Mes mains étaient crispées autour du volant de cuir de ma Chevrolet. Je conduisais dangereusement mais la vérité, c'était que je me fichais bien de me faire arrêter ou bien de me faire flasher au radar. Après tout, si je devais vivre une journée pourrie, autant la vivre jusqu'au bout non? Je n'aurai qu'à faire un beau sourire quand le flash apparaîtrait. Si je tentais de m’évertuer concernant ma conduite et essayait d'arrêter les monologues intérieurs, mon autoradio planta le dernier coup de poignard dans mon dos. Même ma station préférée avait fini par adhérer, elle aussi, à la théorie du complot contre moi. Elle braillait inlassablement "Jenny, Jenny who can I turn to, You give me something I can hold on to, I know you'll think I'm like the others before".
—Merde, fais chier! Grognais-je en donnant un grand coup dedans.
Super, maintenant il ne risquait plus de fonctionner... Plus jamais. C'était le coup de grâce. Si je devais récapituler les coups de maître d'aujourd'hui, j'aurai bien évidemment cité celui-ci, qui allait s'ajouter aux autres. Monsieur Philips m'avait viré de cours après d'avoir lu l'intégralité de mes messages personnels devant une audience très spéciale (ma classe), Madame Meyer m'avait posé des questions -chiantes à mourir- dans l'espoir de déceler chez moi une forme très rare de psychopathologie, Jenny, grâce à qui j'avais pris le plus légendaire râteau de l'histoire, m'avait recalé d'une façon qui forçait le respect et n'oublions surtout pas ma petite sœur qui jouait les Patrick Jane. Pathétique. Le bar apparût dans mon champ de vision et ce fût d'ailleurs la seule chose qui m'empêcha de filer vers la liberté sur la grande autoroute.
—Allons boire un coup, décrétais-je, espérant me convaincre moi-même d'une bonne volonté qui n'existait pas.
Et si c'était vrai? Et si j'étais tombé amoureux de Jenny? Cela expliquerait le trou béant que j'avais dans la poitrine, ce vide dans le ventre que je ne pouvais pas combler par la nourriture et cette sensation désagréable que je n'avais auparavant jamais connu. Dans ma gorge, il y avait ces... Oui, bon d'accord, j'avais les boules! A l'intérieur, où une forte odeur d'alcool flottait dans l'air, Sasha était perchée sur un tabouret. Ses cheveux blonds soyeux et ondulés descendaient le long de son dos. Elle semblait plus radieuse que jamais. Une flamme d'espoir se raviva un peu, rien qu'en la voyant. J'avais repris du poil de la bête. Allez Nathan, on y va, m'encouragea ma conscience.
—Bonsoir beauté fatale, vous permettez que je vous offre un verre?
Quelle phrase démente. C'était bien formulé, j'étais forcé de l'avouer... Sauf que je n'en étais pas l'auteur. Non, elle provenait d'un homme blond et bien battit venait de s'approcher de ma seule raison de sourire ce soir. Et je n'avais aucunement l'intention de la laisser filer avec lui.
—Non, mais par contre tu peux t'en payer un ailleurs, rétorquais-je d'un air inquisiteur qui aurait fait frémir n'importe qui.
Je le flanquais, bien décidé à garder la jolie demoiselle pour moi seul. Il avait surement envie de dire quelque chose, et il l'aurait surement fait si Sasha n'avait pas eu ce sourire radieux en m’apercevant. Il opta pour la plus sage des options et choisit de rendre les armes, de remballer son sourire à la Colgate et d'aller le servir à une autre fille moins jolie. J'étais catégorique, ce soir, la plus belle était pour moi.
—Salut brun ténébreux... Murmura-t-elle d'une voix suave tout en posant un baiser sur ma joue.
—Bonsoir ma beauté fatale.
Il me sembla qu'elle apprécia beaucoup la touche possessive personnelle que j'avais rajouté à la réplique du blond puisqu'elle me sourit sans réserve et posa sa main sur mon bras. Le barman, dont le visage m'était familier après tous les pourboires que je lui avais donné pour le réduire au silence, me demanda ce que je souhaitais boire. Sans hésitation, je lui répondis:

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Love comes from Hate
Teen FictionNathan Bellamy déteste les stéréotypes. Et pourtant, à presque dix-huit ans, son existence-même est celle de l'adolescent rebel, sarcastique et imprévisible que tout parent sain d'esprit craint d'avoir. Involontairement roi du lycée de Burwell, sa...