Présent et passé

3

Je me laisse tomber dans le premier fauteuil que je vois. Ce n'est pas possible on me joue un tour. Ce doit être une caméra cachée.

Je me lève et arpente la pièce à la recherche d'un indice. Cependant ce qui me saute aux yeux c'est l'absence de tout objet moderne. Il n'y a pas d'interrupteur et pas de lampes. Juste une profusion de bougies qui attendent d'être allumées. Je m'approche alors des portes fenêtres et regarde ce qu'il se passe dehors.

Le bâtiment qui était occupé par la boutique de souvenirs et reliée au château par une longue véranda vitrée est tout à fait différent. La véranda a totalement disparu et le bâtiment est ouvert sur cette face. Il est jonché de paille sur le sol et semble être constituée de plusieurs cases. Bien que me trouvant assez loin je dirais qu'il s'agit d'une écurie.

J'entends des pas dans le couloir et redoute que ce soit le marquis qui revienne. Mais quand la porte s'ouvre je vois une adolescente entrer dans la pièce. Elle a une magnifique robe bleu clair très ajustée à la taille et qui s'évase largement autour de ses jambes. Elle a les cheveux attachés en chignon duquel s'échappent plusieurs longues boucles.

Elle s'avance vers moi, s'arrête à quelques pas et me fait une révérence. J'essaie tant bien que mal de faire de même. Lorsque je me redresse elle s'avance et me prend les mains :

- Je suis si heureuse que vous soyez saine et sauve. Lorsque notre carrosse est revenu vide avec la nouvelle du naufrage nous avons craint que vous n'y aiez pas survécu ! Quelle merveilleuse nouvelle lorsque mon frère m'a fait appeler. Depuis la maladie de maman c'est si triste dans la maison. Il n'y a plus de visiteurs pour le thé ni dîners dansants. Je me réjouis d'avoir de la compagnie lorsque mon frère sera occupé.

Pendant son monologue une servante à installé tout le nécessaire pour prendre le thé sur une petite table entourée de deux fauteuils recouverts d'un magnifique tissu vert et or.

Cecily me tire par la main vers un fauteuil et se met en devoir de servir le thé.

- Heureusement maman m'avait déjà appris à faire le service pour le thé lorsque nous avions des invités. Malheureusement elle ne m'avait pas encore appris à diriger la maison. Les servantes n'en font qu'à leur tête et les cuisiniers aussi. Nous n'avons jamais ce qu'il faut dans l'assiette et jamais à l'heure prévue. Mon frère dit que je suis trop indulgente avec le personnel mais je ne pourrais jamais être aussi dure que lui.

Elle fait une pause le temps de mordiller un biscuit et de tremper ses lèvres dans son thé fumant. Puis son bavardage reprend :

- Vous pourrez peut-être m'aider et m'expliquer comment faire. Mon frère m'a dit que vous aviez l'une des plus belles propriétés de France. Quel dommage que vous n'ayez pas pu la garder. Mon frère a fait tout ce qu'il a pu pendant un an mais les dettes étaient trop nombreuses et trop importantes pour que vous puissiez y rester. Heureusement, la vente à permis de tout rembourser et en plus il vous reste de quoi vivre. Je crois que si je m'étais trouvée à votre place et sans revenu je ne saurais pas quoi faire. Oh mais je me montre extrêmement impolie à vous parler argent !

Je la vois se plaquer les deux mains sur la bouche et rougir. Je me sens obligée de la rassurer :

- Ne vous inquiétez pas. Je pense juste que vous avez manqué de compagnie dernièrement et que vous avez beaucoup de choses à dire.

- Pardonnez moi d'être aussi bavarde. Avec tout ça je ne vous ai même pas demandé comment vous alliez avec toutes vos mésaventures. Je vais vous montrer votre chambre qui sera dans l'aile réservée à la famille. Après tout vous allez séjourner chez nous assez longtemps jusqu'à ce que mon frère finisse de régler la succession de feu votre époux et il ne serait pas humain de vous exiler seule dans l'aile réservée aux invités.

Elle s'interrompt encore un instant pendant qu'elle avale une autre petite gorgée de thé. Elle repose sa tasse délicatement puis se lève.

- Je vous montre votre chambre pour que vous puissiez vous reposer un peu et vous rafraîchir avant le dîner. Habituellement nous nous retrouvons ici-même au petit salon à 19h.

Puis elle me prend la main et m'entraîne hors de la pièce, le long du couloir sombre jusque devant le grand escalier situé dans l'entrée. Nous gravissons le premier palier et nous arrêtons. Elle se tourne vers moi et m'explique :

- L'aile est est réservée aux invités et l'aile ouest à la famille.

A cet endroit l'escalier se divise en deux volées de marches, une à droite, l'autre à gauche. Elle me reprend la main et m'entraîne vers l'escalier de gauche.

Au niveau supérieur, nous arrivons dans un autre long couloir sombre bordé de plusieurs portes. Nous en dépassons deux lorsque Cecily m'en désigne une en m'informant s'agir de sa chambre. Elle me dit aussi que celles de son frère et sa mère se situent au bout de ce même couloir.

Nous dépassons une ou deux portes de plus et nous arrêtons enfin devant ce qui semble être la chambre qui m'a été attribuée. Le mur est tapissé d'un papier blanc cassé sur lequel sont dessinées de délicates roses aux pétales rose pâle. Un grand lit en bois foncé sculpté trône au milieu du mur de droite surmonté d'un baldaquin.
Un petit secrétaire servant aussi de coiffeuse est installé à côté de la porte. Une immense cheminée fait face au lit et un feu y crépite déjà. Un immense tableau représentant une scène champêtre occupe le dessus de la cheminée. Un fauteuil à l'air confortable est posé près de la fenêtre.

Je tourne sur moi-même pour admirer l'ensemble et trouve la pièce magnifique. Je ne peux m'empêcher de remercier Cecily.

- Merci cette chambre est magnifique et me plaît beaucoup.

- Oh je n'y suis pour rien c'est mon frère qui m'a dit de vous donner la chambre rose. Il a dit que ce serait parfait avec votre prénom et que ça deviendrait la chambre de Rose.

- C'est très aimable de sa part.

- Je vous laisse vous reposer et vous enverrai une bonne pour vous aider à vous préparer pour le dîner. À tout à l'heure.

Elle me fait une petite révérence rapide et me laisse seule avec mes pensées...