—T'es sûr ?
A vrai dire, Julian avait l'air convaincu parce qu'il avançait là, sinon, il ne m'aurait jamais donné rendez-vous, mais mieux valait jouer la prudence, car la vérité, c'était que personne n'était sûr de rien lorsqu'il parlait de classes sociales supérieures à la sienne.
—Je l'ai vu.
Et si c'était vrai ? Et si je venais de dénicher l'atout qui changerait l'issu du jeu sans même à avoir à jouer la suite du match ? Je risquais ma peau, mais rien ne m'arrêterait. Je n'étais pas habitué à une si haute concurrence, mais comme je l'avais si bien dit précédemment, personne, même pas Dean, ne m'arriverait jamais à la cheville. J'étais le roi incontesté de la mascarade, des coups bas et la défaite n'était pas une option. Je ne connaissais que les joies de la victoire. C'est déloyal, me soufflait ma conscience... Oui et alors ? Qui a dit que j'étais loyal ? L'avait-il été un jour de sa vie ?
—Alors je te crois.
Edwards opina du chef, très sérieux. Le coach Foxworth, qui était le second entraîneur des Tigres –le très glorieux nom des footballeurs de Robert E Lee. – donna un coup de sifflet tout en lui faisant signe de revenir sur le terrain d'entraînement. Au loin, Dean, affublé de son maillot d'athlète me lançait des regards que je ne connaissais que trop bien. Je lui avais moi-même appris à se servir de cet air méprisant pour ce qui requérait l'intimidation. Julian descendit des gradins sur lesquels nous étions perchés et se retourna une dernière fois quand je l'interpellais :
—Merci.
Il n'était même pas surpris.
—C'est moi qui te dirai merci quand tu le descendras, rétorqua-t-il simplement avant de courir pour reprendre sa place.
Je soupirais. C'était loin d'être facile, mais en revanche, c'était nécessaire. Il jouait à un jeu dangereux qui allait lui coûter sa peau, car durant son absence, il y avait beaucoup de choses que Dean Hower avait loupées...
—Alors Edwards, on passe son temps à faire papote ?
—La ferme Hower.
Il sourit puis changea de sujet :
—Faut qu'on soit prêts pour vendredi soir ! Jensen, tu joueras en ligne frontale, tout comme toi, Julian, ordonna-t-il au moment même où je longeais les barrières.
Les joueurs de la frontale se prenaient généralement les plus gros coups de la compétition, mais ça, Dean le savait mieux que personne pour avoir tenu la place de capitaine pendant quatre ans, de la ligue des juniors jusqu'à celle des séniors. Le meilleur de sa catégorie à chaque fois, ce qui expliquait l'engouement du coach à l'idée de récupérer son meilleur leader pour le prochain match. Peut-être qu'il régnait sur la sélection sportive de façon incontestable, mais moi, Nathan Bellamy, j'étais le souverain légitime du lycée de cette charmante bourgade, et le meilleur leader dans toutes les catégories qu'il y existait. Le meneur de jeu, c'était moi, et cette fois-ci, j'allais placer le dieu vivant de Tiger en première ligne, dans un champ d'obus spécialement installé pour lui. Il aurait beau rugir, ses griffes ne lui serviraient à rien du tout.
Quand l'heure de Littérature français de Madame Delafleur arriva, mon soulagement fut grand. C'était l'un des seuls cours qu'il ne partageait pas avec nous. J'étais donc libre d'enlacer ma main autour de celle de Jenny et de pleinement profiter. Aujourd'hui, notre jolie française avait décidé que cette heure serait entièrement dédiée à la projection d'un film d'amour qui reflétait parfaitement l'âge d'or de la littérature européenne et « le formidable élan de créativité » dont les œuvres s'imprégnaient toutes. Dans ce cas-ci, ce n'était pas vraiment clair, puisque le film en question n'était autre qu'un film on ne peut plus pittoresque de notre belle Amérique. Roméo + Juliet, un film américain, avec des acteurs américains et une ville américaine.

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Love comes from Hate
Teen FictionNathan Bellamy déteste les stéréotypes. Et pourtant, à presque dix-huit ans, son existence-même est celle de l'adolescent rebel, sarcastique et imprévisible que tout parent sain d'esprit craint d'avoir. Involontairement roi du lycée de Burwell, sa...