Et tous les rois ont une reine...

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     La « fête du siècle » ? Non, vraiment pas. Même la Bar Mitzvah de Gina Jackson avait dû être plus arrosée, et plus cool. De l'alcool, des lycéens en furie et de la bonne musique... Enfin, plus ou moins, ça ne suffisait pas pour en faire la « fête du siècle ». Non, la « fête du siècle » devait impérativement comprendre des nanas en bikinis fluo, une table de billard, de la mousse, des shots de tequilas et sans doute quelques substances illicites dont je ne citerai pas le nom (GHB, Coke). Oh, et elle comprenait peut-être Jenny. Je n’arrivais pas à me décider… Jusqu'à maintenant, je ne l'avais pas aperçue dans la foule, ce qui voulait dire que son air hébété et la surprise que j'avais lu sur son visage n'étaient pas factices, et que je lui avait bel et bien appris l'existence de cette soirée. Combien de temps fallait-il à son lent mais charmant petit cerveau pour comprendre que ma phrase « Au fait, tu viens ce soir ? » était une invitation, certes, lancée spontanément, mais claire? C'était pourtant évident. Je délirais en criant, les mains levées dans la foule agitée, voire même hystérique. Pourtant, le cœur n'y était pas. Il y avait quelque chose de bizarre. Du stress? Non, n'importe quoi. Jamais je ne stresserais à cause d'elle, ni à cause de personne d'autre. Mon premier réflexe face à cet étrange phénomène, fût d'aller dévaliser le bar. De toute façon, c'était mieux pour eux que quelqu'un le fasse avant la fin de soirée, histoire d’éviter les accidents. Et heureusement ! En tant qu’adolescent responsable, j'étais volontaire. Une charmante demoiselle me servait un scotch lorsque le bon dieu sembla enfin exaucer mes prières. Elle était là, dans sa belle robe de cocktail noire qui s'arrêtait bien avant les genoux.  La température montait. J'avais soudain plus chaud et le col de mon tee-shirt, qui me semblait trop serré, collait à mon cou. A chaque pas qu'elle faisait pour avancer vers moi, j'avais l'impression de me pétrifier. Personne, je dis bien personne, n'avait jamais eu cet effet sur moi. Ce n'était pas possible. Irrationnel. Une fille m'adressa la parole au même moment, mais moi, tout ce qui m’intéressait, c’était de la voir -avec inquiétude- se rapprocher de moi. Pour la première fois, mon imagination me plantait. Je n'avais d’ailleurs aucune idée concernant la phrase ironique que je lui balancerai une fois qu’elle serait là. La blonde continua à parler. Et ça, ça m'embrouillait, m’ennuyait et créait des ondes négatives sur ma radio. Alors, en bon gentleman, je décidais d'employer les grands moyens pour enfin la faire taire.​ Quoi? Il fallait bien lui faire comprendre qu'entre elle et moi, il n’y aurait jamais rien d’autre qu'une histoire de batifolages, rien de plus.  

—Ecoute, j'ai aucune foutue idée de quoi t'es en train de parler, et pour être totalement franc, tu me soûles. Je m'en fou.  Au revoir, passe une bonne soirée, vas te morfondre devant un mojito si ça te chante, mais laisse-moi en paix, capish ? Merci, t’es mignonne.

Voilà qui était dit. Son expression m’indiquait à quel point elle était choquée et outrée, puis elle s'éloigna sur ses horribles talons hauts qui faisaient ces « clacs-clacs » mortifiants. La popularité vous rapportait parfois de sacrés boulets, franchement. Jenny continuait son ascension et se rapprochait dangereusement du point de rencontre, le regard rivé sur moi. Soucieux de mon apparence, je remettais un peu mes cheveux -toujours rebelles- en place et adoptais mon sourire le plus craquant. Elle allait m'idolâtrer.  Elle arriva finalement devant moi, diablement belle. Je n'avais qu'une envie: Débarrasser ses délicates lèvres de ce gloss prune qui les empourprait et lui coller des baisers ardents.​

—Eh, regardez-qui... Commençais-je.

Qui ne m'as pas vu! Elle ne me fixait pas moi. Maintenant, c’était ce crétin de Julian Edwards qu’elle regardait. Elle se fraya un chemin dans la foule en me bousculant, comme si j'étais devenu invisible. C'était impossible, impensable, je vivais un cauchemar et j'allais sûrement me réveiller d'une minute à l'autre, trempé de sueur. Je n'étais invisible pour personne, au contraire, j'avais parfois l'impression d'être une véritable boule à facettes qui attirait les regards... Jenny était l'extraterrestre de la salle. Je ne comprenais pas. J'avais pourtant bien discuté avec elle tout à l'heure, je n'étais pas fou... Merde.  Pour la première fois de ma vie, je venais de prendre le vent du siècle. Et j'avais la dérangeante impression de ressembler à ce gars que tout le monde connait. Dans le bus, vous savez, celui qui vous répond quand vous faites un signe à l'un de vos potes et qui apprend par la suite qu'il s'est fait des tas d'illusions sur votre pseudo-future relation amicale. Un raté monumental.​ C'était le fruit de tous mes efforts du jour. Pourquoi s'obstinait-elle à manger du pâté pour chat alors que le foie gras s'offrait à elle? Ridicule, on est d'accord. Pendant un instant, je me mis à douter de mes charmes. Je ne comprenais pas son attitude... Mes yeux bleus comme l'océan auraient dût l'inviter à se noyer dans mon regard sulfureux, mes muscles saillants auraient dut lui donner envie de m'enlacer, mes lèvres sensuelles... Enfin bref. Ça aurait dû marcher !  Il fallait rapidement trouver un plan B si je ne voulais pas passer pour un abruti et finir comme Bridget Jones. Qu'est-ce qu'elle n'avait pas compris la première fois? Alors que je réfléchissais aux options qui se présentaient, Jacob Nox, fils des propriétaires de la gigantesque baraque dans laquelle je me trouvais fit une annonce: 

Love comes from HateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant