Les flavescentes lueurs des lampadaires de Burwell brillaient sur les vitres de la voiture de police de l'officier Kane. Après un dîner où nous avions pu goûter à l'embarras sous sa forme la plus pure, et surtout à l'infecte nourriture de Tania, le père de Jenny avait finalement posé son regard sur sa montre et avait annoncé de sa voix la plus neutre qu'il était temps pour lui de prendre son service. Tout naturellement, il avait insisté pour tous nous conduire, par lui-même, à cette stupide cérémonie. Soirée pendant laquelle j'allais devoir monter sur l'estrade pour balancer le nom du prochain connard qui prendrait ma place. Le fait d'arriver en voiture de patrouille, accompagné de l'adjoint du shérif, accessoirement le géniteur de la fille avait qui c'était "compliqué", n'arrangerait rien. Pour couronner le tout, j'avais eu le droit au siège passager, pendant que Dean, Jenny et ma sœur se terraient sur la banquette arrière en respectant scrupuleusement la règle du roi du silence. Peut-être que le véhicule aurait dû quitter la route et s'écraser dans un ravin. Au moins, quelqu'un aurait dit quelque chose. Un tout petit cri peut-être? Ça aurait fait de l'effet. Cette soirée était décidément l'une des plus étranges de toute ma vie. Puisque chacun s'obstinait à fermer les yeux et à jouer la carte de l'indifférence....
—Excusez-moi, mais est-ce qu'on va tous à la morgue, ou à une soirée paillarde où on va tous se déf... Commençais-je ironiquement, avant de remarquer le regard intrigué de Monsieur Anderson.Très bien, ce n'était vraiment pas le moment idéal pour sortir le mot initial.
—Se défouler. Où on va tous se défouler? Terminais-je en souriant faussement. Parce que là, maintenant, on dirait un enterrement collectif.
Personne ne releva. J'avais l'impression d'expérimenter la rôle de la victime dans l'une de toutes les nombreuses fois où j'avais moi aussi joué la sourde oreille. Un soupir m'échappa et mon attention se porta d'abord sur le paysage inintéressant et si familier qui défilait toujours par la fenêtre, puis sur le rétroviseur, où le visage de Jenny apparaissait de temps en temps, entre deux flash de lumières. Elle ne me quittait pas des yeux. D'ailleurs, je n'étais pas sûr d'avoir envie qu'elle le fasse. Suite à toutes les révélations qu'elle m'avait faite, je me sentais plus proche que jamais de la fille si mystérieuse et combative qu'elle m'avait toujours semblé être sous son apparence si douce et délicate. Soudain, alors que je me perdais à vouloir l'hypnotiser et à plonger dans son regard, pour trouver aux tréfonds de son âme les réponses que je recherchais désespérément sans en avoir vraiment conscience, son téléphone, qui vibrait énergiquement, l'arracha à mes vaines tentatives.
—C'est Julian, annonça-t-elle en pianotant sur son écran.
Sans blague, quelle surprise. On mourrait tous d'impatience, quel suspens...
—J'arrive toujours pas à croire que tu traîne avec ce gars-là, soupira Dean.
Moi non plus, d'ailleurs.
—Il est sympa, et il était là pour me soutenir quand je n'allais pas bien. C'est quelqu'un de bien, répliqua J.
—Je me fiche de savoir si c'est un gentil petit samaritain, il est... trop...
—Lui, rajoutais-je avec un sourire sardonique. Il est trop lui.
Jenny leva les yeux au ciel. Oui, c'était exactement ce qui n'allait pas.
—Il a un bon fond. Peut-être que vous ne l'avez pas vraiment remarqué, mais après tout, vous ne savez pas vraiment ce que c'est, être bon. Pas vrai?
Outch, ma fierté. Dean ricana.
—Si, justement...
—Je ne pense pas que ce soit ce dont elle veut parler, remarqua intelligemment ma petite sœur.
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Love comes from Hate
Fiksi RemajaNathan Bellamy déteste les stéréotypes. Et pourtant, à presque dix-huit ans, son existence-même est celle de l'adolescent rebel, sarcastique et imprévisible que tout parent sain d'esprit craint d'avoir. Involontairement roi du lycée de Burwell, sa...