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Cela fait deux jours que le marquis m'a embrassée. Depuis nous ne nous sommes pas encore adressé un mot. Lorsque j'entre dans une pièce il la quitte sous un quelconque prétexte.

Petit à petit une routine qui me plaît s'installe. Je me lève tôt et m'habille seule d'une robe lacée sur le devant sans corset. J'attache mes cheveux en queue de cheval et pars marcher seule dans les jardins sous la brume matinale. Je rentre et laisse ma femme de chambre me métamorphoser en pauvre veuve vivant grâce à l'aumône de sa riche famille. Je descends prendre le petit déjeuner seule puisque à mon arrivée le marquis se lève, s'incline et quitte la pièce sans un mot.

Une fois le petit déjeuner avalé je vais dans la chambre de la marquise lui faire la lecture. Elle me pose des questions sur les méthodes utilisées en France pour soigner sa maladie. J'essaie de lui répondre du mieux que je peux en essayant d'adapter mes réponses à son époque.

Je déjeune ensuite en tête-à-tête avec Cecily. Le marquis est souvent parti faire le tour de ses terres avec son intendant ou déjeune avec l'un de ses métayers.

L'après-midi est consacré à l'entretien de la maison. Cecily et moi supervisons l'avancée des travaux de ménage. À l'heure du thé elle rejoint sa mère et je me retire dans la bibliothèque afin de faire le point sur les comptes de la maisonnée.

Je suis concentrée sur les calculs que je suis en train de faire lorsque la porte de la bibliothèque s'ouvre.  Ce doit être une domestique qui m'apporte ma tasse de thé. Sans lever les yeux je lui dis :

- Merci Gabrielle, vous pouvez poser le plateau sur le coin du bureau.

Je continue mes calculs avant de me rendre compte que la personne qui est entrée est restée sur le pas de la porte sans s'avancer. Lorsque je lève les yeux je sursaute. En fait mon visiteur n'est pas resté devant la porte comme je le croyais mais s'est avancé silencieusement.

Le marquis se tient devant moi et je reste hypnotisée par ses beaux yeux bleus.

- Qui est Gabrielle ?

- C'est la domestique qui me sert mon thé tous les après-midi.

- Et comment connaissez-vous son nom ?

- Je le lui ai demandé. Ce sont des êtres humains qui travaillent ici. Je pense que si on a un minimum de reconnaissance à leur égard ils ne seront que plus efficaces et enclins à faire de leur mieux.

- Vous avez des idées très modernes sur la façon de diriger une maison.

Devant ma réaction il lève les mains :

- C'est un constat et non une critique. Attendons de voir sur la durée si vos méthodes fonctionnent.

- Merci de me faire confiance.

Je lui réponds avec surprise. Ce revirement de sa part est inattendu.

- Je suis venu vous voir pour vous avertir que je pars à Londres pour quelques semaines. Comme les invitations pour le dîner que je souhaitais donner n'ont pas encore été adressées il sera reporté après mon retour.

Heureusement qu'il reporte ce dîner car je l'avais complètement oublié.

- À mon retour nous discuterons de l'éventualité d'organiser un dîner ou un déjeuner champêtre.

Je me contente de hocher la tête dans l'attente de la suite.

- En ce qui concerne le fonctionnement de la maison, j'ai constaté qu'il y avait une amélioration en peu de jours. Les domestiques pourront s'occuper de mes appartements en mon absence.

Il marque une pause, semble hésiter puis se dirige vers la porte. À quelques pas de celle-ci il s'arrête et se tourne vers moi.

- Profitez de mon absence pour mettre en pratique vos méthodes saugrenues afin de faire guérir mère. Je déciderai à mon retour si je peux réellement vous faire confiance ou vous chasser de cette maison.

- Vous ne serez pas déçu du résultat.

- Ne faites pas de promesses que vous n'êtes pas sûre de pouvoir tenir.

Sur ces derniers mots il se retourne et quitte la pièce.

Après son départ j'essaie de me concentrer sur les colonnes de chiffres devant mes yeux mais sans succès.

Je prends alors un livre sur l'une des étagères et perds la notion du temps captivée par le livre d'aventures que je tiens entre les mains.

Je suis arrachée à ma lecture par le bruit de la porte qui s'ouvre. Lydia apparaît sur le seuil.

- Il est l'heure de vous préparer pour le dîner...

Présent et passéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant