#3 Pourquoi

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J'avais doucement apprécié le calme autour de moi, ma tête toujours calée contre la vitre du bus -- comme souvent, il y avait de la buée, sur cette vitre. Et dans un geste paresseux et fatigué, j'avais jeté une œillade à la montre ornant mon poignet. 

Dans les villes de Séoul, le monde allait déjà avec entrain, à cette heure matinale. 

Cinq heures cinquante et une. 

Puis après quelques minutes de plus passées dans le bus, j'avais quitté ma place lorsque mon arrêt s'était montré -- au loin. Bientôt, les grands buildings au slogan imposant de l'entreprise dans laquelle je travaillais, attirèrent mon regard voilé. 

C'est en essayant de m'imprégner de la douce mélodie que dégageaient mes écouteurs, que j'avais finalement fait face aux portes coulissantes de l'immeuble aux couleurs froides. C'était des paroles, rien de plus banal. Mais des paroles à la fois tendres et profondes. Apaisantes, mais si blessantes.

Au-dessus de mon maigre corps, le vaste ciel semblait mitigé ; il était sombre, et les nuages le comblaient, sans doute un peu trop pour que le soleil ne puisse être aperçu. Une couleur que mon cœur connaissait certainement. Une teinte qui, rien que par ses tons, semblait capable de détruire.

Un peu comme si, rien que par ses paroles pleines de sagesse, il pouvait tout briser. Pour qu'une bonne fois pour toute, la pluie ne se déchaîne, et que mes larmes ne se déversent. Et plus je l'observais, plus j'avais cette impression qu'il ne voulait plus qu'une chose...

Que les rayons des astres n'éclos et que, par un miracle, les nuages ne se dissipent. 

La vérité, c'est que ce vide grandissant en moi m'effrayait. Parce que ce faible éclat que j'étais parvenue à préserver, commençait doucement à s'éteindre. Et lentement, je prenais conscience de ma condition. De mon pauvre statut.

Je n'étais pas un surhomme.

Juste un être humain.



***

- Seo!

Sur le moment, j'avais envié mon amie et son sourire lumineux. J'avais jalousé sa joie, sa bonne humeur, et cette capacité constante à positiver. Et là, j'avais détesté les cieux qui, ingrats, ne m'avaient plus accordé cette chaleur ardente. Je m'étais demandée, l'espace d'un court instant, ce que j'avais bien pu faire de mal pour avoir à subir, sans même savoir me défendre. 

Pour avoir à lutter, sans même posséder d'arme.

- Seo, est-ce que ça va?

L'inquiétude dans sa voix, était perceptible. Peut-être qu'elle était un peu plus accentuée qu'à son ordinaire. Mais par manque de force, je n'avais pas répondu.

A la place, mes yeux avaient détaillé les chiffres de l'horloge murale, là, en face de moi. 

La première heure de l'après-midi était déjà entamée, sûrement prête à en commencer une nouvelle.

- Seo, tu as mangé?

Une fois encore, ma voix n'avait pas su passer la barrière de mes lèvres. Soudainement, ma gorge me semblait étonnamment sèche, incapable de surmonter mon incapacité à articuler rien qu'une fois. 

La femme devant moi ne m'avait plus lâché du regard. Alors je n'avais pas non plus quitté ses iris. Parce qu'elle était magnifique, mon amie. Une beauté rare et naturelle. 

Et pendant que je demeurais, installée sur le siège derrière mon bureau, j'écoutais le calme, l'absence de paroles, aussi.

Aujourd'hui, les bruits de pas précipités s'étaient faits silencieux. Les cris quotidiens et le stresse constamment ressentis, n'avaient pas été présents. Aussi, je m'étais demandée la raison de ce soudain désert de langage incompréhensible. Là encore, je n'avais eu droit à aucune réponse.

You're not aloneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant