse, je vais te relayer.
Je pose la dernière clé dans la petite caisse en bois, et désigne l'enceinte de la boutique d'un signe de tête.
- c'est donc ici que tu te terrais tout ce temps ?
Marley lâche un soupire d'aise, son expression joueuse ne l'abandonnant pas.
- et non, bien essayé ma jolie !
Je ne peux réprimer un léger sourire, décidément, cette fille resterait un mystère.
Ma contribution achevée, je me lève et me saisi du bouquin emprunté afin de lui rendre sa place.
Je m'enfonce dans les dédales de livres, et un regard en arrière me fait remarquer que Marley me suit avec nonchalance.
Arrivée au niveau de l'emplacement du bouquin, je ne peux m'empêcher un nouveau regard par dessus l'épaule, et je me perds à détailler l'allure de cette imbuvable beauté.
Son regard vague et détaché semblait malgré tout transpercer toutes les barrières de mon âme, sa lente démarche féline ajoutait à rendre son expression féroce.
Je tente en vain de me reprendre lorsque cette dernière se campe devant moi, ouvrant ses bras.
- là, maintenant que je suis assez proche tu vas pouvoir pleinement me contempler.
Constatant fort probablement mon teint virer au cramoisi, Marley arque un sourcil, et son sourire se fait d'avantage carnassier.
Je ne réussis qu'à bredouiller pour lui donner la réplique.
- arrête de faire cette... cette chose avec ton sourcil, c'est très déstabilisant.
J'ai dis ces paroles en me détournant d'elle, m'apprêtant à insérer le livre sur son étagère.
C'était sans compter la curiosité débordante de la ténébreuse. Elle arrache le bouquin de ma prise, et ce malgré mes protestations.
- je ne savais pas que tu te passionnais pour l'univers de la fantasy. Mhhh et qu'est-il dit de beau dans ce livre ?!
Marley entame un geste pour ouvrir le bouquin que j'empêche aussitôt. J'ouvre la bouche pour lui faire part de mon désaccord, mais celle-ci pose son index sur mes lèvres, m'invitant de ce fait à me taire.
Impuissante, je la voit ouvrir le livre, et faire défiler les pages. Mes dessins, que j'ai omis de ranger dans mon sac s'échappent d'entre la reliure et virevoltent jusqu'au sol.
- oh...mais que voilà.
Satisfaite, Marley enlève son doigt qu'elle vient placer devant ses propres lèvres, m'intimant supposément de garder le silence.
Elle se baisse sous mon regard rempli de gêne, et ramasse les feuilles volantes. Elle détaille quelques instants mon travail, et je vois tout d'abord une lueur de stupéfaction planer dans ses yeux, avant qu'un sourire impitoyable ne vienne fendre ses lèvres.
- intéressant. Ce sont de très beaux dessins.
Il y en avait précisément trois. Deux plutôt bâclés, sans trop de détails, étant de simples reproductions d'illustrations. L'autre en revanche était beaucoup plus appliqué et détaillé, représentant deux filles s'échangeant un chaste baiser. Et nul doute qu'à l'expression qu'affichait Marley, elle s'était reconnue comme l'une des deux.
Elle repose le livre et les dessins sur l'étagère. Elle me jauge un instant, ses yeux se plissent et j'y devine une lueur qui ne me plait guère. Elle s'approche dangereusement de moi, arborant un air prédateur.
- dis moi, princesse. Tu n'as jamais souhaité que tes œuvres prennent vie ?
Et pour appuyer ses propos, la sombre brune fit un pas en avant, et déposa un léger baiser sur mes lèvres. Rien de plus, rien de moins.
- mhh, j'adore le goût de tes lèvres.
J'échappe un hoquet de stupéfaction, un sourire irrépressible déformant mes joues brûlantes. Et je contourne la délicieuse peste, l'écartant de devant moi du bout des doigts.
Sa voix entonne alors une mélodie lascive.
- je vais être amenée à refaire ça plus souvent, je crois que je vais avoir du mal à y résister.
Je sens un poids s'écraser dans mon dos, Marley passe ses bras autour de mon cou, calle sa tête sur mon épaule et m'entraîne comme ça vers la sortie de la boutique.
Sous notre passage pas des moins discrets, monsieur McCrédit lève les yeux de ses occupations et hausse un sourcil interrogateur. Ma mine doit être mi-hébétée, mi-exaspérée puisque je surprends le vieil homme rire sous cape.
- Marley qu'est-ce que tu fais avec cette pauvre petite ?
L'intéressée lui répond tout d'abord par un sourire radieux, avant d'ouvrir la porte, faisant tinter des bibelots métalliques.
- je raccompagne cette demoiselle chez elle, je reviendrai plus tard pour vous aider, ne vous inquiétez pas !
Je glousse quand nous joignons les rues pavées.
- me raccompagner, sans blague ?
Marley me lance un regard faussement consternée.
- oui, tu ne dois pas habiter bien loin. Et puis, je m'assure que tu ne fasses pas de bêtises, pour une fois.
L'agacement se fait ressentir dans ma réplique.
- peut-être que si certaines personnes voulaient bien m'expliquer ce qu'elles savent, je ne me retrouverai pas dans des situations déplaisantes.
- et tu n'en sauras toujours rien, il en est de ton propre intérêt, crois moi. Rétorque la brune à brûle-pourpoint.
Je soupire, et décide de ne pas insister, ce serait lutter vainement.
J'assène un coup d'épaule à la jolie fille qui marche à mes côtés, et lui sourit timidement.
- alors... tu vas recommencer à disparaître et réapparaître comme bon te semble ?
Marley rigole doucement, ses iris azurés contemplants l'infinité bleue nous surplombant.
- non, puisque ça t'encourage a t'attirer des ennuis. Il semblerait que je sois de retour pour un petit moment...
Je tente de réprimer un sourire, en vain. Une vague de soulagement me submerge. Au moins étais-je sauvée d'un quotidien sans rebondissements et sans altercations avec ma délicieuse ténébreuse.
A peine arrivées sous le porche de ma résidence, j'éprouve déjà le regret de devoir laisser Marley. Sa simple présence me devenait indispensable.
La sombre fille s'adosse contre le muret, et incline sa tête dans ma direction, troquant une expression tranquille contre son éternel sourire en coin.
- et bien, ma belle, tu ne m'invites pas à entrer ?
Je sens mes joues s'empourprer. Non, s'enflammer, sans grande exagération de ma part.
Qu'est-ce qu'elle était en train de me faire au juste ? Je jurerai qu'elle essayait d'être sympathique et de passer un peu de temps avec moi de la manière la plus normale possible. Ce qui ne lui ressemblait pas du tout.
- mhh à moins que tu n'habites sur le palier, peut-être. Ça n'aurait rien d'étonnant venant d'une fille qui attend son bus au sommet d'une cheminée d'usine.
Je manque de m'étouffer à l'entente de ses bêtises. Je me fais encore hésitante quelques instants, si je l'invitais à me suivre, j'allais faire découvrir mon intimité à cette fille tumultueuse. Non pas que je n'en avais pas envie, mais je soupçonnais des raisons cachées à chacun de ses actes. Ma confiance était la seule chose qu'elle n'était pas parvenue à s'approprier.
- euh, et bien, suis-moi, je ne pensais seulement pas que tu voudrais venir chez moi.
Marley se redresse et m'effleure le menton en passant, ajoutant au vol :
- c'est trop facile de voir quand tu es embarrassée, tu as les joues toutes rosies et tu ne trouves plus tes mots.
Je ne relève pas la remarque, qui n'a pour seul effet d'accentuer les symptômes décris par la brune amusée de la situation.
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Fleur de glace ~ Tome 1 : l'envoûtante ténébreuse
RomanceUne nouvelle vie s'offre à Arya, celle-ci va vite s'épanouir en entrant dans le supérieur. Nouvelles fréquentations, nouvelles ambitions, nouveau cadre de vie. Tout sourit à cette jeune fille rêveuse. Or ses plans vont vite être contrariés lorsqu'el...