#87 Nous avions été amis

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En m'observant dans le miroir ce matin-là, j'avais remarqué ô combien mon corps était à bout. Combien, je n'étais plus capable de le maintenir en bon état par la simple force de ma volonté. Ça ne suffisait plus à présent. Mes doigts maigres me répugnaient, parce qu'ils étaient si fins, que j'avais l'impression que l'os ne tarderait plus à en sortir.

Mes joues s'étaient creusées, et alors que je refusais de soulever mon haut, j'avais frissonné, sous le courant d'air qui m'avait traversé. La buée sur la glace témoignait de la douche longue que j'avais prise au même titre que ce froid m'ayant assailli. 

C'est quelques minutes plus tard, une fois entièrement sèche et habillée, que j'avais refermé la porte de la salle de bain. Autour de moi, l'odeur détestable des produits d'hôpitaux me hantait les narines et l'obscurité de la chambre m'avait fait froncer les sourcils.

Et une main toujours sur la clenche, j'avais entendu celle de la porte de la chambre s'abaisser, pour laisser Jimin y entrer -- il tenait un gobelet en plastique entre les doigts et à l'odeur, j'avais parié sur un café noir.

- Salut. Il avait murmuré, comme si élever la voix, me briserait un peu plus.

J'avais déposé ma serviette humide sur le dossier d'une des chaises dans un coin de la pièce, pour lui laisser le temps de sécher et du coin de l'œil, j'avais aperçu le blond m'observer, secrètement. A ce moment-là, sans doute avais-je détesté ce regard trop sensible. Parce qu'absolument tout, puait la pitié chez Jimin. Et je ne supportais pas ça.

Après ça, il avait marché vers le siège — juste à côté de mon lit — et certainement dans une tentative de s'y asseoir, il avait grimacé, d'une façon si douloureuse, que j'en avais plissé les yeux. La vérité, c'est qu'il se préoccupait de moi, mais lui-même, n'était plus en mesure de se déplacer sans demander d'aide.

Jimin n'était plus qu'un pantin articulé avec en plus, une souffrance musculaire qu'il ne savait plus surmonter. Le silence de la chambre ne m'avait pas dérangé jusque là, mais le blond y avait ajouté quelque chose en plus. Un malaise, et une atmosphère étouffante que j'avais du mal à accepter.

Alors pour m'occuper, j'avais tiré les rideaux, laissant la lumière du jour éblouir l'endroit que j'avais occupé, le temps d'une nuit. Dehors, les premiers rayons du soleil honoraient la ville de Paris et alors que je venais seulement de me réveiller, le monde lui, n'avait pas semblé avoir trouvé le repos.

- Tu vas bien?

Il avait soudainement demandé, les fesses finalement calées sur l'assise du siège gris et le regard rivé sur la fumé de son gobelet. L'espace d'un instant, je m'étais surprise à vouloir y goûter, à ce café. Parce qu'aussi loin que j'essayais de me souvenir, je ne m'en rappelais plus la saveur, ni l'attrait.

- J'ai dormi... J'avais soufflé; en même temps, je m'étais installée sur le lit, le dos enfouit dans le coussin blanc derrière moi. J'crois que ça m'a fait du bien.

Là, je n'avais plus lâché son corps du regard, et c'est en le détaillant un peu mieux, que j'avais remarqué sa tenue négligée. En fait, Jimin n'avait pas même pris le temps de se changer. Et cette idée m'avait révoltée. A quel point était-il capable de se négliger pour favoriser les autres?

Et il avait bougé, pas énormément, mais juste assez pour permettre à son visage de se déformer en une énième grimace. Il n'était même plus capable de bouger sans pousser un gémissement de douleur.

Alors moins de quelques secondes plus tard, je m'étais redressée, les genoux enfoncés dans le matelas et le dos droit. J'avais tapoté les draps d'une main exigeante, le regard sévère et assez dur pour le dissuader de s'opposer. Il s'était approché, pour s'asseoir à son tour sur le lit, une jambes pliée et l'autre encrée au sol.

- Retire ton t-shirt.

Ses yeux dans les miens totalement sérieux, il les avait ouvert un peu plus, surpris par ma demande trop soudaine. Je le savais... En ce moment dans sa tête, plus rien n'allait. Et face à son silence et sa silhouette toujours immobile, j'avais quitté le lit, pour lui faire face mais debout.

- Allez... Je lui intimais, doucement. Retire ton haut, Jimin.

Il l'avait fait, l'air perdu et le poil frissonnant, s'arrêtant lorsque ses doigts avaient attrapé les bords de son t-shirt. Pendant ce temps, j'avais fouillé dans mon sac que j'avais abandonné dans un coin de la chambre, quelques minutes avant ma douche, pour y sortir une boite de patchs chauffants.

Jimin avait semblé me comprendre à la seconde où j'avais déposé les emballages sur le lit, y grimpant pour me retrouver derrière lui, à genoux. Son vêtement enfin retiré, je l'avais vu frissonner, puis frotter ses avants-bras de ses mains; je le savais, qu'il avait froid.

- Couche-toi sur le ventre.

J'avais doucement grimpé sur son dos après ça et mes mains gelées n'avaient pas tardé à le faire trembler lorsque j'avais effleuré sa peau exposée. Pendant quelques minutes, j'avais massé ses zones douloureuses, lui arrachant parfois quelques gémissements plaintifs. Il soupirait souvent, et sa joue écrasée contre l'oreiller m'avait fait sourire. 

- Ah... Il avait relevé la tête, et j'avais compris; je venais de toucher un point sensible, juste en bas de son dos. Appuie un peu plus.

Je l'avais fait, parce qu'il en avait besoin et que j'étais là pour l'aider. Son corps crispé vibrait sous mes doigts, et à quelques endroits, je tentais de dégager ses nerfs que je savais emmêlés. Un peu plus tard, j'avais posé les pieds au sol et Jimin m'avait suivi, toujours assis.

- Tourne toi. J'avais articulé, sans le brusquer. 

A présent devant lui, j'avais une vue sur son torse dénudé. Son tatouage exposé m'avait fasciné; j'adorais réellement l'écriture à l'encre et la trouvais encore plus belle lorsqu'elle décorait un corps. J'avais vite repris ma place derrière lui toutefois.

En déballant un patch, il m'avait regardé, les yeux scintillants. J'avais décidé de crever l'abcès. 

- Pourquoi t'es là, Jimin... Vulgairement, j'avais abandonné l'emballage sur la table à côté de moi.

- J'suis monté dans l'ambulance avec toi et Namjoon Hyung hier soir. J'ai pas quitté l'hôpital depuis.

Je repassais plusieurs fois sur le patch que j'avais collé sur sa peau, pour faire disparaître les plis.

- Et tu négliges ton propre corps. Mon murmure ne lui avait pas échappé, même si j'avais dit ça pour moi-même.

- Comme ça on est deux.

Je savais parfaitement qu'il disait vrai. Que mon corps subissait bien plus que le sien. Et que chaque jour, il luttait pour me maintenir en vie.

- Tu crois que personne l'a remarqué, Seo? Inconsciemment, il avait relevé la tête, déplaçant le patch; je n'avais pas fais de commentaire. Tu crois que personne a remarqué que tu mangeais pas? Que tu tenais à peine debout?

- Baisse la tête.

- Tu ignores ce que je te dis. 

- Je t'ignore pas, Jimin. J'avais déballé un autre patch. T'es juste en train de me faire la morale sur quelque chose que je sais déjà.

Après ça, Namjoon et Soo Min étaient revenus, un sachet entre les doigts que je devinais être des croissants, et des boissons brûlantes. Le leader du groupe m'avait observé longuement, comme pour s'assurer que j'allais bien, et doucement, son regard avait croisé celui de Jimin.

- Je m'assurerai de parler au manager à notre retour, Seo. Tu peux pas continuer comme ça.

C'est là que j'avais compris que Namjoon avait tout entendu et que lui aussi, se sentait concerné par mon état. Comme si toute notre vie, nous avions été amis.













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You're not aloneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant