L'élément perturbateur.

14.8K 938 103
                                    

        La jalousie est un fléau. Tout le monde le sait. Elle est vicieuse, sournoise et vous transforme en quelqu'un que vous n'êtes pas. Les pires, ce sont les femmes. Ne vous y trompez pas, une femme jalouse fait plus de recherches et d'enquêtes que le FBI. C'est comme un monstre aux dents acérées et à la faim d'informations insatiable, elle trouve? Vous êtes foutus et encore, le mot n'est pas assez puissant pour décrire ce qu'elles vous font ensuite. Pourquoi je vous parle de ça? Aucune idée. Surement parce qu'un ami m'avait parlé de sa situation un jour. Non, je ne parle pas de moi, je ne suis plus jaloux. Après tout, Jenny n'était pas à moi, Dean pouvait bien la prendre, je m'en fichais. Et puis, bientôt, je n'aurai plus à me soucier d'elle, ni de lui. Les vacances approchaient à grands pas, et j'allais bientôt m'envoyer en l'air... -Par avion, bande de pervers, par avion!-. Les Hamptons, beaux rivages exclusivement réservés aux populations aisées de cette bonne vieille Amérique, allaient m'offrir un beau palmarès de filles bronzées et fêtardes, et je n'aurai que l'embarras du choix. Pas besoin de Jenny. De toute façon, j'en avais assez d'elle et de ses crises de psychopathe, elle n'avait qu'à les servir à Dean, au moins, lui, il était patient. En parlant du loup, il remuait à ma droite, sur son matelas, comme une marmotte sort de l'hibernation après un hiver très long et très froid, sauf que dans notre cas, c'était d'une ivresse très intense et très tardive. Les chiffres analogiques du réveil installé à l'arrachée sur un carton annonçaient sept heures onze, mais il était plus de sept heures et demi, j'en étais intimement convaincu. Pourquoi? Parce que je n'avais pas fermé l’œil de la nuit, et j'avais largement eu le temps de compter les heures qui s'écoulaient lentement, très lentement. 

—Huuuum, brailla Dean dans son sommeil.

Il avait duré six secondes, j'avais compté. C'était très loin du record qu'il avait établi à cinq heures du mat'. 

—Il est quelle heure? Demanda-t-il en soufflant hasardeusement.

Il me décida à me lever, mon téléphone était sur l'un des cartons et je n'avais plus osé le prendre depuis que j'avais reçu un SMS de mon père, vers six heures. 

—Il est sept heures quarante cinq, énonçais-je, trop fort à son gout parce qu'il se boucha les oreilles.

—Merde...

Je soupirai. Merde? Il pensait être dans la merde? Qu'est-ce qu'il aurait dit dans ma situation? 

—Je dois passer chez moi avant les cours et récupérer ma caisse, tu viens?

—Y a deux ans t'avait pas de décapotable, alors ouais, je viens. Laisse moi prendre mes affaires de cours et m'habiller, attends moi en bas, j'arrive tout de suite. 

Je connaissais trop bien l’énergumène pour gober son "tout de suite". Dean allait prendre le temps de prendre sa douche, de se coiffer et de s'habiller pour son retour à Robert E. Lee, et surtout, pour son retour dans le cœur de Jenny. Il était hors de question que je l'attende tout ce temps. 

—Non, j'ai une meilleure idée, je vais passer chez moi d'abord, aller chercher ma Chevy au bar et je passe te prendre, ok Roméo? 

Il se releva lentement, plissa les yeux et se laissa mollement retomber dans les draps. Ca, ça voulait surement dire ok. 

        Chez moi, tout le monde était déjà debout, certains au travail, comme mon père, d'autres venaient tout juste d’émerger, comme Tania, ou alors, encore d'autres, lisaient une connerie de magazine de filles -ceux avec les QCM ridicules- aux toilettes, comme Bérénice. Avec un peu chance, elle découvrirait mes petits mots sur les pages de ceux qu'elle préférait. Sur celui baptisé "Quel genre d'homme allez-vous épouser?", j'avais pris plaisir à noter au stylo "Aucun, personne n'en veut.". En fait, en y réfléchissant bien, il ne fallait jamais me laisser seul avec un bouquin dans les mains. J'étais exclus de la bibliothèque de Burwell depuis que Madame grincheuse -alias Madame Frinkle, bibliothécaire à ses heures perdues- m'avait pris en train de spoiler toutes les fins des livres qui se trouvaient dans les rayons consacrés à la romance, ses préférés. En effet, armé d'une armada de post-it jaunes que j'avais trouvé dans le bureau de mon père, je lisais chaque fin de ces stupides bouquins et prenais ensuite un malin plaisir à coller la petite feuille jaune qui indiquerait, après une dizaine de pages -histoire de les mettre dans l'ambiance-, que Brad le docteur sexy était mort que Chelsea la bombasse de l’hôpital avait déménagé pour se marier avec un français. Autrement dit, j'étais le gars vraiment chiant qui vous racontait la fin du livre ou du film avant le début. Enfin bref, tout ça pour dire que Bérénice avait tout, sauf de la chance de m'avoir comme grand frère. J'avais même été jusqu'à lui raconter la fin de Twilight, que j'avais mémorisé rien que pour l'occasion. 

Love comes from HateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant